La diplomatie américaine est formidable et ses compétences sont sans limites. Alors qu’il y a 4 jours nous étions au bord de la guerre totale, à tel point que les demandes de construction d’abris anti-atomiques étaient en hausse aux USA, voici que Rex Tillerson, patron de la diplomatie américaine et ancien boss d’Exxon – qui me fait toujours me demander comme ses parents ont appelé le chien – donc Rex Tillerson a déclaré, durant le week-end que Washington cherchait une solution diplomatique pour accélérer la « dénucléarisation » inévitable de la Corée du Nord. À partir de là, le marché pouvait remonter.

L’Audio du 15 août :

Dans la foulée, les Américains ont occupé Trump avec un attentat de l’extrême droite à Charlottsville. Il a eu donc autre chose à faire que s’exciter contre Kim Jong Un et a trouvé une citation inspirante à déclamer : « le racisme c’est le mal ». Il a du bosser dessus pendant un moment.

Le calcul est simple ; pas d’escalade des mots en Corée, des actions diplomatiques, le marché ne pouvait que se sentir soulagé et il a récupéré de ses frustrations de la fin de semaine.

Le S&P500 avait perdu 1.5% la semaine dernière, il vient d’en regagner un. C’est la « plus forte hausse » du marché depuis 3 mois, en revanche, même si ça montait partout, le Dow Jones, qui ne finissait en hausse que de 0.62% alignait sa plus grande période sans mouvement de 1% intraday depuis 22 ans. Ça fait 61 séances, que le Dow n’a plus bougé de plus de 1%.

Vous reconnaitrez que ça nous fait quand même de la grosse nouvelles bien grasse et bien intéressante ce matin.

Autant vous dire que la séance d’hier était la représentation inverse de la séance de jeudi passé. La semaine dernière on avait la guerre à nos portes et on vendait tout et hier la paix et la diplomatie étaient de rigueur, du coup on remontait comme un bouchon de liège. La techno était à nouveau en odeur de sainteté, parce quand on doit acheter, autant acheter de la TECH, corroboré par certains Hedge Funds Stars qui annonçait des positions augmentées dans le secteur, Tepper de chez Appaloosa par exemple, il achetait de tout et virait Snapchat… quelle surprise. Tesla était upgradée, Micron, AMD et Nvidia retrouvaient des couleurs et les semi-conducteurs étaient visiblement « the place to be ». À noter que malgré l’article destructeur du Barron’s sur Netflix ce week-end, le titre n’a réussi à baisser « que » de 0.23%. C’est dire les forces en présence.

En Europe c’était pareil, c’était champagne et cotillons, les indices s’offraient leur plus belle séance depuis un moment et rebondissait depuis leur plus bas niveau de puis 5 mois. Les raisons étaient les mêmes qu’ailleurs (merci Rex), mais en plus les rumeurs de rachat de Fiat poussait également le constructeur automobile en hausse de plus de 8%. En effet, les Chinois seraient sur le coup pour mettre la main sur les Italiens, mais le board a rejeté l’offre : pas assez cher.

Grand classique des rachats, ce n’est jamais assez cher. Ça ne vaut rien en bourse, mais les CEO’s sont toujours convaincus que c’est sous-évalué par les investisseurs. Enfin, sur ce coup-là, si les Chinois veulent acheter Fiat, il va falloir rajouter des zéros sur le chèque. Ceci dit, si le constructeur italien se fait avaler par les Chinois, il faudra tout de même noter qu’avant les Chinois imitaient la production occidentale, souvent assez mal, mais maintenant ils rachètent carrément les originaux. Ils vont bien finir par racheter LMVH à la place d’aller faire la queue dans leurs magasins à Paris.

Pour le reste, c’était une belle journée et sur les graphiques boursiers on a l’impression qu’il ne s’est presque rien passé depuis une semaine. Reste à savoir combien de temps les deux clowns vont réussir à conserver leurs langues dans leurs poches.

Autrement, l’or revenait sur les 1280$. Forcément, si pas de guerre nucléaire, c’est vachement moins intéressant. Il est d’ailleurs assez fabuleux de noter la force de conviction du marché et la vitesse à laquelle il est capable de tourner la veste. En aéronautique, on dit qu’on vole à vue.

Le pétrole se replie gentiment depuis quelques jours, ce matin il est à 47.65$ et l’Asie respire également un peu mieux depuis deux jours, il faut dire que eux aussi, ça les arrange de ne pas avoir besoin de sortir dans la rue avec des combinaisons anti-radiations. Ce matin Nikkei s’envole de 1.3%, pendant que Hong Kong avance de 0.4% et Shanghai de 0.6%.

Le Bitcoin est à 4355$ et n’arrête pas de monter, encore près de 10% en 24 heures. Il a déjà été multiplié par 4 depuis le début de l’année et ça continue comme si c’était une bulle.

Dans les nouvelles du matin, la Corée du Nord continue de mettre de l’eau au moulin du marché, puisque ce matin ils ont révisé à la baisse leurs intentions de frapper Guam, puisque ça ne semble plus à l’ordre du jour. Ceux qui ont signé hier pour installer un abri anti-atomique dans le jardin vont avoir l’air ballots avec les pelles mécaniques qui vont commencer le trou à côté de la piscine. C’est probablement LA nouvelle du jour puisque les futures sont en hausse de 0.3% instantanément pour fêter ça. Même le Bitcoin monte. Je ne sais pas pourquoi, mais le Bitcoin a TOUJOURS une raison pour monter.

On retiendra aussi que Dudley de la FED a déclaré qu’il était « en faveur » d’une nouvelle hausse des taux cette année – et à ce propos les experts ont révisé leurs attentes sur le sujet à la baisse, suite aux chiffres économiques qui laissent penser que l’inflation n’est de loin pas galopante… actuellement, la probabilité d’une hausse en décembre est de 37% contre 46% il y a une semaine et d’ici là : zéro.. Statuquo total.

Pour le reste c’est vraiment maigre. Le Barron’s revient sur le fait que les Bull Market ne durent pas toujours – c’est une histoire qu’ils nous ressortent à peu près tous les six mois et pour le reste, ce n’est qu’interprétation et interrogation sur l’économie, l’inflation et les taux. Entre deux, on saupoudre un peu de géopolitique et on attend que tout le monde revienne de vacances pour se rappeler que septembre et octobre sont des mois tout pourris.

Côté chiffres économiques justement, nous aurons le GDP en Allemagne, le PPI en Suisse, le CPI et le PPI en Angleterre. Puis aux USA nous aurons les Retail Sales, les Business Inventories et le Redbook. A noter que les Retail Sales sont très attendus par les économistes qui s’inquiètent de voir que les Américains voient leur pouvoir d’achat augmenter mais qu’ils ne dépensent pas pour autant. L’Américain deviendrait-il économe ? Tout fout le camp.

Voilà, pas grand-chose à ajouter ce matin, comme vous le voyez, le ton a drastiquement changé depuis vendredi passé, on est limite en train d’organiser la visite officielle de Trump en Corée du Nord avec défilé en cabriolet, confettis et sniper caché dans les étages supérieurs. Tout va bien et on remercie la diplomatie américaine.

Je vous souhaite une belle journée à la plage et je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit pour parler des mêmes choses. Ou pas.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Forgive your enemies, but never forget their names.”
― John F. Kennedy