Les indices terminent la journée à peu de chose près là où ils l’avaient commencé. C’est à l’intérieur qu’il faut regarder ce qui s’est passé, mais franchement la séance de ce jeudi 20 juillet n’aura pas été digne de se relever la nuit juste pour se la jouer au ralenti et se rappeler Ô combien c’était drôle à traiter.

Comme d’habitude en cette période de publications trimestrielles, nous réagissons principalement sur les sociétés qui publient, c’était le cas avec Unilever qui faisait mieux que prévu ou encore avec Publicis qui battait également les attentes. C’était moins drôle chez Nordea Bank qui a raté le trimestre. Mais ceci mis à part, ça reste très localisé comme activités.

Hier soir Microsoft a publié son trimestre, c’était nettement, mais alors nettement mieux que prévu. Bon, par contre pas de bol, le titre était encore victime du syndrome de « oui, mais on était déjà vachement monté AVANT ». En effet, comme Microsoft a pris plus de 13% ces deux dernières semaines, les intervenants ont jugé que « c’était déjà dans les prix ». Du coup le titre ne faisait rien after close. Encore une fois, cela démontre que nous sommes devenus tellement forts que l’on sait déjà les titres qu’il faut acheter AVANT la publication du trimestre. On n’augmente plus nos prévisions de résultats, mais on achète le titre pour pouvoir dire : « vous voyez, je l’avais pas dit, mais il fallait acheter le titre – bon maintenant c’est trop tard – mais si vous aviez écouté mon message subliminal, vous auriez profité de la hausse du titre qui a précédé cette publication trimestrielle ! »…

Les analystes seraient donc devenus enfin des « anticipateurs » et plus des « suceurs de roue », sauf qu’ils ne le disent plus. Il ne prennent plus le risque de vous dire « essayé pas pu », ils vous disent : « j’en avais acheté, mais j’osais pas vous le dire ». J’ai l’impression que la profession est en train de changer.

Il y a 20 ans, les analystes essayaient de prendre des paris, de vous le dire et se faisaient brûler des fois, avaient raison d’autres fois, mais en tous les cas donnaient l’impression de servir à quelque chose. Ensuite on a inventé le « disclaimer » – l’émergence de la « cover my ass strategy » a poussé les banques à vous dire : « On n’en a aucune idée, on joue nos recommandations à pile ou face et si ça marche pas, c’est pas notre faute !!! » – et ensuite sur un article de 2 pages, ils rajoutaient 14 pages de texte légal que personne n’a jamais lu qui disait en gros : c’est pas notre faute, vous nous lisez à vos risques et péril…

Et puis depuis quelques temps, ils ont toujours autant de disclaimers, voir même un peu plus. Mais ils sont extrêmement conservateurs, sont fans du «dans le doute abstiens-toi », mais ne se gênent pas de venir vous dire APRÈS : « Ok, on n’avait rien dit, mais regardez, la hausse depuis 2 semaines, c’est nous !!! On savait pour les bons chiffres, on vous avait JUSTE PAS DIT »…

Bref. En plus de cette saison des résultats qui semble vouloir se résumer en « on ne vous l’avait pas dit, mais on savait », il y avait aussi Draghi qui parlait et qui nous a dit en gros, que ce qu’il voulait dire la dernière fois ce n’est pas ce que l’on avait compris, il a essayé de nous faire comprendre qu’il est « dovish », qu’il veut garder les taux bas – il le fait d’ailleurs – et qu’il veut étendre encore son programme de rachat d’assets. Loin de la théorie du « tapering » qu’il aurait voulu sous-entendre lors du discours d’il y a un mois.

Le seul problème, c’est que le marché ne le croit pas. En théorie, ce qu’il a dit hier aurait dû rassurer les intervenants et n’aurait même pas dû avoir autant d’influence sur le FOREX. Sauf que plus personne ne croit Draghi et, alors qu’il disait : « je ne change rien » – les intervenants ont compris : « les taux bas, ça va pas durer et les rachats d’assets, ça va pas durer non plus, sans compter que je vais faire du « tapering » ma religion (juste près Goldman Sachs) »….

Le marché a donc écouté ses propres instincts et ajouté son propre sous-titrage au discours de Super-Mario. Résultat, le dollar s’es fait défoncer, ce matin il est nettement au-dessus des 1.16 et tout le monde semble convaincu que septembre sera un autre monde pour l’Europe et la BCE. Encore un truc qui nous permettra de dire dans trois mois : « hey, on vous l’avait dit… d’accord on l’avait pas écrit, mais on vous l’avait dit ‘entre les lignes’, on est trop forts ».

Il semblerait donc que nous sommes passés dans une nouvelle ère, une ère où l’on n’écoute plus les discours des banquiers centraux, une ère où nous essayons de lire entre leurs lignes et d’en faire une profession de foi.

L’or est à 1251$ et le pétrole revient à 46.71$. Rien de spécial à mentionner de ce côté. L’Asie est légèrement en baisse un peu partout et les futures sont inchangé. L’Euro Dollar a donc explosé à cause de ce que Draghi N’A PAS DIT mais QUE CE QUE DRAGHI aurait du dire pour que le marché réagisse comme ça.

Côté du news du jour, on va regarder les publications de GE qui sera LE gros morceau de la journée, il y aura aussi Colgate et Schlumberger à observer. Si vous voulez connaître le résultat des publications avant tout le monde, regardez la courbe de l’action ces 12 dernières séances, elle représente probablement ce que les « experts » savent mais ne pouvaient pas écrire.

Dans les nouvelles du jour on mentionnera le FT qui constate que les investisseurs ont tendance à privilégier les actions européennes au détriment des américaines, même si la subite force de l’Euro pour ce que Draghi n’a pas dit mais qu’il a pensé très fort, risque de remettre en question certaines de ces considérations, les exportatrices allemandes peuvent en témoigner.

On commente aussi le fait qu’EXXON s’est pris 2 millions d’amende pour une sombre histoire de corruption. Jusque là que du très classique dans le monde pétrolier, puisque je suis convaincu que ces boîtes-là on un budget « amendes » à disposition. Un peu comme les banques suisses qui anticipent toutes le fait que l’un ou l’autre des organismes internationaux va leur tomber dessus – en partant du principe que même si eux ne savent pas ce que les banques ont fait de mal, elles, elles savent. Donc Exxon s’est pris une amende, mais le plus drôle c’est qu’à l’époque concernée, le patron d’EXXON était Rex Tillerson, actuel Secrétaire d’État de Trump.

Il est intouchable, donc c’est pas grave et puis eu plus, la règle dans le gouvernement Trump c’est « si t’as pas de casseroles, t’es pas dans le gouvernement ». Et puis à la fin ça occupe les journalistes, sachant que Tillerson a dû se faire 2 millions perso durant la semaine dernière uniquement.

Autrement on parle de la redistribution des cartes au Capitole après l’annonce de la maladie de McCain. Des chiffres de Microsoft qui sont « drivés » par le CLOUD, ça devrait rigoler chez Amazon la semaine prochaine – encore un truc que l’on pourra dire que l’on savait qu’il fallait acheter mais que l’on avait préféré ne pas le dire. Et puis Bill Gross a peur que les prochaines hausses des taux emmènent les USA en récession. Et le Barron’s aime Nike, parce qu’ils pensent que « they CAN DO IT again » – on félicite l’auteur de l’article pour l’originalité du titre, on se réjouit du prochain article sur McDonald’s qui dira « I’m loving it » ou sur Philip Morris qui dira « Breath some fresh air »… Le journal aime aussi Sarepta. C’est pas la première fois. La fois d’avant c’était 10$ plus bas.

Côté chiffres économiques, j’ai envie de dire que si l’activité du marché ce vendredi est liée aux chiffres économiques, je vous recommande de rester au lit et de ne rien faire étant donné qu’il n’y aura que le Trade Balance espagnol . En ce qui me concerne, je vais me barricader devant la télé, regarder le Tour de France ne mangeant des biscuits, ça me paraît être ce qu’il y a de mieux à faire.

En attendant, très bon week-end, bon vendredi et on se voit lundi matin !

À lundi.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Telling people at a dinner party you drive a Nissan Almera is like telling them you’ve got the Ebola virus and you’re about to sneeze. »

Jeremy Clarkson