Quand il s’agit de parler de finance, ou d’essayer de savoir ce qui s’est passé dans les temples de la finance mondiale, on peut se contenter de lire la presse, c’est souvent la même chose qui se répète encore et encore, les mêmes sujets d’actualité, les mêmes théories fumeuses sur le pourquoi du comment des mouvements de marché avec tous la même obsession : trouver pourquoi le marché est monté ou pas. Il y a une solution pour voir ce qui s’est passé : regarder bêtement les chiffres et partir du principe que quand le marché a bougé de moins de 1% ; il ne s’est rien passé.

L’Audio du 5 avril 2017

Et comme actuellement le marché bouge de plus de 1% une fois tous les 100 jours, je ne vous dit pas comment c’est compliqué de se passionner pour tout ça.

Si l’on doit parler de chiffres pour résumer la séance d’hier, on peut retenir que le Dow Jones terminait en hausse de 0.19% – hausse violente au demeurant, surtout due à la hausse de Caterpillar qui était poussé par nos amis de Goldman Sachs. Ceux qui sont égaux comme les autres, mais plus – le S&P500 avançait de 0.06% – on sentait d’ailleurs que ça s’emballait furieusement, mais comme les acheteurs ont oublié le passage à l’heure d’été, ils ont passé leurs ordres quand le marché était déjà fermé – à l’intérieur du S&P et de plein d’autres indices dans le monde libre, les pétrolières étaient à la fête suite au derniers inventaires, le baril remontait au-dessus des 51$, lui qui était en dépression nerveuse et sous prozac il y a 3 semaines encore, le voici de retour en meilleure forme que jamais – on dirait Federer – les pétrolières étaient donc à la fête.

Le Nasdaq grimpait de 0.07% – là aussi nous étions au bord de l’évanouissement tellement ça montait vite. Malgré que le Nasdaq terminait en hausse – violente comme on l’a vu – la société Nvidia, active dans les cartes graphiques et dans l’intelligence artificielle – se faisait démonter la carte graphique (justement), puisqu’un analyste a parlé.

Le titre plongeait de plus de 7% parce que la société Pacific Crest, qui rappelle plus le nom d’une marque de planche de surf qu’un analyste financier à déclaré – je cite (et c’est important que je cite – parce qu’à la fin on se dit que quand même, le gars il aurait pu fermer sa gueule ça ne lui aurait pas fait de mal, ni à lui ni aux actionnaires de Nvidia) – Michael McConnell – l’analyste en question – a déclaré que :

– J’ai des craintes comme quoi Nvidia pourrait avoir tellement capturé de parts de marché que la croissance pourrait devenir un problème.

Du coup tout le monde s’est précipité pour tout vendre.

Je voudrais rapidement revenir sur le concept de la conjugaison et de l’utilisation du conditionnel. En général, lorsque l’on utilise le Conditionnel, cela signifie « peut-être » ou « c’est pas sûr », voir même « peut-être c’est même pas sûr » et dans certains cas : « éventuellement peut-être c’est même pas sûr ».

Donc quand vous avez Michael qui se pointe à télé et qui vous dit :

– J’ai des craintes comme quoi Nvidia pourrait avoir tellement capturé de parts de marché que la croissance pourrait devenir un problème.

Il faut relire la phrase et rajouter les mots complémentaires et ça donnerait :

– C’est même pas sûre, mais j’ai des craintes comme quoi Nvidia pourrait éventuellement peut-être mais c’est même pas sûr, avoir tellement capturé de parts de marché que la croissance pourrait éventuellement peut-être mais c’est même pas sûr devenir un problème.

Il faut tout de même comprendre que le mec, là, il va à la pêche. Il lance une théorie en l’air en supposant qu’il ne reste plus de parts de marché à bouffer (ce qui est donc un monopole), mais on part également du principe que les secteurs concernés par le business de Nvidia ne vont plus jamais croître non plus et ça, c’est moins sûr. En conclusion je suis consterné que le marché soit encore suffisamment idiot et bas de plafond pour prendre une décision d’investissement aussi drastique et déclencher une baisse de 7% parce qu’un sombre analyste qui était pressé de se tirer surfer à la plage a publié un rapport qui dit qu’il n’en sait rien mais dans le doute il est inquiet tout en utilisant le conditionnel et en terminant le rapport en question par un disclaimer de 8 pages pour dire aux clients que s’il a tort, c’est pas de sa faute parce qu’en même temps, s’il savait vraiment il ne serait pas en train de perdre son temps à écrire des rapports que personne ne lit vraiment.

Autrement, toujours dans les chiffres, en Europe le Footsie – ah non, ça c’est plus l’Europe – mais tant pis – à Londres le Footsie terminait en hausse de 0.54%, le Dax de 0.21% et le CAC de 0.30%, le tout sous le signe des pétrolières.

Dans les nouvelles dont tout le monde se fout, on notera aussi le fait que Jeffrey Lacker, le président de la Fed de Richmond a démissionné après avoir admis qu’il aurait laissé « fuiter » des informations a un « groupe financier, Medley Advisor » en 2012 – il leur avait donné des détails confidentiels sur le déroulement du Q3.

Ce qui fait plaisir, c’est de voir que même les Présidents de banques centrales sont des escrocs. Ça doit être le titre « président » qui corrompt l’esprit.

Ce matin l’Asie est molle. Le Japon est en hausse/baisse de 0%, Hong Kong recule de 0.19% et la Chine monte de 1% pour sauver l’honneur. La Chine est un thème qui va revenir fréquemment dans les médias financiers ses prochains jours et peut-être même dans la tête des investisseurs, parce que Trump va rendre visite à son pendant chinois Xi Jinping. Trump a déjà qualifié ce meeting de « difficile », parce qu’il n’aime pas la nourriture chinoise et qu’il ne sait pas s’il pourra aller golfer entre deux poignées de mains. Le marché a donc décidé de mettre ce meeting en tête de gondole comme préoccupation pour le reste de la semaine. Ça et la publication des chiffres de l’emploi vendredi.

Dans les nouvelles du jour, la BNP vient de racheter Compte-Nickel, le compte bancaire sans banque. Ceux qui voulait avoir un compte hors du système bancaire classique s’y retrouvait en évitant les « grandes banques expertes en finance qui savent tout », en se retrouvant dans le groupe BNP, ils vont être servis… La bonne nouvelle, c’est que les collaborateurs de Compte-Nickel vont peut-être avoir le bonheur et la joie de participer aux meeting de management de la BNP, ce qui est le summum du bonheur sans cesse renouvelé…

La Corée du Nord a encore tiré un missile, histoire de chauffer tout le monde avant le sommet Trump-Xi. Les 11 candidats à la présidentielle française se sont affrontés hier soir, le résultat est comme prévu, la seule alternative c’est de voter blanc ou de quitter le pays. Trump déclare que sans Twitter il ne serait pas où il est. Il est où d’ailleurs ? Il n’a pas fait mention de son coiffeur dans les remerciements.

Selon la première page du Wall Street Journal, les sociétés américaines devraient annoncer leur meilleur trimestre depuis des années. Ça serait dommage si le marché le prend bien et monte, depuis le temps qu’on est « sûr » que ça va baisser.

Le Barron’s et Goldman Sachs aiment Caterpillar. On parle de 30% de hausse avec un rendement de 3.3%, tout semble rouler pour le fabricant de chaussures. Il semble tout le monde a oublié les histoires d’évasion fiscale, en même temps c’est un sport national chez Corporate America. Le Barron’s aime aussi les titres Biotech qui se sont fait démolir, comme Gilead, Alexion, Alnylam ou encore Tesaro.

Dans les « divers », Washington a donné son aval pour la fusion entre Syngenta et ChemChina. Et puis hier Draghi a parlé de la mise sur le marché du billet de 50 euros, oui c’est aussi ça être patron de la BCE, parler à la ménagère de moins de 50 ans.

Côté chiffres économiques, nous aurons plein de PMI un peu partout et l’ISM à New York. Les futures sont en baisse de 0.14%, l’Euro/Dollar est à 1.0676, le Bitcoin vaut 1136$, l’or est à 1257$ et le rendement du 10 ans est de 2.35%.

Voilà, je crois que c’est tout ce qu’il y a à dire ce matin. Je ne vous cacherai pas que j’ai connu des journées plus amusantes, mais heureusement, aujourd’hui j’ai poney et théâtre, ça devrait être plus intéressant que Wall Street Journal, FT et CNBC à fond toute la journée. Que la force soit avec vous que la Corée du Nord se calme et que Macron tombe dans les escaliers. Je vous souhaite une très belle journée et on se retrouve demain pour la suite… La suite de quoi, je ne sais pas, mais la suite…

Que dire d’autre si ce n’est : À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Change is easy. Improvement is far more difficult”

F. Porsche