Il faut lui reconnaître un truc ; il est capable de nous surprendre. Depuis que l’autre taré a été élu aux USA, on avait tous quelque chose de Tennessee en nous qui nous disait qu’il allait bien finir par se friter avec quelqu’un. Ces derniers mois pendant un moment on aurait pu mettre une pièce sur un match Kim Jong Un vs Trump et puis finalement non.

L’Audio du 5 mars 2018

On aurait pensé qu’il pouvait se fâcher encore un peu plus avec la Russie, mais même pas. On a bien cru qu’il allait envahir le Mexique ou le Canada – pour autant qu’il soit capable de les trouver sur une carte, encore raté. Mais tout espoir n’était pas perdu, finalement Trump a décidé de se lancer dans une guerre économique… contre le reste du monde.

Il est vrai que c’est quand même vachement plus glamour, il n’y a pas de morts, son pays pense qu’il leur veut vraiment du bien – surtout ceux qui habitent dans le Sud et qui n’ont pas de passeport parce qu’ils ne quitteront jamais leur pays et puis à la fin on ne sait jamais, peut-être que ça peut marcher, ou en tous les cas générer un peu d’action.

Une chose est sûre, c’est que depuis qu’il a ramené sa fraise jeudi dernier, on n’a pas chômé et les marchés ont clairement payé l’addition. Alors la bonne nouvelle c’est que depuis jeudi soir on a carrément oublié le concept de l’inflation ou même du fait que le rendement du 10 ans pouvait – un jour peut-être – dépasser les 3%. Ça c’est officiellement du passé et plus personne n’en a rien à faire depuis que l’on a inventé le hashtag #tradewar.

Depuis que le génial Président au QI qui ferait envie à un groupe d’huîtres en goguette a déclaré qu’il allait imposer des taxes à l’importation sur l’acier et l’aluminium, nous sommes passés à un tout nouveau niveau dans le jeu fabuleusement drôle de la haute finance mondiale. Un nouveau niveau qui nous débloque tout une série de nouveaux mondes et de nouvelles possibilités dans le domaine fantasmagorique de la bourse en délire.

Déjà vendredi dernier, alors que les marchés américains digéraient la « correction » du jeudi –suite aux commentaires de Trump – les Européens rattrapaient le retard, puisque pour cause de décalage horaire encore une fois, ils avaient raté la baisse – à ce propos, je suggère que l’on déplace la bourse de Francfort sur un bateau de croisière au large de Manhattan, dans les eaux internationales, ça nous permettra d’être un peu plus synchronisés.

Donc les Européens se sont fait joyeusement défoncer par les déclarations du Président Américain et l’angoisse était palpable et on attendait la réplique de Juncker – à quoi nous sommes réduits quand même : attendre les joutes verbales d’un décérébré américain contre l’inventeur de l’évasion fiscale qui s’est refait une virginité.

Vendredi aura donc été une sale journée pour l’Europe, les Américains ont calmé le jeu, mais la volatilité reste élevée, puisque c’est le dernier truc que l’on regarde encore maintenant que l’on a oublié le concept de l’inflation et du rendement du 10 ans. La volatilité continue de tourner autour de sa moyenne historique de 20% et stresse tout le monde dès qu’on s’approche des 21%, de peur qu’un autre produit structuré sur la volatilité nous pète entre les mains.

Et puis, depuis vendredi, les joutes verbales ont commencé et c’est ces dernières qui risquent bien de nous « dessiner » la semaine. Ce week-end Juncker a donc annoncé les premières représailles en indiquant que « puisque c’est comme ça, les produits américains seraient imposés à l’importation en Europe » – l’iPhone et les Nike seront donc dorénavant plus cher. Reste plus qu’à basculer sur Samsung et acheter des tongs ou des « On Running » – quoi que c’est Suisse, si ça se trouve l’Union Européenne a aussi mis des taxes douanières dessus.

Dans la foulée, Trump n’a pas pu la fermer et il a été obligé de répliquer en disant que les Européens n’avaient « pas été gentils » avec les « pauvres » Américains jusque là – qu’ils ont oublié que sans eux le PSG jouerait en championnat d’Allemagne – et que dans la foulée, ils allaient augmenter les taxes douanières pour les importations de véhicules européens. C’est encore les Allemands qui vont payer la facture, parce que je ne suis pas certain que Renault, Peugeot et Citroën vont souffrir au niveau des exportations aux USA. Suis pas sûr que la Citroën Cactus mette en danger le F-150 de chez Ford. Par contre Mercedes et les autres, ça va grincer des dents.

Et puis moi j’ai une question, Fiat détient le groupe Chrysler, donc JEEP, ils vont faire quoi les Américains, considérer que les Jeep sont des voitures européennes et se mettre des taxes pour pénaliser le groupe Fiat ? Oui, je sais j’ai des questions existentielles de bon matin.

Bref, tout ça pour vous dire que LE THÈME du moment, c’est la Guerre Économique et que vu les compétences des uns et des autres, on n’a pas fini d’en parler. Peut-être que finalement c’est ça qui va tout faire capoter. Le truc que l’on n’avait pas vu venir. En tous les cas, on n’a visiblement pas fini d’en parler et Trump a l’air chaud-bouillant sur le sujet. Le seul problème, c’est que dans 10 ans, Hollywood ne pourra pas en faire des films – qui serait intéressé par un film sur la guerre économique ??? Alors qu’un bon débarquement avec des Navy Seals partout et pilotes de chasse héroïques, là y a de quoi faire… Même ça Trump n’est pas capable de nous le fournir.

Ce matin les futures sont indiqués carrément dans le rouge, le S&P devrait ouvrir en baisse de 0.6%, les marchés asiatiques sont dans le pâté. Le Japon recule de 0.8%, Hong Kong de 1% et la Chine ne fait rien. Le Bitcoin remonte comme un bouchon et fait office de « valeur refuge » comme tout le reste des « cryptos ». Le Bitcoin est à 11’500$. L’or est à 1327$ et ne sert définitivement plus à rien et le pétrole s’échange à 61,47$ le baril.

Dans les nouvelles du jour, c’est les Oscars cette nuit aux USA, alors les Américains ont d’autres chats à fouetter d’ici l’ouverture. Par contre en Italie on attend le résultat des élections, il semblerait que le parti 5 étoiles soit en hausse, ce qui pourrait amener un beau bordel et une belle paralysie politique dans le quartier. Ce qui n’est pas forcément une surprise non plus. Ni une nouveauté.

Par contre en Allemagne Merkel a finalement récupéré son poste avec le pouvoir qui va avec, mais tout le monde s’en fout parce qu’il y a une guerre économique à gérer.

Et puis le Crédit Suisse est empêtré dans une histoire d’agression sexuelle qui date d’il y a 8 ans. Agression sur laquelle la police a enquêté, rien trouvé, mais la victime est repassée par le hashtag #metoo et du coup, le CEO du Crédit Suisse a été obligé de faire son mea culpa dans les médias. Je commence à suspecter qu’il y a un service au Crédit Suisse qui cherche des casseroles à mettre dans la presse pour qu’on parle d’eux. Il semblerait que la seconde banque suisse ne peut pas s’empêcher de faire parler d’elle…

Le Barron’s pense que le rebond du marché immobilier aux USA n’est de loin pas terminé et ils en font une édition spéciale. Autrement, comme la plupart des médias, ils font la liste des plus gros « losers » de la guerre économique déclenchée par « leur » Président. Mais pour le reste, on parle de l’Italie, l’Allemagne et de la Guerre. Ça rappelle quand même des souvenirs.

Côté chiffres économiques, nous aurons les PMI’s des services un peu partout dans le monde et puis c’est tout. Pas de chiffres sur l’inflation, mais en même temps, on s’en fout de l’inflation, on a soudainement de nouvelles préoccupations. Le rendement du 10 ans américain est de 2.84%, mais on attendra les chiffres des Non Farm Payrolls vendredi pour en reparler, pour autant que Trump n’ait pas encore envahi Bruxelles et le Luxembourg.

Pour le moment, le début de semaine semble être très rouge et ce n’est pas encore ce lundi que l’on fera des « plus hauts historiques » aux USA, ni en Europe d’ailleurs. La météo boursière est à l’image du ciel ce matin : plein de brouillard. Reste plus qu’à espérer que la volatilité ne remonte pas trop, histoire que ça ne déclenche pas des ordres de ventes en rafales et que l’on se refasse un « Black Monday » comme plein de gens en rêvent… Ce qui, rien que pour ça, me paraît impossible. N’oubliez jamais, en finance, quand c’est évident, c’est évidemment faux.

Voilà, je vous laisse aller vaquer à vos machines à café et je vous souhaite un très bon début de semaine. On se retrouve demain à la même heure sur la plage de Utah Beach pour voir si Trump a décidé de débarquer pour de vrai en Europe.

Thomas Veillet
Investir.ch

“If there was a day of the week I could skip it would be Monday. Clients had too much time to think and worry over a long weekend and by Monday they were often riddled with fear and anxiety.”
― Stan Turner