Un nombre croissant d'experts s'accordent sur le fait que l'avenir est de moins en moins prévisible.

Le thème sous-jacent à la 3e conférence organisée par AppleTree à Genève la semaine dernière faisait référence à la phrase de Donald Rumsfeld « there are also unknown unknowns – the ones we don’t know we don’t know » (2002). Cette phrase illustrait donc parfaitement les propos des différents intervenants qui ont tenu à mettre en évidence que, dans le contexte macroéconomique actuel, beaucoup de surprises sont possibles et que l’investisseur ne serait même pas en mesure d’imaginer tout ce qui pourrait potentiellement influencer les marchés et donc son portefeuille.

 

La Fed

Un exemple de ce type de situation a été illustré par Giuseppe Sette, co-CIO de Lombard Odier 1798 Macro Strategies, à travers les récentes annonces de la Fed, forcée à plusieurs reprises de s’adapter à des chocs imprévus provenant de Chine, du vote du Brexit ou encore des chiffres américains de l’emploi. Au niveau des investisseurs, ce type de comportement a amené à se poser des questions sur la crédibilité de la Fed et ses modes de raisonnement, ajoutant un niveau d’incertitude supplémentaire dans leur raisonnement. Tenant compte des éléments actuellement connus, les prévisions de Giuseppe Sette tablent sur une hausse des taux en décembre sans correction violente du marché obligataire. Par contre le risque de faire face à de nouvelles surprises ne doit pas être minimisé, dès lors l’achat de volatilité – actuellement à des niveaux extrêmement bas – devrait être envisagé.

 

iPATH S&P 500 VIX Short-Term Futures ETN (source : bloomberg.com)

Marchés obligataires

La politique des taux était également au centre de la présentation de Geraud Charpin, gérant de fonds chez BlueBay, qui a passé en revue l’attractivité de différents investissements au sein de l’univers obligataire, tout en fustigeant les politiques des banques centrales. Comparant les politiques de taux négatifs à un électrochoc, G. Charpin a insisté sur le fait qu’appliqué une fois, le traitement est supposé rendre vie au patient mais qu’appliqué à répétition, il va plus certainement le tuer. Néanmoins, il faut reconnaitre que la situation actuelle ne peut pas être comparée à un passé connu, ce qui ne facilite guère la tâche des banquiers centraux. Cependant une chose est sûre, aux niveaux actuels, les taux représentent un risque au sein des portefeuilles et non plus le coussin de sécurité habituellement associé aux investissements obligataires.

Des opportunités existent toutefois encore dans la dette subordonnée. La dette gouvernementale des pays développés serait à acheter sur correction en cas de mauvaise surprise. La dette corporate européenne est à éviter et l’américaine n’est soutenue que par des acheteurs étrangers en quête de rendement, qui pourraient décider à tout moment de se retirer. La dette émergente est à analyser pays par pays mais sans perdre de vue la tendance anti-globalisation qui gagne en importance et aura un impact négatif sur cette classe d’actifs. Finalement dans un monde en mal de croissance, lorsque les dernières cartouches de baisse des taux ont été tirées sans grand résultat, il reste la dépréciation des devises. Geraud Charpin s’attend donc à une intensification de la guerre des devises et y voit une source de rendement pour les investisseurs disposant des compétences nécessaires pour intégrer ce type de risque à leur portefeuille.

 

Marchés d’actions

La transition vers les marchés d’actions a été abordée par Lucio Soso de Bellevue Asset Management, qui a mis en évidence que la période de 35 ans de baisse de taux que nous connaissons actuellement ne s’est jamais produite auparavant, du moins dans une telle ampleur. Si l’on remonte au début des années ’60, on observe 4 phases distinctes au niveau des taux : une hausse lente, suivie d’une hausse rapide, ensuite une baisse rapide suivie d’une baisse lente. Actions et obligations ont connu des performances similaires, sauf durant la période de hausse rapide (1979-1982). La vitesse à laquelle les taux remonteront sera donc un facteur important.

Un autre élément à considérer est l’évolution des PE. Si les taux remontent, une baisse des PE est probable. De plus, la hausse des taux rendra à nouveau le cash attractif, surtout face aux rendements faibles des autres classes d’actifs.

 

Pétrole

Finalement David Fyfe, head of market research chez Gunvor Group a analysé le marché du pétrole qui a également fait face à quelques surprises et présente toujours certaines incertitudes au niveau géopolitique (Russie, Iran, Iraq…), au niveau de la politique de l’OPEP (et de ses résultats) ou au niveau économique avec le ralentissement chinois par exemple. Le contexte est néanmoins favorable à une hausse du prix du baril dans les prochains mois et David Fyfe s’attend à ce que la résistance actuelle à $50 se transforme alors en support. La demande est bien présente (et pourrait croître), la production est actuellement proche de sa capacité maximale par manque d’investissements ces dernières années et l’OPEP devrait réussir à baisser la production des pays membres. Dans ce contexte, les stocks actuels ne pourront que baisser et le prix monter vu qu’aucun pays à part l’Arabie Saoudite ne dispose de capacité de production excédentaire et que les producteurs américains de gaz de schiste auront besoin de 9 à 12 mois pour réintégrer le marché.

 

Conclusion

Quelle que soit la classe d’actifs considérée, les incertitudes sont effectivement élevées. Malgré cela le tableau n’est pas complètement sombre et certaines opportunités d’investissement se dessinent. L’achat de protection n’est donc pas à négliger et un bon discernement reste nécessaire afin d’évaluer au mieux les différents risques pouvant affecter les portefeuilles. Et plus que jamais, la modestie sera une qualité essentielle de l’investisseur qui aura tout intérêt à reconnaitre qu’il ne maîtrise pas tous les paramètres et que les prochains mois lui réservent probablement leur lot de surprises.