Sébastien Barbe, CIO de Schelcher Prince, nous fait part de ses réflexions macro-économiques. Si nous nous s’arrêtons aux données chiffrées, nous constatons que presque tous les clignotants sont actuellement au vert. C’est une bonne nouvelle pour les marchés et explique leur comportement récent. A contrario, si nous essayons de lire entre les lignes, de « voir ce que l’on ne voit pas », la « big picture » est un peu différente.

Sébastien Barbe

Voici nos interrogations et convictions actuelles :

  • American Spirit est-il de retour ?

Nous pensons que tel est le cas et que les agents économiques et en particulier les entreprises vont jouer le jeu et investiront lorsque les baisses d’impôts seront votées. Nous pouvons néanmoins nous interroger de la pertinence d’une baisse d’impôts à ce moment du cycle. Si ces réductions d’impôts se matérialisent, c’est bien sûr une bonne nouvelle pour les marchés.

  • Trump et sa capacité à faire passer ses réformes

Que ce soit du fait d’un Russia Gate qui prendrait de l’ampleur ou simplement parce que de nombreux républicains prennent leurs distances vis-à-vis de Trump, nous craignons qu’il soit potentiellement difficile pour l’équipe Trump de faire voter les réformes annoncées. Réforme du Dodd-Frank Act, d’Obama care, baisse d’impôts,…, autant de sujets épineux qui seront difficiles à faire passer. Nous suivons cela de près.

  • Une économie US à son pic

Nous surveillons particulièrement 2 indicateurs qui nous semblent donner des informations intéressantes. Le « credit impulse » qui mesure le flux de nouveaux crédits en pourcentage du PIB. Le pic de cet indicateur a été atteint au premier semestre 2016 et baisse depuis. Cela nous amène à croire que l’ISM est aujourd’hui sur son sommet et que la fin du cycle se rapproche. Nous pensons aussi que l’écart qui s’est creusé entre les ventes de détail qui progressent alors que le revenu nominal réel a commencé à décroitre, n’est pas tenable. Nous pensons que l’inflation aux US commence un peu à mordre le budget des américains et que le financement de cet écart par une baisse de l’épargne ou une expansion du crédit est un leurre.

  • Elections en Europe

En France, le risque « Le Pen » planera tout au long de la campagne bien que les marchés le cantonneront rapidement à une présence minoritaire au second tour contre Messieurs Macron ou Fillon. Nous pensons que les français ne sont pas prêts à voir Madame Le Pen à la présidence de la République…Pour l’instant,… les élections de 2022 risquent d’être une autre histoire… Ce faisant, nous jouons fréquemment dans nos portefeuilles le spread France/Allemagne quand il s’écarte trop.

En Allemagne, nous croyons que Martin Schulz a de grandes chances de se faire élire au détriment d’Angela Merkel. Contrairement à ce que pourraient voir les marchés, nous pensons qu’il s’agirait d’une bonne nouvelle. En effet, nous estimons que la zone Euro ne peut subsister en l’état actuel. En effet sur les 10 dernières années, le seul vrai gagnant a été l’Allemagne (au niveau du pays, car au sein de l’Allemagne une certaine précarité s’est installée, ce qui devrait faciliter l’élection de Schulz) et ce au détriment des autres pays. Aussi dans la période à venir, soit nous aurons moins d’Euro si aucune vraie réforme n’est engagée; soit nous aurons plus d’Euro et notamment plus de budgets communs pour assurer une certaine redistribution intra Zone. Un ticket Schulz/Macron irait probablement dans ce sens.

  • Le dollar ne peut plus monter vs Euro

Plusieurs forces militent pour un frein à la hausse du dollar. Nous avons d’ailleurs l’impression que le marché commence à s’en rendre compte. La meilleure preuve est que la référence à des hausses de taux par Yellen n’a pas entrainé une hausse de l’USD. Du côté américain, le discours de Trump sur le sujet est clair, il veut une stabilisation voire une baisse du dollar. Il est intéressant de noter d’ailleurs qu’historiquement, lorsque la Fed montait seule ses taux, 4 fois sur 5, cela a entrainé une baisse du dollar (qui avait monté préalablement). Parallèlement, nous pensons que l’Euro a aussi des raisons de monter…avec la BCE qui préparera sa sortie et les taux qui remonteront par à-coups.

  • Il convient de privilégier le crédit Euro vs US

Alors que nous approchons de la fin du cycle économique aux US, nous ne sommes qu’en milieu de cycle en Europe. Les valorisations étant peu différentes, nos préférences vont assez naturellement vers l’Europe. C’est d’autant plus le cas que le ratio dette/Ebitda est au plus haut depuis plus de 10 ans (et de loin) aux US alors qu’il est au plus bas en Europe. Une autre façon de le voir est de constater que l’endettement aux US, pour l’entreprise médiane (i.e. sans Apple, Amazon, Google,…) est au plus haut depuis 20 ans.

  • Il faut être prudent, opportuniste et tactique

Tous les actifs sont chers. Nous estimons néanmoins que les marchés d’actifs risqués ont une fenêtre étroite de surperformance. Il faut néanmoins être prudent et opportuniste dans la mesure où tout le monde fait la même chose au même moment. Lorsque les marchés corrigent, ils corrigent vite…puis ils remontent vite également du fait de l’excès d’épargne.