Il y a trois semaines j'ai écrit un article sur les Cryptomonnaies alors que la baisse n'avait pas encore laissé toutes ses traces dans le marché. L'article en question était destiné au journal Banco - je vais sûrement me faire insulter par les fans de Cryptomonnaies en faisant des allusions entre le Bitcoin et la bulle des tulipes en 1600 et des poussières en Hollande, puisque je me suis déjà fait ramasser par l'un deux comme quoi la bulle en question n'a jamais existé et fait plutôt partie d'une branche ancienne de la théorie du complot. Mais comme, malgré ce qui s'est passé entre deux, l'article n'a pas vraiment pris des rides, je le partage avec vous au cas où vous n'êtes pas encore abonné au Banco ou pire, si vous ne le lisez pas.

Article publié dans le magazine Banco 115 – Février 2018

L’Audio de l’article :

Je ne sais pas si vous avez ouvert un journal ou si vous vous êtes baladé sur un site de d’informations financières récemment. Dans tous les cas, il y a un nouveau truc qui est apparu. Ça s’appelle les “cryptos”, petit nom affectueux donné aux “cryptomonnaies” ou pour faire plus simple, nouvelle monnaie virtuelle fabriquée par des geeks et dont on ne comprend pas à quoi elle sert, ni si elle vaut quelque chose.

Une chose est certaine, c’est qu’on a rapidement compris que, même si ça ne vaut rien concrètement parlant, il y avait l’air d’y avoir un moyen de faire du pognon avec. Ce serait donc un moyen de devenir très très riche et de ne plus jamais avoir besoin de bosser, de pouvoir aller voir son chef, lui faire un gigantesque bras d’honneur, tout en montant dans sa Lamborghini Huracán Performante avec plaques spéciales marquées “cryptotrader”.

Un coup sûr

Si. Parce qu’on a tous un copain, un collègue, un beau-frère ou un cousin éloigné chauffeur de taxi qui s’est lancé dans le “cryptotrading” et qui
ne sait plus quoi faire de tous les bitcoins et ethereum qu’il a gagnés. Accessoirement, il ne peut même pas les mettre sur son compte en banque à la Raiffeisen du coin, parce que – bien sûr – ce n’est pas « compliance ».

Ces derniers temps, il y a eu tellement d’histoires fantastiques qui ont circulé sur le net et à la télévision qu’on a commencé à croire que c’était un coup sûr, les cryptomonnaies. C’est en général à ce moment très précis que les choses commencent à partir en vrille. Un peu comme quand en l’an 2000, on achetait tout ce qui se terminait par “point.com”, parce que c’était trop chouette et qu’un jour ça serait l’avenir. Là, on a commencé à faire pareil. Long Island Ice Tea – qui vendait du thé froid – se met à faire de la “cryptomonnaie” et du “blockchain”: le titre prend 400%. Kodak va fabriquer sa propre “crypto”: le titre monte de 200% – alors que la dernière fois que j’ai vérifié, Kodak était en faillite, parce que plus personne n’utilise des appareils photo avec des films dedans.

C’est comme si on vous disait qu’une société qui fabrique des cassettes VHS se lance dans le blockchain et que vous vendiez le dentier de votre grand-mère pour en acheter. Tout en sachant que, si vous passez le guichet d’une banque et que vous demandez à votre banquière en costume officiel UBS de vous expliquer ce qu’est le blockchain ou la cryptomonnaie, il y a bien des chances pour qu’elle s’évanouisse ou vous accuse de harcèlement sexuel pour ne pas avoir à répondre à la question.

Moins 95%

Et puis, le bitcoin a touché les 20’000 dollars… L’euphorie était à son comble et mon coiffeur m’a annoncé qu’il arrêtait la coiffure et se lançait dans le cryptotrading, parce que – je cite : “C’est trop facile de faire du fric”. Il est vrai que l’argument est imparable. Sauf qu’alors que mon coiffeur s’installait devant ses écrans de trading dans ses nouveaux bureaux de 150 mètres carrés, les Coréens commençaient à mettre leur nez dans les sites de cryptomonnaies, les Chinois parlaient de réglementer, l’Empereur Poutine parlait de réglementer. Surtout, le site Bitconnect – qui faisait du crédit en bitcoin et qui avait longtemps hésité à prendre Bitconnect comme nom, puisqu’ils voulaient aussi s’appeler Ponzi Scheme – a baissé le rideau et la monnaie y relative a perdu 95%. Le reste a perdu 50% en marque de sympathie.

Alors je ne vous dirai pas que “je vous l’avais bien dit” ou que “ça devait finir par arriver”, mais ça devait arriver. La bonne nouvelle, c’est que la fin n’est pas proche. Parce qu’il est plus que probable que la cryptomonnaie et la technologie du blockchain soient là pour durer. Mais nous avions peut-être besoin de ce retour sur terre et de voir que la finance, quelle qu’elle soit, n’est JAMAIS un coup sûr et que quand votre coiffeur ou votre prof de golf décide que la finance, c’est plus facile que de couper les cheveux ou travailler son swing, c’est en général le moment que vous, banquier, devriez choisir pour devenir coiffeur.

Thomas Veillet

Investir.ch

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