Si l’on devait résumer la journée d’hier, il fallait uniquement se concentrer sur les tensions relatives entre les USA et la Corée du Nord. Il n’y avait absolument rien d’autre à se mettre sous la dent. Pas de chiffres économiques transcendantaux qui étaient censés nous dire où allait aller le marché et les taux pour les siècles à venir (amen), pas de chiffres trimestriels qui auraient pu éventuellement peut-être changer la face du monde, même pas de discours de la part d’un patron de banque centrale – en fonction ou plus – et même pas un discours d’un ancien de chez Goldman Sachs ET futur patron de banque centrale.

L’Audio du 10 août 2017

Rien.

Hier c’était Waterloo morne plaine. Même Napoléon serait rentré chez lui à dos d’éléphant ou de quoi que ce soit d’autres à quatre pattes s’il avait assisté à ce « rien » sur le marché.

Alors oui, bien sûr, l’Europe a corrigé un peu plus massivement que les USA, mais il fait dire que les Européens avaient raté la plupart des échanges verbaux entre Kim et Donald la veille, ils se sont donc rattrapés associant leurs angoisses avec celles (légères) des traders américains. Ce qui nous donnait une journée principalement rouge, presque ocre, avec un Dax qui reculait de 1.12% et un CAC40 qui plongeait de 1.4%. Tout ça « à cause des tensions entre la Corée du Nord et les USA », c’était LA justification des intervenants, ne cherchez pas plus loin.

Les USA continuaient la tendance baissière entamée la veille pour les mêmes raisons. Le Dow Jones enquillait sa SECONDE journée de baisse CONSÉCUTIVE. On sentait bien la naissance du « bear market » qui se mettait en place. Deux journées de baisse à -0.2%, on sent presque la panique qui nous prend insidieusement à la gorge. Depuis le temps que l’on attend cette FAMEUSE CORRECTION, les médias ne vont pas se priver de sortir toute une palette de statistiques et de prévisions qui disent que « définitivement, ça peut pas durer » et espèrent secrètement que, pour une fois dans l’histoire boursière, les journaux auront prévenus les actionnaires de la baisse avant que la baisse ait commencé. On peut rêver.

Hier le Dow Jones a donc baissé de 0.17% – tout d’abord à cause des tensions militaires que l’on connaît, mais aussi parce que Disney perdait près de 4% parce qu’ils se sont fâchés avec Netflix et parce que Kim Jong Un ne pourra plus regarder la Reine de Neige en Streaming sur Netflix et que cela pourrait empirer les choses entre lui et Trump. Le S&P500 a corrigé violemment de 0.04%, on sent clairement que la panique s’empare de nous. On a peur d’un déluge de feu nucléaire sur l’île de Guam et peut-être à la fin sur la Californie, si l’armée US décide vraiment de laisser faire l’autre clown jusqu’au bout, mais le marché baisse de 0,04% – non définitivement l’angoisse est pesante… Toujours est-il que ça fait près de trois semaines que l’indice des 500 plus grosses capitalisations américaines n’a pas bougé de plus de 0.5% sur une journée.

Bref… Une page pour vous dire qu’il ne se passe pas grand-chose et que même si les deux personnages de dessins animés qui nous dirigent sont un peu angoissants, chacun à leur manière, les marchés n’en ont strictement pas grand-chose à faire, mais hier on pouvait quand même l’utiliser comme justification pour la baisse des indices boursiers à travers la planète et aussi pour expliquer pourquoi ENFIN l’or passait les 1280$ (1282$) ce matin et aussi pourquoi le pétrole frisait les 50$ – 49.50$ actuellement.

D’accord le pétrole profitait aussi des inventaires qui étaient en-dessous des attentes, mais AUSSI des tensions précitées 22 fois dans cette chronique ce matin. Même le Bitcoin baissait hier, même si je n’ai pas encore trouvé un article qui déclare que Kim Jong Un avait vendu ses positions en Bitcoin pour financer la miniaturisation de sa bombe nucléaire. À l’heure où je vous parle, la cryptomonnaie est à 3333$. Ce qui est quand même presque trois fois le prix de l’or. À moins que l’or monte ENFIN à 4’000$ lorsque Trump aura décidé de raser Pyongyang.

Donc, du coup, dans cet environnement de marché qui ne peut plus en avant et d’ambiance de veillée d’armes où l’on ne sait pas lequel des deux cowboys va dégainer en premier, certains médias financiers (Marketwatch) pour ne pas le citer, a décidé de peindre le diable sur la muraille et de commencer à préparer les investisseurs avec deux-trois articles qui ne recommandent rien du tout, mais qui laisse de la place pour pouvoir dire un jour (éventuellement-peut-être) : ON VOUS L’AVAIT DIT !!!

Ce matin nous avons donc droit à la liste des 7 mercenaires, les 7 milliardaires qui nous préviennent que «attention, ça va finir par baisser »

Il y a le Bon, Warren Buffet, qui larmoie parce qu’il a plein de cash dans les poches et qu’il ne sait pas quoi en faire parce qu’il ne trouve pas une société à acheter qu’il aurait envie de conserver pour toujours. Son niveau de cash est passé de 40 milliards en 2013 à 100 milliards en 2017 et il ne sait toujours pas quoi en faire sachant qu’il n’a aucune envie d’acheter Ronaldo ou Neymar pour un club de foot local. Il y a la Brute, George Soros qui hurle au BEAR MARKET depuis l’intronisation de « l’agent orange » à la Maison Blanche. Soros se prend déjà près de 20% dans les dents pour rester poli, mais il vient d’annoncer qu’il double la mise à la baisse, il a le mérite de rester cohérent. Ou de s’entêter, c’est selon.

Il y a le Truand, Carl Icahn, l’investisseur activiste qui sait utiliser les médias à son avantage. Icahn pense que les valorisations du marché sont complètement débiles et qu’il ne sait plus quoi faire de son cash. Ensuite il y le Prudent, Jeff Gundlach, le gourou du marché obligataire (un des gourous), qui pense qu’il est temps de courir vers les sorties se secours et qu’il est urgent de ne PAS attendre que la correction ait commencée, parce que le jour où, il sera trop tard.

Nous avons aussi le « Cover my Ass » du groupe, Howard Marks, patron de Oaktree Capital. Il a prévenu ses investisseurs au mois de juillet que le marché était entré sur un terrain un peu trop bullish à son goût, mais sans vraiment dire aux gens de tout vendre et partir en courant en hurlant : « on va tous mourir », mais en revanche, il s’est préparé pour dire un jour : « je vous l’avais dit ». Puis nous avons « Le Scout », lui il n’a rien fait mais il est TOUJOURS PRÊT à agir. Il s’agit de David Tepper chez Appaloosa qui est stressé depuis des années par les interventions des banques centrales, mais qui a compris qu’au grand-jeu de la manipulation, ça pouvait encore durer des années… mais il est prêt à agir en cas de retournement violent de tendance. Et Paul Singer, « l’Angoissé » de chez Elliott Management qui est terrorisé par l’augmentation des fonds sous gestion qui font de l’indicielle et qui craint qu’au moindre retournement de marché, nous aurons TOUT LE MONDE qui se précipitera du même côté du bateau, tant et si bien que l’orchestre n’aura même pas le temps de jouer « plus près de toi mon Dieu ».

Tout cela nous fait une belle jambe, mais c’est le genre de mise en garde qui ne coûte rien, qui ne sert à rien, mais qui peut vous faire gagner en crédibilité sur un coup de bol, au cas où le Bear Market aurait effectivement commencé hier. Mais ça on ne le saura pas tout de suite.

Pour résumer, le marché est trop haut, on ne sait plus où aller et la partie de poker entre les deux clowns exacerbe les stress des investisseurs, même si ça ne se voit pas encore forcément sur les performances des indices. Bien que l’Asie continue de creuser ce matin. Le Nikkei recule un peu moins fort que la veille, mais c’est Hong Kong qui prend le relais avec 1.6% de baisse et la Chine qui suit avec 1% en moins, pendant que Tokyo ne recule « que » de 0.2%.

Pour les nouvelles du jour, Altice serait le point de racheter Charter Communication, un deal à 180 milliards, c’est l’escalade dans le secteur et ça rappelle furieusement certains comportements d’un type qui s’appelle Jean-Marie Messier qui avait mené Vivendi du firmament au fond du trou, mais je dis ça, je dis rien. On notera aussi que Priceline et TripAdvisor ont baissé leurs prévisions pour les réservations d’hôtels, les deux titres étaient en baisse.

Et puis ce soir, Nvidia va publier ses chiffres trimestriels, le titre a littéralement explosé depuis 2 ans. Lors du dernier trimestre il avait pris carrément 30% sur l’annonce, mais ce soir ça promet d’être plus compliqué alors que tout le monde l’attend au virage. Ce matin dans le Barron’s, JP Morgan propose même de jouer « contre » les chiffres de ce soir et propose une stratégie short. On se réjouit de voir demain comment ça va se passer.

Pour le reste, je vais vous résumer la finance en quelques mots : tensions, Corée du Nord, Trump, trop haut, trop calme, sans idée.

Côté chiffres économiques nous aurons la production industrielle en France, le Trade Balance en Italie, production industrielle et manufacturière ET Trade Balance en Angleterre. Il y aura aussi le rapport de l’OPEP et le PPI et les Jobless Claims aux USA.

Pour le moment les futures sont à nouveau en baisse de 0.3% ce matin et la volatilité est, mine de rien en hausse de près de 20% depuis les plus bas… On est quand même un tout petit peu en train de s’angoisser et le recours au Prozac ou autre antidépresseur est proche.

Voilà, c’est tout pour ce matin… Si vous vous appelez Kim Jong Un, vous en savez plus que moi sur l’avenir des marchés, sinon étant donné le niveau de conviction en faveur d’une correction imminente, je serais presque prêt à parier un Bitcoin sur un nouveau record d’altitude dans les 5 jours à venir.

En attendant, je vous souhaite une très belle journée qui restera très belle si vous ne regardez pas dehors, que votre café vous stimule le réveil et vous motive à ne rien faire et on se retrouve demain pour conclure la semaine et pour voir si Nvidia a fait du bien ou du mal et pour checker si la doublette magique Trump/Kim nous a fait de nouveau « un truc »…

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Iraq and Iran were very similar militarily, and they’d fight, fight, fight, and then they’d rest. »

Donald Trump