D’ici quelques années, la région Asie rassemblera 60% de la classe moyenne mondiale. Et, bien évidemment, le boom de la consommation qui va s’en suivre se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses opportunités d’investissement.

Yasunobu Higuchi, Senior fund manager, Banque Piguet Galland

Au XIXème siècle, la révolution industrielle a rendu l’économie plus complexe et les besoins en travailleurs plus instruits et mieux formés n’ont cessé de croître, donnant naissance à une nouvelle classe sociale, qui ne sera ni celle de «l’élite» ni celle de la couche «laborieuse». D’abord appelé, «middling sort» elle deviendra par la suite la classe moyenne. C’est aussi à ce moment-là que les magasins Harrods à Londres et le Bon Prix à Paris ont fait leur apparition pour servir une demande sans cesse croissante. Dans une certaine mesure, c’est un phénomène semblable qui se produit depuis quelques années en Asie. La scène a changé mais histoire se répète.

Après la deuxième guerre mondiale, la renaissance de la classe moyenne a débouché sur un nombre toujours plus élevé de nouveaux ménages avides de consommer. Pour exploiter cette demande, les producteurs sont rentrés dans une logique de baisse des prix, quitte à délocaliser leur production. Ils se sont alors tournés vers l’Asie Pacifique qui offrait des conditions suffisantes pour satisfaire aux exigences des sociétés manufacturières occidentales. Cette délocalisation de la production va déclencher un changement profond dans les pays qui accueilleront ces industriels: l’impact social et économique a été identique à celui de l’Europe du début du vingtième siècle et il n’a pas fallu beaucoup d’années pour voir monter en puissance la classe moyenne dans certains pays de l’Asie Pacifique.

A raison d’une progression de 5% par an de la «petite bourgeoisie», selon les prévisions de l’OCDE, cette région représentera 60% de la classe moyenne mondiale dans quelques années. Aujourd’hui, le ratio n’est «que» de 40%. Le potentiel de croissance de la demande dans cette partie du monde explique clairement la multiplication des points de ventes orchestrée par de grandes enseignes dans ces pays dans ces pays. Elles ont d’abord ouvert des usines, et maintenant elles ouvrent des magasins. A titre d’exemple, la société LVMH recense plus d’un tiers de ses magasins en Asie.

Certes, le «miracle» asiatique a déjà été évoqué et les excès d’enthousiasme sur les marchés financiers ont laissé à certains investisseurs un goût plutôt amer. Cependant, les paramètres ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Les derniers évènements ont montré une certaine évolution de la pensée chinoise envers l’économie internationale qui peut être illustrée par la hausse importante des investissements directs de la Chine dans le Bassin Pacifique. Le message diffusée par Xi Jinping, suite à sa rencontre avec Donald Trump, le confirme. Et c’est sans compter sur la plus grande liberté de déplacement transfrontalier accordé aux ressortissants du pays le plus peuplé au monde! Pour mémoire, l’Empire du milieu a «lâché» en 2015 110 millions de touristes qui ont dépensé plus de 100 milliards de dollars, et les destinations les plus importantes sont les pays asiatiques!

Pour les autres pays de la région, la croissance des revenus est devenue une réalité. Elle commence à toucher un nombre de plus en plus important d’habitants qui contribuent également au «boom» du tourisme régional et mondial. L’importance du tourisme dans l’économie est devenue évidente : selon la UNWTO, un emploi sur onze est lié au tourisme et contribue à hauteur de 10% au PIB mondial! Et ce n’est pas sans raison que les grands groupes hôteliers comme Accor, Intercontinental et Club Med par exemple continuent à investir dans cette région.

Qu’il s’agisse de montres suisses, de haute couture, de voyages ou de chocolat, la classe moyenne asiatique est une grande consommatrice de marques occidentales et les sociétés l’ont très bien compris. Les détaillants comme Apple Store, Swatch Group ou Fauchon, pour ne citer qu’eux, se sont déjà profilés et ne cessent d’inaugurer des points de vente dans les meilleurs emplacements.

Pour autant, la consommation bénéficie aussi à d’autres secteurs d’activités, tel celui des transports. Les sociétés comme Alstom, Airbus ou Boeing devraient aussi profiter de ces développements. Le tourisme a pris un tel essor que l’industrie hôtelière japonaise s’approche désormais de sa capacité maximale et devrait, à l’approche des jeux olympiques, monter en volume. Des sociétés asiatiques en profitent énormément, à commencer par les agences de voyages tels que Ctrip.com International ou ses fournisseurs, dont Travelsky Technology qui propose des système IT pour le secteur des voyages par avion). Les opérateurs des aéroports, Airports of Thailand ou Sydney Airport par exemple, en sortent aussi gagnants.

Les économistes s’accordent aujourd’hui pour dire que plus de la moitié du PIB sera généré en Asie d’ici 2020. Les perspectives sur la croissance de la classe moyenne ont sans doute été sous-estimées par les observateurs, élément qui prend de plus en plus de poids dans les comptes de résultats des sociétés occidentales. Elles l’ont déjà intégré et ont accéléré leurs investissements en conséquence.

Comme l’histoire se répétera probablement encore, la hausse des coûts a déjà forcé certaines sociétés à trouver de nouvelles régions à plus faible coûts de production qu’en Chine. H&M lorgne à présent du côté de l’Afrique!

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°6 – juillet/septembre 2017)