Comme vous le savez, cela fait 12 ans que je passe mes matins – très tôt – à rédiger cette chronique. Au travers de ces 12 ans de rédaction, j’ai été sidéré, à plusieurs occasions, de voir à quel point les marchés sont capables d’être « mono-produit » et de ne se concentrer pratiquement que sur une seule chose et de ronger l’or jusqu’à la moelle. Hier c’était la « guerre économique ». C’est terrifiant et ça empêche même parfois les enfants de dormir. C’est aussi un excellent moyen de chantage : « si tu ne finis pas ton assiette, la guerre économique va venir ».

L’Audio du 15 mars 2018

Depuis que Trump a eu son idée de génie – celle d’imposer les importations d’aluminium et d’acier, bien que les USA ont BESOIN d’importer et qu’à la fin c’est aussi sa propre industrie, voir son propre peuple qui va payer – mais c’est une autre histoire. Toujours est-il que depuis que Trump a eu son idée de génie, tout le monde se demande quel sera le prochain « move » du leader « maximo » de Washington. Hier c’est arrivé, il s’en prend à la Chine et veut imposer de nouvelles taxes sur les produits chinois histoire de se faire des amis.

Cette thématique a donc réveillé un peu tout le monde et du coup, le marché américain a enquillé sa troisième cession de baisse consécutive – ça fait toujours peur quand ils disent « troisième séance de baisse CONSÉCUTIVE », on a l’impression que ça fait des mois que ça baisse et que nous sommes en plein film de science fiction APRÈS l’explosion d’une bombe nucléaire – mais en fait ça fait trois jours que le marché baisse de moins d’un pourcent et de trois fois rien sur les techno, mais on préfère nous garder en mode « angoissé », on ne sait jamais et puis en plus ça fait quand même plus vendre que «le marché continue de monter pour la 9ème année consécutive ».

À ce propos, d’ailleurs, je me dois de signaler que durant la « catastrophe du mois de février » – Si, la catastrophe, vous ne vous souvenez pas, mais en février le marché a presque baissé de plus de 10% en moins d’une semaine – donc durant la catastrophe précitée, nous avions eu droit au Matin qui nous faisait un suivit en live de la baisse, au 20 minutes qui « monitorait » en direct l’ouverture du SMI, alors que trois jours auparavant ils ne savaient pas comment on écrivait SMI, même la RTS faisait des émissions spéciale pour nous expliquer ce qui se passait. Depuis, le marché a repris 10%, mais tout le monde s’en fout. Surtout les médias qui sont habituellement plus préoccupés par la babyshower d’une des dindes de la famille Kardashian ou sur le fait que Christian Constantin est à nouveau autorisé à s’asseoir sur le banc du FC Sion et à péter la gueule aux journalistes qui ne sont pas d’accord.

Donc voilà, hier la bourse elle a baissé parce que la guerre économique est à nos portes. Enfin, peut-être pas à NOS portes, nous à nos portes on a plutôt des frontaliers qui viennent bosser le matin et des genevois qui montent en Valais le week-end, mais la guerre économique est en tous cas aux portes des autres. D’ailleurs Merkel a même dit qu’elle ne savait pas si l’Europe parviendrait à négocier quelque chose avec les USA. Il est vrai que négocier avec un type qui à comme préoccupation son prochain 18 trous ou la négociation des tarifs nocturnes d’une star du porno, ce n’est jamais facile.

Quand la bourse elle baisse à cause de la guerre économique, aux USA c’est Boeing qui baisse. Oui, parce que les étrangers ils ne vont plus acheter des Boeing, mais des Airbus. C’est une évidence et ça devrait se ressentir dans les 48 heures.

La bourse baisse à cause de la guerre économique, mais vous serez également ravis d’apprendre que les « intervenants » continuent de surveiller attentivement ce qui se passe au Département RH de la Maison Blanche, sachant qu’en ce moment, ça bouge pas mal. Et puis on ne sait jamais, si sur un malentendu ils viraient le Président, ça pourrait être drôle.

La séance d’hier aura donc été principalement axées sur la guerre économique, bien qu’en Europe on a tout de même écouté Draghi qui parlait et qui nous a gratifié d’un des ses « Best of » : « Oui, la BCE doit d’abord voir des réels signes d’inflation avant de cesser de soutenir le marché et l’économie ». Qu’il se rassure, on l’avait déjà écoutée en boucle cette chanson-là, on aurait été étonné du contraire, bien qu’en même temps quand on voit la gueule du DAX et de l’Euro/Dollar, on peut se demander à quel moment la BCE va vraiment donner un coup de main.

Pour être franc avec vous, on va dire que la séance d’hier aura été principalement du « réchauffé » sur les vieilles histoires que l’on connaît déjà, mais on les a bien « customisées » pour les remettre au goût du jour, mais à la fin on ne serait pas venus, je ne suis pas certain que cela aurait changé grand-chose à la face du monde. Après tout Trump sera toujours Trump, on a les Présidents qu’on mérite, regardez-nous en Suisse, la Chine et les USA se friteront toujours pour savoir qui a la plus grosse et la guerre économique entre l’Europe et les USA n’est pas forcément nouvelle, c’est juste les règles qui changent – au pire au lieu d’importer des Harley Davidson avec le dollar à 2 contre franc suisse, on les importera avec le dollar à 2.5, ce n’est pas pour autant que les quarantenaires en mal de « rebelle attitude » vont renoncer à en acheter, les cinquantenaires non plus d’ailleurs.

Finalement, la seule chose d’intéressante qui s’est produite hier, c’est le Bitcoin qui s’est fait démonter. Encore. La Cryptomonnaie est en baisse de 40% et plus depuis le début de l’année et hier elle a encore perdu 14%. Oui, les autorités US sont en train de se poser des questions sur les ICO’s et le thème de la réglementation devient un peu trop omniprésent. Techniquement, il y a un support technique à 7400, soit 500$ plus bas de là où nous sommes, mais après, c’est direct en enfer si on ne rebondit pas là-dessus.

Les donneurs de leçon paternalistes vont donc se frotter les mains et dire « je vous l’avais dit » ou « comme je l’avais écrit très clairement en décembre au plus haut de tous les temps, mais je ne l’avais pas dit fort », bien qu’à la fin, un peu à l’image des stratèges de marché qui racontent n’importe quoi parce qu’on « ne sait jamais et sur un malentendu ça peut marcher » – ça reste quand même du pile ou face. Il faut aussi retenir que ces dernières heures les « stratèges d’Allianz » ont publié un rapport sur le Blockchain et sur les Cryptomonnaies, estimant que la valeur intrinsèque du Bitcoin est de….zéro… C’est certain que ça a dû aider.

Ce matin la plupart des Cryptomonnaies sont en baisse de 13 à 20%.

L’or est là où nous l’avions laissé hier et la semaine dernière, à 1326$ – il est toujours au top de la passion. La volatilité sur ce truc doit approcher le zéro absolu. Le pétrole est à 61$ et apparemment le départ de Rex de la Maison Blanche redistribue les cartes du pétrole dans le monde, mais je me suis en endormi au milieu de l’article sur le sujet et me suis coincé les mains dans le clavier.

Ce matin l’Asie était en baisse à l’ouverture à cause de la guerre économique qui fait rage sur la planète Terre, mais depuis 2 heures, tous les marchés du quartier sont en train de repasser dans le vert. La peur semble se tarir un peu et ça passe par l’Asie. Même les futures américains viennent de passer dans le vert.

Dans les nouvelles du jour on parle beaucoup de l’ex-CEO de Theranos, l’ex-plus-jeune-multimilliardaire qui s’est faite toute seule et qui vient d’être condamnée pour fraude. Elle devra payer 500’000$ d’amende et rendre la totalité des actions de sa société et ne sera plus autorisée à diriger une entreprise pendant 10 ans. Ce qui n’est pas cher payé au vu du montant de l’escroquerie qu’on lui reproche. Durant des années, elle et le Président de Theranos ont menti sur la technologie de diagnostics qu’ils développaient et ont réussi à lever des sommes gigantesques – plusieurs centaines de millions pour pas grand-chose. Aujourd’hui la fortune d’Elisabeth Holmes, qui était estimée un temps à 3.6 milliards ne vaut plus rien.

Trump a nommé le chroniqueur de CNBC, Larry Kudlow, au poste d’Economic Advisor qu’occupait Gary Cohn. Après avoir eu un banquier de chez Goldman à la tête de l’économie US, voici que l’on a un économiste-vulgarisateur de la télé financière et ancien cocaïnomane au passage, mais guéri par contre.

Autrement l’Europe veut taxer les géants de la tech comme Google et Facebook sur leurs revenus et pas sur leurs bénéfices et pour ce faire l’Union Européenne veut lancer une « taxe digitale ». Et puis on parle des négociations entre les teams d’avocats de Trump et Stormy Daniels qui veut toujours raconter sa nuit de folie avec le Président – on voit tout de suite que le Wall Street Journal a vraiment des choses à dire – il y aussi Toy’s R us qui ferme définitivement ses magasins aux USA, la faillite est consommée et pour acheter une figurine des Avengers, va falloir aller sur le net.

Et puis sous la pression de la Maison Blanche, Broadcom a renoncé à son take-over sur Qualcomm, mais maintenant on parle d’Intuit ou de Micron qui seraient dans le viseur de la société sino-américano-singapourienne, piloté par les Russes en sous-main et truffée d’espions partout à l’intérieur.

Kudlow a déjà parlé après sa nomination et il pense que la Chine a eu la réponse qu’elle méritait en terme de tarifs douaniers – le contraire nous aurait étonné. Il a aussi déclaré qu’il était en faveur d’un dollar fort et qu’il n’avait pas de raisons de penser que Trump pensait le contraire. On est déjà hyper-heureux de savoir que Trump « pense ».

Et puis, et puis… J’ai envie de dire : COMME PRÉVU, le Crédit Suisse vient se faire attaquer en justice pour le XIV qui a claqué l’autre jour. L’investisseur qui attaque estime que le Crédit Suisse n’avait pas été clair et que la neige elle était trop dure et qu’il a perdu beaucoup d’argent en achetant leur produit de merde. Cela fait plaisir de voir qu’il y a des choses qui ne changent pas :

1) le système juridique américain
2) le fait que le Crédit Suisse soit dans la presse pour un « problème » ou une « magouille » à peu près toutes les deux semaines.

D’ailleurs à propos du point 2, je commence à suspecter le Crédit Suisse d’avoir un service qui fait EXPRÈS de faire des conneries pour être dans la presse et faire de la pub gratuite. En tous les cas, on se souvient de la phrase de leur CEO à propos du XIV : « ce produit à fait son office jusqu’à qu’il ne le fasse plus » – on voit qu’il a suivit des cours de communication à l’institut du brassage d’air et de l’art du foutage de gueule.

Pour ce qui est des chiffres économiques nous aurons le CPI en France, le PPI en Suisse, ainsi que la décision de la BNS sur les taux – ça c’est un truc qui fait peur, si a se trouve ils ne vont rien faire. Aux USA il y aura les Jobless Claims, le NY Empire Manufacturing et le Philly Fed. Et puis du côté de la BCE, il y aura Sabine Lautenschläger qui parlera, elle est membre de l’executive board de la BCE, ce qu’elle va dire aura probablement autant d’importance que les statistiques de reproduction des thermites au Wakanga, mais j’avais juste envie de pouvoir caser le mot « Lautenschläger » dans ma chronique, parce que si c’est bien placé, c’est un mot qui compte double au Scrabble.

Je crois que pour une journée pas terrible hier, on a assez causé, surtout moi. Je vous souhaite donc une belle journée et une litre de café bien serré, moi ça va être Néocitran et paracétamol en infusion et en perfusion. Que la grippe soit avec vous et à demain si vous le voulez bien. Si vous n’êtes pas à Verbier ou au Salon de l’Auto pour apprendre le suisse-allemand.

Thomas Veillet
Investir.ch

« A question that sometimes drives me hazy: am I or are the others crazy? »

Albert Einstein