Les millennials, composés en partie d’étudiants, sont en train d’imposer leurs codes dans un secteur de l’éducation en pleine mutation.

Clément Maclou, gérant du fonds DECALIA millennials

La génération des millennials, nés entre 1980 et 2000, est la plus large cohorte, avec presque 2.5 milliards de personnes dans le monde, dépassant ainsi les baby-boomers. Les millennials, de par leurs caractéristiques, sont en train de changer en profondeur les tendances de consommation. Née avec un smartphone dans la main, en permanence connectée à internet, cette génération est demandeuse de rapidité, flexibilité et transparence.

Cet article a été publié initialement dans La Lettre N°5 d’investir.ch (décembre 2017)

 

Les millennials : bardés de diplômes et autodidactes

Les 15-35 ans ont le niveau d’études le plus élevé et le plus long de l’histoire, dépassant largement les générations précédentes. Parmi les plus âgés de cette cohorte, beaucoup ont terminé leurs études dans un contexte de crises financières (grande récession 2007-2008 puis crise de la dette européenne de 2011), les encourageant à prolonger leurs cursus dans l’attente de jours meilleurs. Mais ces aspects conjoncturels ne suffisent pas à expliquer ce phénomène, une autre explication, cette fois structurelle, prend racine dans les gènes des millennials. Ces derniers ont considérablement élargi le nombre de sujets étudiés afin de se préparer à de multiples changements de carrière. Ils sont prêts à envisager huit types d’emplois différents et, dans cette optique, quitter son emploi n’est plus un sujet d’inquiétude, cela devient une formalité voire même un jeu ou un concours. Par ailleurs, les millennials sont la génération qui compte le plus d’étudiants autodidactes, le savoir étant maintenant à portée de main, grâce à l’internet, de qualité et gratuit, les universités mettant de plus en plus souvent à disposition le contenu de leurs cours en ligne.

L’Edtech : l’éducation 2.0

Les millennials sont aux avant-postes de la transition vers une éducation 2.0 où le papier laisse la place au digital et l’en ligne remplace la traditionnelle salle de classe. De nouveaux mots apparaissent comme les FLOT (formation en ligne ouverte à tous), les CLOM (cours en ligne ouvert et massif) ou encore les MOOC (massive open online course) qui sont diffférents types de formations à distance capables d’accueillir un grand nombre de participants. La Suisse est bien placée dans les classements internationaux pour ce type de formation, grâce notamment au contenu mis en ligne par l’Université de Genève et l’EPFL. En 2016, plus d’un tiers des élèves ont suivi des cours en ligne et d’ici 2020 les plus optimistes estiment que 50% des cours se feront par ce biais. Ce marché de l’Edtech, en forte croissance, +45% entre 2016 et 2023, devrait atteindre un total de 240 milliards d’ici 2023 (formations académiques et professionnelles), selon l’entreprise italienne Docebo, un des pionniers du secteur. Ce changement a le potentiel d’augmenter l’accès à l’éducation tout en réduisant les coûts pour les étudiants et les gouvernements.

Dettes : l’éducation à tout prix

Cette problématique du coût est préoccupante : entre 2006 et 2016, le volume des prêts étudiants aux Etats-Unis a quasiment triplé, passant de 521 à plus de 1 400 milliards de dollars. Les plus fortes hausses ont été constatées en 2012, année durant laquelle Barack Obama a mis en place une politique de financement public des prêts étudiants afin d’assurer un accès égal au crédit. La Suisse n’est pas en reste avec, selon les derniers chiffres publiés par Eurostat, une part des dépenses d’éducation dans les dépenses publiques de presque 15%, soit le niveau le plus élevé en Europe. L’éducation en Suisse coûte donc cher au gouvernement, ainsi les frais de l’université publique sont relativement bas, variant entre 1 000 et 2 500 francs par an. Néanmoins, si on l’on rajoute les coûts liés au logement, transport, nourriture et fournitures, le budget moyen d’une année d’étude dépasse les 20 000 francs pour un étudiant ne résidant plus chez ses parents, selon l’Office Fédérale des Statistiques. Ce montant se rapproche de celui d’une année universitaire outre-atlantique. À titre d’exemple, les frais de l’université du Minnesota s’élèvent en moyenne à 27 848 dollars. Dans le contexte actuel de taux d’intérêts bas, voire même négatifs, cette montagne de dettes étudiantes n’est pas un problème mais cela reste une épine dans le pied de bien des gouvernements à travers le monde et particulièrement les Etats-Unis.

Les opportunités en bourse

La thématique de l’éducation fait partie des mega tendances globales qui vont se développer dans les années à venir et l’on constate aujourd’hui le pouvoir disruptif des millennials sur ce secteur en pleine mutation. L’éducation présente, à nos yeux, des opportunités boursières intéressantes et nous avons identifié trois moyens pour investir sur les marchés actions dans le domaine de l’éducation : le contenu papier, le contenu digital et les universités cotées. Les sociétés en charge de l’édition du contenu papier, telles que Pearson ou RELX group, présentent l’avantage d’être très diversifiées et peu cycliques. Néanmoins, elles font face à la montée en puissance structurelle de la digitalisation de l’éducation que les millennials favorisent. Les 15-35 ans se rendent en classe armés de PC ou tablettes remplaçant le couple cahiers crayons et les professeurs sont de plus en plus substitués par des ordinateurs. Les sociétés en charge du contenu en ligne surfent sur cette vague en proposant également des cours par internet qui rencontrent un succès grandissant auprès des millennials. A titre d’exemple nous pouvons citer les sociétés américaines Chegg et Tarena. Les universités restent le moyen le plus classique d’accéder à l’éducation supérieure et certaines d’entre elles sont listées. Néanmoins les investisseurs sont méfiants quant à la disruption digitale en cours et le niveau élevé de la dette, se traduisant par une mauvaise performance des actions telles que Bridgepoint ou National American University.

La mutation de l’éducation est porteuse d’opportunités mais les investisseurs doivent rester sélectifs.

 

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