On peut largement se poser la question : « pourquoi mercredi soir le S&P500 était en hausse de près de 2.5% sur la semaine et pourquoi vendredi à 22h00, les marchés US ne terminaient en hausse « que » de 0.5% ? ». C’est vrai, on peut se poser la question. Mais on peut aussi se demander est-ce que l’on arrivera une fois dans notre vie à regarder un peu plus loin que le bout de notre nez, mais on risque de ne pas aimer la réponse.

L’Audio du 23 avril 2018

Encore un fois les derniers événements sont fascinants. Pas fascinants par eux-mêmes, non, mais plutôt fascinants de par le fait que « le marché » n’arrive pas à regarder l’économie dans son ensemble, mais parvient uniquement à interpréter une seule information à la fois pour en faire son cheval de bataille.

Actuellement c’est le rendement du dix ans américain qui approche dangereusement les 3%. Pas que ce soit une surprise – non – au contraire, ces derniers temps, quand vous avez un rendement qui traite autour de 2.90% et que nous sommes dans un cycle de hausse des taux et dans un économie inflationniste, on pourrait supposer que « ça devait arriver ». On pourrait le supposer dans un monde normal. Mais force est de constater que la finance actuelle n’est PAS un monde normal.

Récemment on avait trop de choses à gérer alors que nous ne sommes pas capables de gérer plusieurs choses à la fois. Il y avait la guerre économique, mais ça c’est oublié, puisque la Chine semble d’accord avec tout ce que Trump peut dire. Ensuite, il y a eu la guerre express en Syrie. Mais ça c’est réglé aussi, un petit bombardement et puis s’en va – il est même impossible de déceler l’événement sur le graphique du S&P500 – puis maintenant il y a la Corée du Nord qui rend les armes – soit disant – sans compter qu’entre deux nous avons eu la saison des résultats qui a commencé et qui va battre son plein cette semaine à venir, puisque 37% des sociétés qui sont dans le S&P500 vont publier leur trimestre.

Mais finalement le seul truc qui nous intéresse – surtout que l’on a compris que le trimestre serait bon d’un point de vue fondamental mais que le marché n’interprétera pas bien les chiffres. Trop de doutes sur l’avenir, pas assez de certitudes, on l’a vu déjà avec quelques sociétés qui ont battu les chiffres mais qui se sont montrées dubitatives sur l’avenir. Le marché n’aime pas et la sanction est terrible. On a l’a vu avec Philip Morris qui s’est faite décimée la semaine dernière – vous vous rendez compte, ils ont annoncé qu’il y avait moins de fumeurs – en même temps, vous avez essayé de fumer aux USA ? Je pense que les pédophiles sont mieux traités.

Donc le seul truc que l’on a trouvé pour se motiver, c’est la hausse du rendement du 10 ans.

On se rappelle que début février le marché s’est fait littéralement décimer parce que le rendement des bons du trésor américain s’approchait des 3%. On ne sais pas trop ce qui se passe quand on arrive là-bas, mais une chose est sûre : sûrement rien de bon. En même temps, la dernière fois que c’est arrivé, c’était fin 2013 et sachant que notre mémoire d’investisseur ne remonte pas plus loin que trois jours, il paraît difficile d’imaginer ce que l’on a vécu en ce temps-là. Probablement une récession terrible, les gens qui se faisaient jeter dans la rue, un taux de chômage proche des 30%, une politique instable à la Maison Blanche avec un Président déséquilibré. On ne se souvient pas, mais ça devait être terrible.

En tous les cas, à l’idée que ça se reproduise, les marchés tremblent. Si, depuis jeudi dernier, on tremble à l’idée de retrouver les 3% de rendement. En général quand le rendement est à 2.9%, personne n’en parle et tout le monde, je dis bien tout le monde s’en fout, mais dès que l’on passe les 2.93% – on sent que la fin du monde approche alors on anticipe la panique et la fin du monde.

C’est fou comme une différence de 0.03% sur un rendement peut changer notre façon de voir les choses.

Bon, il faut reconnaître que cette fois la réflexion est profonde. Un peu plus profonde que « Oh my GOD ! Les 3% sont là !!! Fuyons et achetons du riz et de l’eau pour stocker dans l’abri anti-migrants ».

Non, là on a vraiment réfléchi. En 22 minutes et 12 secondes, on s’est dit que les matières premières étaient en train de monter, que les rendements sont généralement un signe d’inflation – sans blagues, les matières premières sont en train de monter – et comme la FED ne va pas cesser de monter les taux, elle va freiner l’économie et la précipiter dans la récession et là ça va être l’horreur, le retour dans les années 30, la fin du monde et tout et tout.

On a compris ça en 22 minutes et 12 secondes dans la nuit de jeudi à vendredi. Et depuis, ça baisse. À moins qu’entre deux les résultats du trimestre nous fassent changer d’avis ou que Trump, nous sorte un tweet rageur sur quelque chose qui fasse que notre attention soit dirigée sur autre chose, on va soudainement être très préoccupé par le rendement du 10 ans et puis c’est tout.

C’est toujours la même histoire, ce mur des 3% nous fait paniquer comme si à 2.99% tout allait bien et qu’à 3%, tout s’arrêtait. Les 3% de rendement c’est comme le dates de péremption, à minuit c’est mangeable, à minuit une, vous chopez une intoxication alimentaire et vous mourez dans d’atroces souffrances.

Nous voici donc à nouveau en plein doute. Cette semaine nous allons crouler sous les chiffres économiques, trimestriels et sous les commentaires des banques centrales – dont la BCE ce jeudi qui va forcément nous annoncer un truc – mais nous n’aurons que d’yeux pour le rendement du 10 ans, à moins que…

Pour le moment on entame la semaine en baisse en Asie, les trois indices sont en baisse de 0.2% plus ou moins. Le pétrole est à 68.34$, l’or est à 1335$ – l’or qui est inversement corrélé au dollar qui semble s’affaiblir enfin, puisque ce matin il est à 1.2272 contre Euro. Et pendant ce temps, les techniciens estiment que les Cryptomonnaies ont vu le pire. Ce matin le Bitcoin est à 8850$.

Dans les nouvelles qu’il faudra retenir en ce début de semaine, il y a Trump qui dit à Kim que s’il veut voir les sanctions se lever il doit se bouger rapidement pour démonter son arsenal nucléaire. Pendant que le nucléaire se calme en Corée, on a les Iraniens qui menacent de s’y remettre si Washington ne fait pas des efforts dans leur direction. On voit que l’on remplace un borgne par un aveugle.

Autrement, tout le monde a les yeux fixé sur Google qui publiera son trimestre ce soir, il y en aura plein d’autres, mais on ne parlera que d’eux, sans compter que l’on vient de se rendre compte, dans le Wall Street Journal, que si vous trouviez que Facebook possède trop d’informations personnelles, essayez de voir ce que Google possède sur vous…

Il y aussi Fresenius qui renonce à son take-over sur Akorn, même si Akorn déclare qu’ils continuent dans la même direction. Il semblerait qu’il y ait comme un problème de communication. Mark Mobius, ancien gourou de chez Templeton et spécialiste des marchés émergents déclare que, selon lui, le marché peut corriger de 30%. À moins que toutes les réformes de Trump fonctionnent. Auquel cas, le marché pourrait monter. Pour faire simple ; je passe à la télé, je dis n’importe quoi, je couvre mon cul et comme ça, j’ai jamais tort.

Le Barron’s pense que General Mills n’est pas cher et se demande si le comportement des rendements aux USA est en train de signaler une récession, c’est un peu le thème du moment. Ils recommandent aussi d’acheter les obligations russes plutôt que les actions. Ces dernières sont basses, mais relativement « safe ».

Côté chiffres économiques nous aurons le German Manufacturing PMI et le même en France,en Europe et aux USA. Aux USA il y aura aussi le PMI des Services et les ventes de maisons existantes.

Pour le moment les futures sont en hausse, mais nous sommes quand même encore en baisse par rapport à la clôture de vendredi soir. Pour les heures à venir, on va se stresser pour les chiffres du trimestre et à chaque fois que l’on regardera le rendement du dix ans, on aura une bouffée de chaleur.

C’est à peu près tout ce qu’il y a à dire ce matin, la suite sera drivée par les médias et notre capacité à tourner notre concentration sur autre chose qui pourrait nous motiver que les rendements du 10 ans. En ce qui me concerne, je vous souhaite une très belle journée et je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit.

Thomas Veillet
Investir.ch

« It does not matter how slowly you go as long as you do not stop. »
Confucius