Il y a quelques jours, j’ai dû me rendre en Suède pour le travail. Au passage, j’ai eu l’occasion de passer quelques jours de plus à Stockholm, histoire de voir pourquoi la plupart des Américains, dont CNN confondent régulièrement la Suède et la Suisse. J’en arrive à la conclusion qu’il n’y a vraiment aucune raison.
L’Audio Krisprolls en version française :
Tout d’abord, en arrivant à l’aéroport de Stockholm, la première chose qui frappe c’est que l’on vous fait atterrir à l’autre bout du pays. Dès que les roues de l’Airbus eurent touché le sol, j’ai eu l’impression que l’on était posé au milieu d’un magasin Ikea et que le parking était super loin. Sauf que le magasin Ikea en question était encore sous forme « brute », en gros, c’était une forêt.
Après avoir roulé environ très longtemps. Longtemps à tel point que j’ai soupçonné le pilote de s’être posé sur l’autoroute voisine et de corriger le tir en roulant, l’avion a finalement stoppé ses roues devant l’aérogare. C’est là que j’ai pris conscience immédiatement de l’avantage que les Suédois ont sur nous – en plus d’être blonds, beaux et de tous (presque) ressembler à Brad Pitt en jeune – ils ont des trains qui donnent l’impression que nos bons vieux CFF se sont inspirés des chemins de fer d’Afrique Centrale. Les trains suédois marchent, sont à l’heure, ne s’arrêtent pas toutes les deux heures pour des « accidents de personnes », même pas pour avoir shooté un renne.
Une fois que le train (neuf) vous ait amené en plein centre de la ville, la première chose qui vous vient à l’esprit, c’est de vous demander où sont passées toutes les voitures. Ne cherchez pas, à Stockholm, il y a un péage pour rentrer dans la ville et au bout d’un moment, ça calme alors tu prends ton vélo, et puis le week-end, il y a encore moins de voitures. Quand je pense qu’il y a des genevois qui refusent de prendre le vélo « parce qu’il ne fait pas assez beau », à Stockholm au mois de mai, les locaux ils roulent en combinaison de ski s’il faut, mais ils prennent le vélo. Ou le bateau. Ou le vélo et le bateau.
Oui parce qu’à Stockholm il y a beaucoup de bateaux. Tout d’abord parce qu’il y a plein d’eau à Stockholm et qu’en plus, les bateaux servent à nommer les meubles Ikea.
Si, si, rien qu’en face de moi, en écrivant cette chronique, il y a un « waxholm », un « västan », un « storskär » et un « sonlam », vous reconnaitrez facilement un tabouret de bar, un canapé lit, une table de salle à manger pour 22 et un couteau de cuisine, si vous cherchez bien dans les catalogues du géant jaune et bleu au travers de l’Europe entière. J’ai aussi appris en Suède que les meubles n’ont pas les mêmes noms en fonction des pays. Forcément, alors que Kaka peut passer facilement en Allemagne ou partout dans le monde si vous êtes joueur de foot, c’est plus compliqué de vendre un bol pour le petit déjeuner qui s’appelle KAKA dans un pays francophone, même si l’on veut pinailler sur l’orthographe.
Et puis y a les poussettes et les groupes de coureurs à pieds. Et puis des fois des groupes de coureurs à pieds qui courent avec des poussettes. Non, parce que là-bas, en plus de produire des footballeurs qui parlent d’eux à la troisième personne et qui ont transformé leur nom de famille en verbe (ndlr : zlataner), les Suédois ont inventé le congé parental pour les pères. Ce qui donne envie de faire plein d’enfants – enfin, plein, faut pas déconner non-plus – histoire d’avoir plein de temps libre pour s’occuper de bébé et d’aller faire des promenades dans les parcs avec les copains qui ont aussi réussi à se faire mettre en congé parental. Et donc, les plus sportifs vont courir avec la poussettes, les moins sportifs garent les poussettes devant les bar et vont boire des verres avec bébé sur les genoux.
Le Suédois n’a pas l’air comme ça, sous ses faux airs de type qui fait du vélo ou qui court en groupe dès qu’il a 5 minutes, mais le Suédois boit. Beaucoup et en grosse quantité. En tous les cas, ceux qui j’ai croisé sur un bateau, un soir de mai, avaient tendance à boire tout ce qui leur passait sous la main, pour autant que cela ait été fermenté d’une manière ou d’une autre. Il faut cependant leur reconnaître une chose ; ils savent encaisser, parce qu’au même rythme, j’aurais été rapidement dans un coma éthylique profond.
Pour ma défense, comme je mesure à peu près la moitié de la taille du Suédois moyen, je tiens beaucoup moins bien l’alcool.
Quand tu vas à Stockholm, tu dois faire du culturel. Il y a un aquarium, que je n’ai pas fait parce que je soupçonne que les poissons sont les mêmes que les 812 autres aquariums que j’ai visité dans ma vie. Il paraît peu probable que le filet de perche suédois porte la queue de cheval et ait les yeux bleus. J’ai donc fait l’impasse. Il y a aussi la véritable aventure des vikings, des gars qui sont deux fois gros comme moi avant mon régime qui se tapent dessus avec des faux sabres en se prenant pour la BD Hagar Dunor, j’ai fait l’impasse aussi. Le musée d’histoire naturelle, le même qu’à la maison en plus grand, le musée d’art, je ne sais pas distinguer un Picasso d’une sculpture de Rodin ou d’un gribouillis d’un enfant de 14 ans.
J’ai donc opté pour un truc plus simple ; le musée Vasa. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le musée de la biscotte diététique, c’est un musée destiné uniquement à UNE des grandes compétences des Suédois ; la construction navale. En effet, il y a un peu plus de 350 ans, ils ont construit un bateau royal – un truc qui ressemble comme deux gouttes d’eau au « Black Pearl » de Jack Sparrow – ils l’ont mis à la mer, tout neuf, tout rutilant et il s’est retourné 1’500 mètres plus loin dans le port, sombrant corps et bien.
Autant de marketing efficace pour l’industrie navale locale. Les seuls qui ont fait mieux depuis, c’est la White Star et le Titanic.
Sauf que les Suédois, eux, sont bien plus malins ; ils ont coulé le Vasa dans le port, le laissant là pendant plus de 300 ans, avant de le renflouer, de le mettre dans un musée exprès pour lui et d’en faire une des attractions les plus visitées du monde, après la Jungfrau, le jet d’eau de Genève et la poitrine de Nabilla. Il faut reconnaître que c’est impressionnant. Le Musée Vasa, pas la poitrine de l’autre, bien sûr. Je ne pensais pas voir un bateau pirate vivant… Ils ne le remettront jamais à l’eau, à moins que Sparrow passe dans le coin et qu’il lui vienne des idées de conquêtes. Ceci dit, ça vaut la peine de le voir, vraiment.
Après, la Suède, c’est beau, c’est propre. Comme la Suisse, voir même un peu plus que la Suisse. C’est neutre. Comme la Suisse, ça n’a pas été bombardé par les Allemands – comme la Suisse et on ne veut même pas savoir pourquoi, parce qu’ils n’avaient pas les banques – et ce n’est pas non plus parce qu’Hitler voulait continuer à monter ses meubles Ikea lui-même pendant la guerre, le mystère reste entier. Cependant, du coup, ceux qui sont fans d’architecture vont adorer, ils n’ont même pas eu besoin de reconstruire après les Nazis.
Et puis je suis allé au musée Abba. Là, j’ai appris que l’on peut chanter « Waterloo » en karaoké et être parfaitement ridicule – non, je n’ai pas de vidéo – et qu’en se déguisant tous les soirs avec des tenues plus ridicules les unes que les autres et en chantant du disco, vous pouvez vendre 375 millions d’albums en près de 30 ans… 375 millions d’albums… et dire que moi j’ai passé 2 heures à écrire cette chronique et que si j’ai 1’000 lecteurs et 12 likes, c’est déjà beaucoup, ça laisse songeur… Je dois avouer que pendant quelques instants, j’ai songé m’acheter des bottes à semelles compensées. Tout d’abord pour avoir plus de « likes » sur mes chroniques et pour compenser ma taille ridicule par rapport aux Suédois.
En conclusion, la prochaine fois que vous voulez utiliser vos « Miles » et que vous envisagez une escapade sur un week-end, je vous recommande de réfléchir à deux fois avant de cliquer sur « Barcelone » ou « Londres », Stockholm a aussi de beaux arguments à faire valoir. Ceci en plus des meubles en kit et des biscottes.
Dernier conseil, n’y allez pas quand il fait moche à la maison en pensant trouver mieux là-bas, c’est sûrement pire, puisque presque chaque Suédois (qui peut se le permettre) a une maison en Espagne, mais c’est seulement pour ne pas déprimer pendant l’hiver et l’automne et le début du printemps…
Thomas Veillet
Investir.ch