La pire de semaine de l’année, nous venons de vivre la pire semaine de l’année. Ce qui n’est franchement pas difficile quand on voit qu’on a fait que monter depuis le 1er janvier. Par contre nous avons aussi vécu la pire semaine depuis 9 mois. C’est la catastrophe, les rendements du 10 ans et la peur de l’inflation nous ont conjointement fait un vilain tacle qui nous a cisaillé juste sous les deux genoux et l’arbitre n’a même pas sifflé faute !

L’Audio du 5 février 2018

Les chiffres de l’emploi publiés vendredi passé étaient meilleurs que prévu, mais surtout il semblerait que les salaires augmentent un peu, laissant penser que l’inflation est parmi nous et que la FED va finir par atteindre son objectif de 2%. On est donc en train de se dire que la hausse des taux n’est pas finie. Le rendement du 10 ans a atteint les 2.86% ce matin, autant vous dire que tout le monde s’attend à le voir franchir les 3% dans les jours qui viennent, juste parce qu’on aime les chiffres ronds et que ça serait quand même dommage de s’arrêter en si bon chemin.

Les marchés se sont donc fait laminer vendredi soir. Il faut bien reconnaître que l’on a tout de même connu des journées bien pire quand les Grecs nous faisaient des leurs ou quand les banques américaines tombaient comme des mouches après avoir liquidé le marché immobilier il y a 10 ans, mais voir le Dow Jones plonger de 2% un vendredi soir, ça ne rend jamais euphorique pendant le week-end.

Alors heureusement, il y a deux trois journalistes avec un bac +12 en statistiques qui n’ont rien trouvé de mieux que de signaler que le Dow Jones n’avait plus baissé autant depuis 9 ans ! Le tout avec des mines graves voir limite paniquée, un peu comme la tronche de votre garagiste quand il vous annonce que le moteur de votre voiture vient de rendre l’âme et que ça va coûter très très cher.

Il est évident que quand ça va mal, c’est toujours plus vendeur d’en rajouter une couche et de tirer sur l’ambulance, sauf qu’il y a un truc que je ne comprends pas dans ce genre de comparaisons.

Avant toute chose, je dois vous avouer qu’en mathématiques je me suis arrêté très tôt après les tables de multiplications et j’ai rapidement trouvé la chose profondément ennuyante, à peu près comme les produits structurés, donc je ne suis pas une référence en la matière.

Sauf que quand je vois une bande clowns arriver en hurlant à la mort pour nous annoncer que le Dow Jones n’a plus chuté de 1’100 points depuis 9 ans et que c’est horrible et que l’on va tous mourir, je me dit que je ne PEUX QUAND même pas être le seul à me rendre compte que 1’100 points quand on est à 26’000 sur le Dow Jones, c’est quand même pas pareil – en terme d’amplitude – que quand nous étions à 10’000 est des poussières il y a 9 ans…

Ou alors c’est moi qui suis complètement débile ou alors on adore peindre le diable sur la muraille et crier au loup quand ce n’est qu’un Jack Russell en colère. Pour être sûr, j’ai refait le calcul ce matin. La dernière fois que nous avons chuté de 1’100 points sur le Dow Jones c’était il y a 9 ans et ça représentait 9% de baisse. La semaine dernière, ce n’était même pas 2.5%. Alors je propose que l’on se calme juste 5 minutes et que l’on prenne une profonde inspiration et que l’on jette des pierres au premier journaliste qui ressort une connerie pareille, voir au premier économiste ou stratégiste, puisqu’eux non plus ne sont pas à l’abri du sensationnel.

Ceci dit, la préoccupation a donc été grande durant ce dernier vendredi. On est vraiment terriblement préoccupés par le fait que le 10 ans pourrait aller à 3% et que soudainement nous nous retrouvions dans un gouffre sans fin où l’investissement intelligent se résumerait à acheter du 10 ans américain, encaisser 3% par an et attendre la retraite. Cela faisait une bonne semaine que l’on se demandait à quel moment le marché des actions allait craquer sous la pression des rendements – je crois que là nous avons trouvé le point d’inflexion. Et ce matin c’est pire, parce que les marchés asiatiques doivent rattraper le décalage horaire et se prennent une mine en sympathie pour la baisse des marchés occidentaux de vendredi.

Nous voici donc au bord du gouffre et nous sommes prêts à faire un grand pas en avant. Le redoux a fait ressortir tous les Bears de leur hibernation et ils sont prêt à en découdre pour se refaire après une longue période de disette.

Ce qu’il y a de bien ce matin, c’est que tout est unanime. Les commentaires sont prudents, on parle de correction, mais pas encore de krach, on n’ose pas trop hurler à la mort sachant que le « bull market » dans lequel nous sommes nous a déjà très souvent démontré qu’il était plutôt résistant, mais dans le doute, tout baisse. Sans exception – mis à part les rendements, bien sûr – mais l’or est à 1333$, même plus une valeur refuge dans ces temps troublés, le pétrole a reperdu 2$ à 64 et des poussières depuis vendredi, probablement à cause de l’inflation, du dollar et de la corrélation entre le nombre de buts marqués en championnat d’Angleterre et le score du Superbowl ce week-end, ce qui a, comme tous le monde le sait, une influence sur les portées de Caribous au Canada, qui elles mêmes influencent l’indice des actions à Toronto qui pourrait éventuellement accélérer la correction du baril de pétrole.

Mais il n’y a pas que le pétrole, l’or et les actions qui baissent, il y a aussi les « Cryptomonnaies » qui se font défoncer encore et encore. Alors je sais bien que 10% sur le Bitcoin c’est la même chose que 0.14% sur le Nasdaq, mais quand ça fait 3 jours de suite, ça commence à picoter quand même. Il faut tout de même signaler que depuis qu’il y a un pigeon qui a acheté UN Bitcoin à 20’000$ pour marquer le coup le 17 décembre, la « star » des cryptomonnaies a tout de même perdu 60%. Soit 12’000$.

Alors je sais bien que ce n’est rien puisque certains comme Monsieur McAfee ont prédit que le Bitcoin irait à 500’000$ sinon il se mangerait les parties intimes à la télévision, mais quand même, là ça fait beaucoup. Il est clair que ce n’est pas pareil, mais pour illustrer la chose c’est un peu comme si le S&P500 descendait à 1700 en l’espace de six semaines, comme si le SMI allait à 5750 d’ici fin mars, Novartis à 52 frs, Nestlé à 45 frs, Apple à 64$ et Amazon a 575$. Autant vous dire que les titres des journaux ne seraient pas les mêmes et le hashtag #ouvrezlafenetrequejesaute serait probablement numéro UN sur Twitter.

Mais bon, pour les « cryptomonnaies », c’est une saine correction. Un peu comme un bébé qui apprend à marcher, il est normal qu’il se casse la figure de temps en temps. Tant que ce n’est pas en haut d’un escalier de 123 marches recouvertes de verre pilé.

Nous avons donc vécu un vendredi tout pourri, un petit « Grey Friday » et le lundi qui nous attend ne semble pas forcément mieux en terme de couleurs. Il n’y a pas d’endroit qui paraît adéquat pour se planquer ce matin, à moins de prendre congé pour partir skier.

La seule « bonne nouvelle » de la journée, c’est la victoire des Philadephia Eagles durant le Superbowl de cette nuit. Comme chaque année, je vous refais la théorie du « Superbowl Indicator » – cette année encore vous n’allez pas y échapper. Donc, statistiquement, encore, si une équipe de la Conférence Américaine gagne le Superbowl, c’est négatif pour le marché, mais si une équipe de la Nationale Conférence remporte le titre, c’est « positif » pour le marché. Philadelphie fait parte de la Conférence Nationale, c’est donc « positif ».

Bon, le seul problème c’est que ça fait deux ans que ça ne fonctionne pas. Alors on peut espérer que les Eagles vont inverser la tendance et faire rebondir le marché. Oui, je sais, on s’accroche à ce qu’on peut. Toujours est-il que l’on sait aussi que s’il y a de la neige à Noël à Boston c’est positif pour les marchés – je crois qu’il n’y avait que ça cette année. On sait aussi que si les ventes d’aspirine sont en hausse c’est que la bourse va baisser, selon les derniers chiffres, les ventes d’aspirine sont stables en revanche le « crack » et la « coke » sont en hausse, mais il n’y pas de théorie là-dessus alors on va faire comme si de rien n’était.

Et puis on sait aussi que si la couverture de l’année pour l’édition maillot de bains du magazine Sports Illustrated est une américaine, le marché va monter et si c’est une étrangère, le marché baissera. Bonne nouvelle encore, cette année c’est Alexis Ren qui vient d’être élue et elle est américaine. Je vous laisse aller voir sur Google qui c’est, mais c’est une bonne nouvelle.

Oui on se raccroche à ce qu’on peut. Mais bon, le Superbowl Indicator fonctionne 80% du temps, pour les maillots de bains, je ne sais pas.

Dans les nouvelles du jour, on apprend (rumeur encore) que Broadcom devrait augmenter son offre sur Qualcomm à 120 milliards. Soit 20% de plus. Ce qui devrait probablement contenter tout le monde. À cause de l’argent. Ça fait beaucoup d’argent, mais pas encore assez pour battre des records. Autrement les utilisateurs d’iPhone X se plaignent d’un problème technique pour les appels entrants. Tiens, je ne savais même pas qu’on pouvait encore téléphoner avec un Smartphone. Et puis Wells Fargo va perdre beaucoup d’argent après la sanction de la FED qui leur interdit d’accepter des dépôts au-delà des 1950 milliards de dollars qu’elle avait au bilan à la fin de 2017 « tant qu’elle n’aura pas suffisamment amélioré sa gouvernance et sa surveillance »… Tout ça devrait leur coûter entre 3 et 400 millions de dollars en terme de bénéfice.

Le Barron’s entame la semaine avec le « Black Monday » en tête, mais ils nous disent que ce n’est pas encore vraiment le cas, même si la volatilité s’est un peu réveillée – ce matin nous sommes à 17% – il faut remonter à fin 2016 pour retrouver un tel niveau, le journal conclu que c’est, pour le moment, un avertissement sans frais. Ils ont également publié la liste des 100 compagnies les plus « sustainables » des USA, Cisco, Salesforce et BestBuy sont sur le podium https://www.barrons.com/articles/barrons-100-most-sustainable-companies-1517605530

Pour ce matin, pas besoin de vous faire un dessin, c’est tout rouge. Côté chiffres économiques, nous aurons l’ISM non-Manufaturing PMI aux USA, le PMI des Services en Angleterre et Draghi qui parlera et on continuera avec les chiffres trimestriels, mais je dois dire que c’est pas non plus l’euphorie en terme de publications, puisque les « gros » sont tous plus ou moins déjà sortis et on ne voit pas trop qui pourrait boulverser la donne.

Voilà, nous ne sommes pas encore dans un « Black Monday », mais la couleur est plutôt foncée et comme on attend de tirer sur l’ambulance depuis trop longtemps, j’imagine que l’on ne va pas se gêner et je suppose que Marc Faber et ses amis ne devraient pas tarder à pointer leur nez sur les plateaux de CNBC.

En attendant, je vous souhaite un très beau lundi et un bon début de semaine. On se retrouve demain à la même heure et au même endroit – enfin, si les marchés existent encore.

Thomas Veillet
Investir.ch

“If you’re going through hell, keep going.”

Winston Churchill