Il y a des jours comme ça où je trouve que les méandres de la finance mondiale ne sont que moyennement passionnants. Il faut reconnaître que ces derniers temps nous sommes rentrés dans un marché qui est principalement dirigé par les «petites phrases assassines» et les «Tweets vengeurs de moins de 200 caractères». L’investisseur ou le trader a tendance à voir les choses à travers le petit bout de la longue vue, refuse de voir la «big picture» et préfère nettement écouter les grands de ce monde déblatérer leurs visions de l’économie que chercher personnellement quoi faire.

L’Audio du 9 mars 2018

Hier nous avions deux axes à suivre, deux axes qui allaient nous donner la direction à suivre pour nos choix d’investissements : Draghi et Trump. Ces deux derniers sont des incontournables fournisseurs de polémiques et sont, en général, capables de nous faire bouger chaque fois qu’ils parlent.

Encore une fois, durant la séance d’hier, ça n’aura pas fait exception. En ce qui concerne Draghi, tout le monde était pendu à ses lèvres, attendant qu’il nous distille la bonne parole. Il l’a fait. À demi-mot. Tout d’abord il n’a pas monté les taux, ce qui était plus qu’attendu et qui aurait été plus que surprenant. Et puis ensuite, il a fait un truc de dingue. Un truc de folie que toute personne normalement constituée aurait envie de faire une fois dans sa vie ; se lâcher complètement et ENLEVER une phrase dans le communiqué de presse de la BCE !!!!

Un truc de fou, je vous dis ! Il a carrément OSÉ ENLEVER UNE PHRASE. Comme ça, tchak ! d’un seul coup de « touche delete », le patron de la BCE a supprimé la phrase qui disait qu’en « cas de soucis économique ou de croissance, la BCE se donnait de droit d’augmenter encore la taille de son programme d’achat et de soutien à l’économie européenne ». Ce n’est pas la phrase exacte, mais en gros ça veut dire qu’ils ne mentionnent plus le fait qu’ils se donnent le droit d’agir en cas de catastrophe économique, ce qui veut dire qu’ils pensent raisonnablement que ça ne se produira jamais. OU probablement presque jamais et que ça vaut vraiment la peine d’économiser de l’encre et de ne pas dire des banalités.

Pour faire simple, la BCE est moins prudente, plus enthousiaste sur l’avenir de l’économie européenne, bien que le terme enthousiaste soit peut-être un poil exagéré, moins angoissé serait peut-être plus à propos. On pourrait aussi dire que leur prescription d’antidépresseurs a été révisée à la baisse.

Quoi qu’il en soit, la nouvelle fût bonne pour les places de bourses locales et l’ensemble de l’Europe terminait en hausse après que Mario Draghi ait distillé sa joie de vivre et sont sourire lumineux dans tous les médias du monde.

Aux Etat-Unis nous étions préoccupés par une seule et unique chose : Qu’est-ce que Trump allait nous faire ?

On a tout de même un peu l’impression que récemment, il ne se passe pas un jour sans que le fantasque Président Américain ne soit pas cité dans une nouvelle qui a une influence sur les bourses mondiales. Hier on savait déjà qu’il allait devoir signer sa nouvelle idée de génie d’imposer des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium. La plupart des « experts » en économie et tout particulièrement ceux qui bossent dans des banques ont clairement exprimé leur désagrément quand à cette politique, hier encore c’était Dimon, patron de JP Morgan, qui exprimait son désagrément, mais Trump s’en tape comme de sa première chemise – de l’avis des autres – il n’a donc pas changé son fusil, fourni par la NRA, d’épaule.

À l’avenir les importations de ces deux métaux seront taxées, sauf pour les importations en provenance du Canada et du Mexique, parce que Trump vient de se rendre compte que les deux pays précités avaient des frontières géographiques communes. Au début, il pensait que la France était au Nord et l’Espagne au Sud, à cause des langues et puis hier, quelqu’un lui a dit que non, en fait au Nord c’était le Canada et le Mexique au Sud, du coup il a dispensé ses copains de bac à sable de payer des taxes. Et il a aussi dit que les Australiens étaient des amis et que « l’on pourrait s’arranger pour eux aussi ».

Les autres ne sont pas contents, les Chinois l’ont dit ce matin et hier, Draghi a été tout en finesse en disant que « si l’on impose des taxes douanières injustifiées à ses propres « soi-disant alliés » qu’est-ce que l’on fait pour ceux qui ne sont pas des amis, on leur tire dessus avec des missiles ?

À priori, l’histoire n’est pas terminée, mais pour le moment, le marché à l’air de digérer plutôt bien la chose, même si certains commencent déjà à dire que la nouvelle stratégie de Trump est une connerie, puisque les USA ne sont pas auto-suffisants en aluminium et en acier. Affaire à suivre, mais c’est surtout les réactions des autres, les contre-sanctions tarifaires qui seront à surveiller.

Le marché a donc relativement bien digéré les dernières tribulations de Trump, mais c’est surtout l’annonce que le Président ait accepté de rencontrer Kim Jong Un qui donnait un coup de fouet au marché hier soir. Le fait que les deux hommes vont se rencontrer à, je ne sais pas pourquoi, donné un regain de motivation à tout le monde. Pourtant on peut tout de même se demander si ce n’est pas plus dangereux qu’autre chose de les mettre ensemble dans la même pièce étant donné leurs compétences respectives en terme de diplomatie – mais au pire on filmera l’évènement en pay-per-view et on le diffusera sur les chaînes de catch.

Bref, les marchés ont tous terminé en hausse et ce matin ça continue en Asie, le Japon +0.45%, Hong Kong +0.8% et la Chine qui ne fait rien, tout ça pour fêter le match au sommet entre les deux leaders du monde libre et du monde pas libre.

L’or ne fait rien, le pétrole est à 60$ et des poussières et souffre un peu ces derniers jours, mais pas autant le Bitcoin qui se fait défenestrer depuis deux jours. Alors que la Cryptomonnaie frisait la 12’000 encore mardi dernier, la voici qui repart dangereusement en direction des plus bas des ces derniers mois. Actuellement le Bitcoin se traite à 8700$ et ça n’a pas l’air d’être l’euphorie.

Il faut dire que la SEC a laissé entendre que les plateformes de trading qui traitent des « monnaies virtuelles » devraient être régulées par les SEC ou alors traiter avec des réglementations très strictes. Ils n’ont pas été très clairs sur leurs intentions, mais laisser courir l’histoire sans s’en mêler semble plutôt exclu.

Dans les nouvelles du jour, l’assureur Cigna a annoncé hier soir son intention de racheter le gestionnaire de prescriptions médicales Express Scripts pour près de 54 milliards de dollars. Ce qui représente une prime de 30% par rapport au prix de clôture de mercredi. Autrement on parle partout du meeting Trump-Jong et des tarifs douaniers de Trump-tout-court. Encore une fois, le reste des nouvelles du jour est assez maigre, comme si le monde économique savait que la finance d’aujourd’hui est incapable de gérer plusieurs problèmes à la fois.

Mis à part ça nous avons un anniversaire à fêter, puisque ce vendredi, c’est l’anniversaire des 9 ans du Bull Market. Chez un être humain, il s’approcherait dangereuse de l’adolescence, chez un chien il commencerait à ne plus être tout jeune, mais en termes boursiers, il fait partie des presque-grabataires et c’est justement ce qui nous fait peur ces temps et qui fait que tellement de monde s’attend à que la musique s’arrête. En même temps, il est vrai que, statistiquement, chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus du prochain krach boursier. Et puis on retiendra que la Banque du Japon a eu son meeting ce matin et qu’ils n’ont rien fait. Comme d’habitude.

Côté chiffres économiques nous auron bien évidemment une grosse journée, puisque nous aurons le Trade Balance en Allemagne et en Angleterre, ainsi que la production industrielle en Angleterre aussi. Mais c’est surtout les Non-Farm Payrolls aux USA qui vont retenir l’attention. Encore une fois, ce n’est pas tant les chiffres de l’emploi qui devrait nous préoccuper le plus, mais plutôt la croissance des salaires. Je rappelle brièvement que c’est là-dessus que le marché était parti en vrille le mois dernier. Nous serons fixés à 14h30 cette après-midi.

Pour le moment les futures sont inchangés et ce soir c’est le week-end. Je vous le souhaite excellent et on se retrouve lundi matin.

Très bonne journée à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c’est leur connerie, pas leurs différences ».

Anna Gavalda