Souvenez-vous, pas plus tard qu’il y a 5 jours, la grande question du moment était de savoir - en dehors du rebond de la tech et du comportement erratique du pétrole – si l’économie américaine pouvait croître encore et si elle n’était pas toute patraque comme certains chiffres le laissaient à penser. Auquel cas, visionnaires de la finance que nous sommes, aurions été obligés de commencer à croire que Madame Yellen pourrait être éventuellement peut-être dans l’incapacité de monter les taux en septembre, en octobre et voir même pour le reste de la fin de cette année 2017 durant laquelle nous étions censés ne rien faire du tout en terme de performance des marchés actions…

L’Audio du 10 juillet 2017

Eh ben vendredi passé, les chiffres de l’emploi qui ont été publiés nous en ont mis plein la figure et du coup, alors que l’on commençait à se convaincre du fait que les taux ne monteraient plus cette année, nous avons terminé la semaine perclus de doutes, tous plus violents les uns que les autres.

Tout d’abord les NON FARM PAYROLLS – plus communément appelés « chiffres de l’emploi américain » en français courant – sont sortis nettement, mais alors nettement au-dessus des attentes. Je ne vais pas revenir sur la nouvelle plantée magistrale au niveau des prévisions économiques, cela en deviendrait risible et pourrait éventuellement donner l’impression que jouer les prochaines publications économiques aux dés ou aux cartes de tarot semblerait plus indiqué.

En effet, les économistes attendaient 179’000 créations d’emplois, c’est sorti à 222’000. Bon, à leur défense, 43’000 personnes, ce n’est pas grand-chose, ça peut se manquer. Après tout c’est juste le nombre total de personnes qui vont voir un match de foot à la Praille durant TOUTE UNE SAISON. Finalement, ce n’est pas tant que ça.

Cette subite augmentation est donc la preuve que l’économie ne va pas si mal, même si le taux de chômage réel monte de 4.3% à 4.4%. Comme chaque mois, je reviendrais tout de même sur le fait que ces chiffres sont tout de même régulièrement, pour ne pas dire tout le temps, remasteurisés dans les mois qui suivent parce qu’on a toujours oublié de compter 30’000 nouveau jobs de fonctionnaires ou que l’on a « oublié » de compter que la moitié du Dakota du Nord est sinistré à cause du pétrole… Bref, ces chiffres sont à peu près aussi fiables que la parole d’un politicien, mais le marché aime croire que c’est une indication ferme comme quoi l’économie va bien… ou mal.
Là, en l’occurrence, on s’est dit : « Tiens, ça ne va pas si mal, donc les marchés devraient monter et la tech devrait retrouver de la croissance et les banques devraient bénéficier de la hausse des taux » – et on a acheté la tech et les bancaires.

Finalement, la bourse c’est assez simple, il suffit de penser la même chose que tout le monde et faire pareil en même temps et laisser croire à ses clients que l’idée vient de nous.

Les marchés ont donc terminé la semaine en hausse. C’était plus dur en Europe, mais c’est surtout parce que le pétrole s’est recassé la figure. Cotisant de près de 4% sur la semaine. Je salue encore une fois le timing des analystes de l’UBS qui sont venus faire un « call » sur le pétrole en début de semaine dernière, annonçant – après 12% de rebond de l’or noir – que ce dernier devrait monter ENCORE de 20% en 2017.

Ils ont donc recommandé d’acheter le pétrole à la seconde près où il a commencé à rebaisser. Le potentiel de hausse en 2017 selon l’UBS vient donc de passer de 20% à 24% – ce qui n’est pas si mal.

Le pétrole a donc vécu une mauvaise semaine. Le secteur pétrolier aussi, c’est donc plus difficile pour les marchés européens qui sont pondérés plus lourdement en valeurs pétrolières.

Mais bon, globalement la semaine ne s’est pas trop mal terminée si vous n’étiez pas « long sur l’or ». Le métal jaune est au plus mal. Lui qui était « au bord de l’explosion » il n’y a pas si longtemps, se retrouve au bord de l’implosion. On a beau avoir toutes les théories possibles et imaginables sur l’or – on peut croire qu’il est indispensable d’en avoir en portefeuille « au cas où toute l’économie s’arrête », mais par contre, là tout de suite il est difficile de dire que le graphique de l’or donne « envie d’en acheter ». Non, là tout de suite on a plutôt l’impression que l’on va directement à 1200$ et que l’on a intérêt à ne pas baisser plus sinon c’est un cours de base jump en direct sur les marchés aurifères.

Sans compter que ce week-end, un stratégiste new-yorkais s’est lâché sur les réseaux en disant que le Bitcoin était en train de canibaliser, de remplacer l’or et que le Bitcoin pourrait atteindre « entre 20’000 et 55’000$ » d’ici 5 ans.

Autant vous dire que si les gens qui détiennent de l’or le vendent pour acheter du Bitcoin – tout d’abord je vais commencer par me dire que le monde marche sur la tête et ensuite que l’or va donc se faire défoncer dans les 5 ans à venir.

Pour autant que le sympathique stratégiste en question ait raison. On sait tous que plein de stratégistes disent à peu près tout et n’importe quoi un peu partout, on se sait jamais, au cas où ils auraient raison sur quelque chose, ils pourraient toujours dire : « je vous l’avais dit ».

Dans le cas précis de la prédiction sur le Bitcoin, on notera la précision de l’objectif : « quelque part entre 20’000 et 55’000 »… Au moins il a dit « dans 5 ans », ça limite dans le temps. Ce matin l’or est à 1210$ et le Bitcoin est à 2512$.

Ce matin le Japon et Hong Kong saluent le retour de la tech américaine et montent tout deux. Le Nikkei de 0.6% et le Hang Seng de 1%. La Chine est en baisse de 0.2%.

La semaine qui nous attend sera chargée, puisque Janet Yellen va témoigner devant le Congrès et que la saison des publications trimestrielles va commencer avec les annonces des banques. Je rappelle que les chiffres trimestriels des banques sont toujours complètement à côté des attentes, mais on va décortiquer attentivement le contenu, puisqu’après des stress tests réussis, on va voir qui va rembourser ses actionnaires pour leur confiance. Et puis si Yellen est « positive » devant le Congrès, on va se dire qu’elle va monter les taux et que si elle monte les taux, ça sera bon pour les bancaires. Sans compter qu’après les chiffres de l’emploi de vendredi, elle sera mal barrée pour dire le contraire. D’ailleurs c’est peut-être pour ça que les futures sont bien disposés ce matin !

Dans les nouvelles du jour, les médias reviennent sur le G-20, mais ça fait longtemps que le monde merveilleux de la finance n’en a plus rien à faire. Le FT pense que la Chine prépare une vague tout azimut de « méga-mergers ». D’ailleurs ça tombe bien, parce que ce matin, COSCO Shipping annonce le rachat de Orient Overseas International pour 6.3 milliards, soit 30% de prime et dans la foulée, Dalia Wanda vend 91% de ses participations dans des projets touristiques à Sunac China pour 9.3 milliards. Le titre de Dalia Wanda était en hausse de 150% sur la nouvelle.

Dans les nouvelles du jour, il y a Trump Junior qui fait la une parce qu’il aurait rencontré un avocat russe durant la campagne présidentielle et qu’il y aurait eu des échanges d’informations sur Hillary Clinton. Encore un scandale de plus à coller sur le dos de la famille Trump, mais comme tout le monde semble s’en moquer comme de leur première chemise, ça ne devrait pas changer la face du monde, si ce n’est occuper le New York Times pendant deux jours.

Autrement le marché de Camden à Londres est actuellement la proie des flammes. Tout fout le camp à Londres, d’ailleurs le CEO d’UBS a donné une interview ce week-end, donnant quelques détails sur sa stratégie pour quitter Londres après le BREXIT et ça pourrait ne pas être Francfort, mais plutôt Amsterdam ou Madrid, selon Ermotti.

Les chiffres de l’inflation en Chine ont été publiés ce matin et ils sont en ligne avec les attentes des analystes, comme quoi on ne peut pas être faux tout le temps et partout.

Le Barron’s se demande si la croissance de « l’Index Investing » est un danger pour l’homme et est-ce que cela a changé le marché, cela nous ramène au fait que certains spécialistes de la gestion indicielle comme Vanguard ou Blackrock sont bientôt les plus gros actionnaires de la plupart des 500 boîtes du S&P500. Le journal pense également qu’Apache, actif dans le forage pourrait facilement doubler et ils parlent des stratèges de Citigroup qui rejoignent ceux de l’UBS en disant que le pétrole pourrait monter de 35% cette année objectif 60$. Incroyable comme ils tournent la veste à la vitesse de la lumière, c’est plus du High Frequency Trading, c’est de la High Frequency Strategy…

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons le Trade Balance en Allemagne et le FED Labor Market Conditions. Autrement, c’est comme un lundi. En ce qui concerne les chiffres du trimestre, nous allons commencer avec Pepsi et YumBrands, mais ça sera demain et puis ensuite il faudra attendre vendredi pour voir les publications de Citigroup, JP Morgan et Wells Fargo. Et c’est mercredi que Madame Yellen témoignera devant le Congrès.

C’est tout ce qu’il y a dire en ce lundi matin. Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se retrouve demain matin pour une nouvelle chronique boursière. Bon lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Never underestimate the power of stupid people in large groups.”

― George Carlin