Les bonnes nouvelles sur le plan politique permettent enfin aux investisseurs d’envisager l’avenir plus sereinement.

La conférence organisée hier à Genève par la société de gestion Notz Stucki a été l’occasion de faire un point macroéconomique avec Anatole Kaletsky, Chief Economist de GaveKal et un point sur les marchés actions avec John Armitage, CIO de Egerton Capital.

Pour Anatole Kaletsky, le contexte économique mondial est devenu aujourd’hui beaucoup plus prévisible qu’au cours des 10 dernières année. La situation s’est améliorée et semble maintenant stabilisée pour les années à venir. Cette amélioration n’a cependant pas encore été correctement intégrée par les marchés financiers qui se sont focalisés sur les mauvaises surprises d’ordre politique, tel le Brexit, l’élection de Donald Trump ou la résurgence des risques potentiels d’implosion de la Zone Euro.

John Armitage précise pour sa part que la croissance mondiale a été décevante et que cette croissance faible a été le terreau de la montée du populisme de par le monde. Par ailleurs, les progrès technologiques ont eu un effet déflationniste sur l’économie mondiale.

 

Etats-Unis

Anatole Kaletsky a offert comme à son habitude une analyse macroéconomique percutante

Le marché de l’emploi se porte bien et permet à l’économie américaine de connaitre une expansion auto-soutenue. Après une période d’amélioration découlant d’une politique monétaire sous stéroïdes durant les années 2010 à 2014, il apparait que le secteur privé a été bien plus dynamique que le secteur public. En effet, le PIB du secteur privé a cru de 3% par an en moyenne depuis 2010 alors que le PIB du secteur public a constitué un boulet sur la même période.

La question est donc de savoir si les stimuli envisagés par le nouveau président arriveront à doper la composante publique du PIB. Pour sa part, Anatole Kaletsky en doute fortement, le système politique américain étant à nouveau en situation de blocage, empêchant tout changement majeur. Il n’y a donc aucune accélération à attendre, par contre l’économie américaine est bien sortie de récession et a atteint un état lui permettant de s’auto-soutenir.

 

Europe

Toujours d’après Anatole Kaletsky, la création de la monnaie unique a été une mauvaise idée, mais l’abandonner aujourd’hui serait une idée bien pire encore. Afin de sauver la situation, la BCE a mené une politique de QE dépassant en volume celle des Etats-Unis ou du Japon et a de ce fait monétisé le déficit européen et mutualisé les risques pays. L’amélioration économique a cependant été éclipsée par le risque récent de détérioration politique suite au vote anglais sur le Brexit, qui est revenu à ouvrir la boite de Pandore du populisme en Europe, amplifié par l’effet Trump.

Alors que la BCE est impuissante à résoudre une crise d’ordre politique, de très bonnes surprises sont arrivées avec les résultats des élections françaises et les changements de cap au niveau de l’opinion en Allemagne, en Espagne et en Italie. Les risques politiques semblent maintenant éradiqués et cet aspect extrêmement positif et inattendu n’a pas encore été bien pris en compte par les marchés financiers.

 

Pétrole

Il apparait de manière de plus en plus évidente qu’un prix du baril à $50 sera un plafond et non pas un plancher pour la période à venir. La raison en vient de la structure duale du marché du pétrole, la seule matière première ayant réellement une influence sur l’économie mondiale.

Lorsque le marché est en phase monopolistique, les producteurs sont en mesure de s’assurer un prix élevé. Par contre lorsque le marché sort de cet état, tel qu’on l’observe actuellement, ce sont les facteurs d’offre et de demande, ainsi que les coûts de production qui dictent le prix du baril. L’offre augmente avec l’arrivée des producteurs de gaz et pétrole de schiste et les coûts de production baissent grâce aux progrès techniques. Le marché se retrouve de facto en situation de surproduction empêchant toute hausse des prix.

Bénéfice pour l’économie mondiale : une redistribution annuelle de 2 trillions de dollars augmentant le pouvoir d’achat des consommateurs.

 

Chine

Après le gros stress de 2015 quant à l’effondrement de l’économie chinoise, l’année 2016 a démenti ces craintes. Pour Anatole Kaletsky, la plupart des observateurs ont effectivement confondu le ralentissement observé depuis 5 ans avec un effondrement parce qu’ils se focalisaient sur les secteurs de l’industrie et de la construction qui n’ont effectivement pas cru en 2015 et 2016 mais qui représentent une part de moins en moins importante de l’économie chinoise, au bénéfice des secteurs des services.

John Armitage s’inquiète cependant des normes chinoises trop basses en terme de gouvernance d’entreprise et de l’explosion de l’endettement.

Mais Anatole Kaletsky précise que, même si l’économie chinoise croit de moins en moins, sa croissance est toujours positive et il faut bien réaliser que 5% de croissance actuelle ont plus d’impact sur l’économie mondiale que 10% de croissance il y a 10 ans.

 

Conséquences pour les investissements

Pour Anatole Kaletsky, les investisseurs devraient se détourner des actifs américains. Au niveau obligataire, les taux US devraient continuer leur remontée alors que les taux européens ou japonais devraient rester bas un moment encore. Il est en effet peu probable que la situation des 10 dernières années perdure, nous assisterons donc à un retour de l’inflation ainsi qu’à une pentification de la courbe des taux américaine, la Fed n’ayant plus aucune raison de s’y opposer.

Le consensus mise sur une appréciation concomitante du billet vert mais Anatole Kaletsky maintient sa vue contrariante que le dollar devrait baisser. En effet, historiquement il n’y a pas de lien de causalité clair entre resserrement de la politique de la banque centrale américaine et appréciation de la monnaie. Par comparaison aux autres devises, le dollar est actuellement déjà très cher, un scénario de retour vers la moyenne serait donc plus réaliste.

Côté actions, le marché américain est bien plus avancé dans le cycle que les autres régions et les performances exprimées en dollar montrent clairement cette avance. Dès lors, un rattrapage s’opérera pour partie au travers de la performance des marchés d’actions et pour partie au travers de la réappréciation des différentes devises par rapport au dollar.

John Armitage estime quant à lui que les marchés actions sont chers mais tout de même moins que les obligations et le cash. Aux Etats-Unis, il aime les financières (Bank of America, JP Morgan, Schwab) qui mériteraient de voir leurs multiples augmenter, les compagnies aériennes domestiques et la technologie (Facebook, Microsoft, Applied Materials). En Europe, ses préférences vont vers le secteur aérospatial (Airbus, Safran).

Même s’il n’aime pas les marchés émergents, la technologie garde ses faveurs (Tencent). Il se détourne actuellement des secteurs cycliques, de l’énergie et des acteurs de la distribution classique.