C’est étrange. Etrange parce qu’après un vendredi comme nous avons vécu, il y aurait plein de choses à dire ; le fait que les bancaires qui publiaient vendredi dernier ont annoncé un bon trimestre, mais que le marché baissait quand même parce que - sans surprise – les CEO’s et autres CFO’s se montrent très prudents pour le reste de l’année.

L’Audio du 16 avril 2018

Et puis il y avait aussi le fait que tout le monde se demande si c’est le dernier « bon » trimestre et qu’ensuite, ça va ralentir puisque la récession est déjà carrément annoncée et puis on se demandait toujours quelle serait l’impact de la guerre économique avec la Chine, puisque rappelons tout de même que c’est quand même CE sujet et aucun autre qui nous a donné un début de semaine dernière que l’on qualifiera de « en haut, en bas, tu sais pas où tu vas ». Mais forcément, après un week-end comme ça, ça remet les compteurs à zéro et soudainement on se regarde tous dans les yeux et on se dit : Bon, on fait quoi maintenant ???

Samedi matin les Américains et leurs alliés (la France et l’Angleterre) ont décidé de se faire la Syrie avec des frappes chirurgicales en représailles pour le mauvais comportement d’El Assad. Bien que ça fait quand même 7 ans que ça dure et que personne ne dit rien, ils ont décidé de lâcher leurs bombardiers et d’aller s’entraîner en Syrie. C’est LA chose que l’on craignait jeudi puisque, souvenez-vous, jeudi dernier « les marchés étaient incertains à cause que Trump il pourrait déclencher des frappes militaires ».

Eh bien voilà, c’est chose faite et, pour faire simple, ce matin les futures sont en hausse de 0.4% et cela laisse présager d’un début de semaine en hausse puisque finalement comme ça c’est passé le week-end, on n’a pas eu le temps d’acheter au son du canon, alors il faut se rattraper ce lundi matin. En attendant le pétrole est autour des 67$ et se montre très ferme étant donné la situation de poudrière de la régie et les marchés du Moyen-Orient, qui sont ouverts le dimanche étaient très en forme hier également.

Finalement ces frappes sur la Syrie étaient une formalité, y avait vraiment pas de raison de s’inquiéter de ça et même les Russes n’ont pas dit un mot – pour l’instant . On pouvait raisonnablement s’attendre à que ça couine à Moscou et que les relations se dégradent encore un peu plus, mais visiblement, un peu à l’image de ce qui s’y passe depuis 2011 en Syrie ; tout le monde s’en fout.

En ce lundi matin nous allons donc pouvoir mettre ce sujet de côté et revenir à nos moutons, à savoir l’économie américaine, mondiale et les chiffres du trimestre.

Concernant ces derniers, le ton est donné ; ils devraient être globalement bons, mais c’est surtout les commentaires du management qui vont décider de l’avenir de la société qui publiera ses chiffres ces prochains jours et malheureusement, étant donné l’ambiance, il est difficile d’imagine un CEO venir à la tribune et déclarer que ça va rigoler les prochains mois et que ça va être tellement facile qu’il envisage même de prendre un congé sabbatique jusqu’à la fin du Q2.

Au contraire, la prudence devrait être de mise et si les chiffres de JP Morgan qui ont été publiés vendredi dernier sont la référence de ces prochaines semaines, le ton est donné : chiffres meilleurs que les attentes, mais prudence déclarée pour les prochains mois. Conséquences : près de 3% de baisse. Un grand classique de « je couvre mon cul en disant que ça sera très très dur et au pire les analystes réviseront les prévisions du trimestre suivant à la baisse et ça sera super-facile à battre et comme mon bonus est indexé au fait que je dois battre les attentes du marché, tout va bien ».

En résumé ; on ne parle plus (pour le moment) des problèmes de « guerre économique ». On ne sait plus si on doit parler des bombardements en Syrie, vu que tout le monde s’en fout, que la Russie n’a pas pété un plomb et que Trump et Macron pavanent à la TV avec leurs photos satellites pour montre comment leurs pilotes ils sont trop forts avec leurs frappes chirurgicales. On sait que les chiffres seront meilleurs mais que ça sera surtout une question de comment on les perçoit plutôt que comment ils sont VRAIMENT.

En conclusion, on se demande bien ce qui va nous faire bouger. Et bien justement… Il y a peut être une piste à gratter ; la plupart des indicateurs de stress le montrent, on a tellement peur de s’en prendre une que l’on est en train d’escompter le pire… Le sentiment négatif est clairement en train de prendre le dessus sur le «positif », on a peur que la musique s’arrête et que la conjonction des chiffres trimestriels qui seront bons mais qui laisseront entendre que l’avenir sera moins facile, les tensions économiques et les tensions militaires aient raison de ce bull market qui n’a toujours pas rendu les armes, même si la configuration dans laquelle nous sommes laisse supposer qu’il commence à avoir un peu de plomb dans l’aile.

Peut-être qu’alors que nous sommes tous convaincus que la fin est proche et que l’on va s’en prendre une, il se pourrait que la bonne vieille théorie du « quand c’est évident, c’est évidemment faux » reprenne encore une fois le dessus et sauve la marché. En tous les cas, le fait de que ce négativisme extrême soit en train de prendre le dessus si l’on en croit les indicateurs comme le Bull/Bear ratio, me laisse encore une fois penser que tout n’est pas terminé, les krachs annoncés c’est définitivement pas trop mon truc.

Ce matin l’or est à 1350$, on sent que l’on se planque où on peut et même les Cryptomonnaies reprennent la tendance haussière qui était la leur en fin de semaine dernière. Ce matin le Bitcoin est en hausse de plus de 4% et franchit les 8’200$. Les 20’000 sont encore loin, mais il faut bien commencer par quelque chose.

Les marchés asiatiques, qui sont les premiers à rouvrir depuis les frappes aériennes montrent tout de même quelques doutes, le Japon se maintient en terrain positif, en revanche le Hang Seng et la Chine s’effritent depuis deux heures, l’un recul de 1.4% et l’autre de 1%. Les experts estiment que les intervenants sont en train de «digérer » les frappes de samedi. Ce qui reste encore à prouver, puisque c’est surtout les valeurs locales qui sont sous pression ce matin.

Dans le reste des nouvelles du jour, le patron de BlackRock était à la télé ce week-end pour répéter que selon lui, il faut être 100% investit dans les marchés (et surtout dans les fonds de sa boîte) et qu’il faut arrêter de « timer » le marché et de se prendre pour des traders. Alors sur ce coup là, je suis TELLLLLLEMENT d’accord avec lui !!! Investir intelligemment, diversifier les risques et arrêter de tourner la veste toutes les cinq minutes et à la place garder les yeux fixés sur l’horizon très très loin en faisant des prières devant la statue de Warren Buffet.

AAAAhhhh, si seulement on revenait à ça, ça serait quand même bien plus simple et les performances seraient sûrement meilleures, sauf que me chroniques n’auraient plus de sens du coup je ferais quoi à 4 heures du matin ???

Autrement Trump fait les premières pages des journaux – encore ou comme d’habitude – je ne sais plus – tout d’abord parce qu’il s’en prend verbalement à Comey l’ancien boss du FBI qui a écrit un bouquin dans lequel il déclare que Trump n’est pas – psychologiquement – capable d’être Président et Trump lui répond par des mots qui ne sont pas dans le dictionnaire.

En dehors de la politique intérieure américaine, la Syrie semble se foutre totalement d’avoir été bombardée et le gouvernement El Assad continue ses propres bombardements sur SA propre population comme si de rien n’était. Les USA hurlent à nouveau à la mort et demandent des sanctions supplémentaires. On pourrait supprimer la diffusion des séries de NetFlix en Syrie, peut-être ça les calmerait.

Et puis Goldman Sachs rachète l’application Clarity Money, continuant sa marche de Wall Street à Main Street, la banque d’affaire donne de plus en plus l’impression de se rapprocher du peuple. Chez Facebook, ça commence à sentir le roussi dans la maison Zuckerberg, plusieurs fonds de pension américains et actionnaires de Facebook, commencent à monter au créneau et râlent sur le fait que Zuckerberg a trop de pouvoir et qu’ils voudraient un Chairman indépendant. Je propose que l’on nomme le patron de la NSA à ce poste, comme ça il pourra se servir directement à la source et AU DIABLE la protection des données !!!

Le Barron’s se demande si les chiffres du trimestre vont sauver le Bull Market, ils font également le point sur la « trade war » et les conséquences pour les sociétés qui sont concernées ou pas. American Airlines parle de dérouter ses vols au-dessus de la Russie pour éviter les problèmes et Poutine parle de « chaos mondial » si la Syrie se fait attaquer encore une fois… Ben voilà, on y vient !!!

Pour le moment les futures tiennent toujours en terrain positif, il y aura PPI en Suisse, Retail Sales et New York Empire State Manufacturing index, sans compter que la saison des chiffres continue, bien évidemment. Deux noms à retenir ce lundi : Bank of America et NetFlix, le premier devrait battre les attentes mais baisser ensuite parce qu’ils sont « prudents » pour l’avenir et le second va bouger de 25% dans un sens ou dans l’autre, ça dépendra, mais on connaît NetFlix lors des trimestriels.

Voilà, nous commençons la semaine dans l’instabilité la plus totale, la visibilité est nulle et tout peut arriver, on peut même reparler de la guerre économique sino-américaine si l’on a épuisé tout nos sujets de conversation. Je vous souhaite un bon lundi et un très bon début de semaine. On espère que Trump ne va pas ordonner des frappes chirurgicales sur Moscou, dans le cas contraire, ça devrait bien se passer.

À demain

Thomas Veillet
Investir.ch

“I am enclosing two tickets to the first night of my new play; bring a friend … if you have one. »
— George Bernard Shaw, playwright (to Winston Churchill)

« Cannot possibly attend first night; will attend second, if there is one. »
— Churchill’s response”