Le marché ne cessera jamais de m’impressionner avec sa capacité à tourner la veste en l’espace de 24 heures. Arriver à jouer la girouette en aussi peu de temps et aussi souvent est carrément phénoménal, mais à la fin ça en devient presque risible.

L’Audio du 23 mai 2018

Enfin, pas presque. Risible tout court.

Si l’on prend la séance tronquée de lundi – pour cause de week-end prolongé – et les justifications de la hausse et si l’on regarde pourquoi on a fait l’inverse ce mardi, on pourrait clairement se demander si une grande partie du « marché » n’aurait pas consommé un peu trop de substances illégales.

Alors certains d’entre vous doivent certainement se dire que j’exagère, que j’en rajoute, que je ne suis jamais content et que je râle tout le temps. Que je râle tout le temps, c’est vrai. En même temps je suis genevois et qu’est-ce que vous voulez que je fasse d’autre, c’est dans mes gènes.

Par contre sur le fait que j’en rajoute et que j’exagère ; non. Et je vais vous le prouver.

Evidence numéro 1 :

Lundi le marché US était en hausse parce que les tensions géopolitiques se « détendaient » et que la Chine et les USA étaient « sur le point » de signer leurs accords douaniers mettant plus ou moins fin à la Trade War annoncée. L’information provenait du Secrétaire de Trésor, Monsieur J’ai un nom imprononçable parce que j’ai revendu une voyelle.

Steven Mnuchin, le sosie américain de François Hollande avait annoncé hier que tout se passait bien et qu’à la fin ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Et c’est pour ça que le marché montait.

On savait que le sommet Corée-USA du 12 juin était toujours agendé mais que Kim Jong Un se faisait prier un peu. Mais on sait aussi que jusqu’au au 11 juin, ils vont tous jouer à « je t’aime moi non plus ».

Et puis on savait aussi que le « nouvel accord nucléaire » entre l’Iran et les USA – drafté par les USA, n’allait que moyennement plaire aux Iraniens. En général quand on te demande de te mettre à quatre pattes sur du verre pilé et de faire des pompes, il est rare que tu le fasses avec gaité de cœur et le sourire aux lèvres.

Voilà – ça c’était ce qu’on savait lundi et nous sommes montés parce que c’était « encourageant » – je n’invente rien, c’était écrit.

Hier, mardi, on apprend que des journalistes ont demandé à Trump s’il était content des négociations douanières avec la Chine et cet andouille a répondu : « pas vraiment, il y a encore de la route à faire ».

À partir de là, on s’est dit que la Trade War n’était pas terminée, que Kim Jong Un ne viendrait pas le 12 juin et en plus les Iraniens ont annoncé que pour le nouvel accord nucléaire, les Américains pouvaient se le fourrer « où-je-pense ».

Du coup on baissait. Ce qui résume à vouloir nous faire croire qu’il y a des gens qui ont acheté comme des bœufs lundi et tout revendu mardi. C’est en théorie un peu plus compliqué que ça, mais quand on regarde les médias financiers hier matin et ce matin, on a l’impression qu’hier on avait sorti les Bulls et que c’était « prosper youp-la-boum » et que ce matin on a rangé les bêtes à cornes et les « Bears » sont de retour avec leurs cortèges de dépressions et de doutes sur la pérénnité de la hausse.

Et puis, évidence numéro 2 :

En Europe c’était pareil, lundi on balisait parce que la soi-disant coalitaion gouvernementale italienne allait présenter son éventuel Premier Ministre au Président et qu’ensuite ils allaient refuser de rembourser la dette, sortir de l’Europe et revenir à la Lire et hier on se tapait dans le dos parce que la présentation a été faite que le Président « réfléchissait » et tout d’un coup l’optimisme était de retour. Ils n’ont pas dit que l’annulation de la dette, la sortie de l’Europe et le retour de la Lire était exclu, non, juste que le Président réfléchissait pour voir si l’éventuel-futur-Premier Ministre avait les compétences suffisantes et comme c’est pas simple de lire un CV, il faudra quelques jours.

Du coup on remontait pour les mêmes raisons pour lesquelles nous avions baissé la veille. En tous les cas, rien n’a changé concrètement.

Tout ça pour vous dire que je trouve que l’on brasse une quantité d’air pour pas grand-chose et que l’on est incapable de regarder un peu plus loin que « maintenant tout de suite ». Personnellement, je suis à deux doigts de vous poposer un portefeuille modèle pour les 5 prochaines années à venir, de vous faire une chronique matinale par année (le 5 janvier) et de partir me poser sur une plage.

Et je suis prêt à parier que le résultat du portefeuille en question sera bien plus intéressant et constructif que le brassage d’air dans lequel nous sommes actuellement, si ce n’est qu’à la vitesse où l’on tourne notre veste, il y aurait peut-être un truc à jouer pour générer une nouvelle énergie alternative et régler le problème de production électrique dans le monde.

En résumé, hier l’Europe montait parce qu’on était « rassuré » en Italie – rassuré de quoi ; on ne sait pas trop, mais on était rassuré et c’est le principal. On était aussi soulagé que « ça se passe bien entre la Chine et les USA », surtout que la Chine avait en plus annoncé une baisse des ses taxes douanières pour l’importations des voitures de 25% à 15%.

Mais par contre on baissait aux States parce que Trump avait dit qu’il était pas trop content des négociations avec la Chine et ce APRÈS l’annonce de la baisse des taxes douanières pour l’importations des voitures. Et du coup, on flippait pour l’Iran, la Corée du Nord et la géopolitique en général. Sans compter que Nabilla pourrait redevenir chroniqueuse à la télévision, la pression était trop forte et le marché finissait au plus bas de la journée.

Pendant ce temps l’or restait où il est depuis 2 semaines. Il paraît même que plus personne ne traite d’or et que c’est juste là pour décorer. Et le pétrole baissait (pour une fois) de quelques cents, mais tourne toujours autour des 72$. En revanche l’UBS a publié une recherche qui met en garde comme quoi si pétrole continue à monter en direction des 100$, là où tout le monde sait qu’il doit aller, il va y avoir un problème d’inflation et que ça « pourrait » freiner la croissance… Et encore une fois, on vient de se rendre compte que l’eau ça mouille et que tout corps plongé dans l’eau qui n’est pas remonté au bout de 5 minutes est considéré comme foutu, sauf si il s’appelle Umberto Pelizzari.

Bref, plus ça va de l’avant, plus j’ai l’impression que je vis dans une boucle spatio-temporelle et que je revis les mêmes choses encore et encore.

Ce matin l’Asie est en baisse alors que, je cite : « les inquiétudes géopolitques augmentent »… Le Japon recule de 1%, Hong Kong aussi et la Chine ne recule « que » de 0.8%. Les futures américains sont en baisse et je soupçonne que ce doit être pour la même raison que la baisse de l’Asie. Ça et aussi le fait que les tensions semblent reprendre avec la Corée du Nord qui n’est pas contente parce que les ébauches du plan de « dénucléarisation » de Bolton ne leur plaît pas et que Trump laisse planer des doutes sur le sommet du 12 juin. Bolton proposerait un plan qu’il qualifie de « modèle Libyen » – Je ne sais pas trop ce qu’il entend par là, mais quand on voit comment Kadhafi a fini et que l’on sait que Bolton est à peu près aussi sympa qu’un escadron de la Gestapo, on peut comprendre que Kim Jong Un soit un poil tendu…

En tous les cas, quand on voit le gouvernement américain, on se dit que si un scénariste hollywoodien avait écrit un film avec des personnages comme ça, les critiques auraient hurlé à la mort en disant que ce n’était pas crédible. Washington et Lincoln doivent se retourner dans leurs tombes.

Dans les « news du jour », on retiendra tout ce qui a déjà été cité plus haut. Trump met en doute le sommet avec Kim, les accords avec la Chine et il cherche a caser un 18 trous lors de sa visite officielle en Angleterre. Zuckerberg a parlé devant les politiciens européens et ils en sont ressortis « frustrés ». Pas sûr que ça empêche Zuckerberg de dormir.

On reparle de l’Italie, de la réflexion du Président et du CV de l’éventuel futur-Premier Ministre qui semble avoir été « légèrement gonflé ». En même temps, depuis quand il faut des compétences spéciales pour être Premier Ministre ?

En résumé, ce matin c’est « Géopolitic’s day » et puis c’est tout. Ce qui veut dire que, si ça se trouve, demain on fera pareil, mais dans l’autre sens. Côté chiffres économiques, le seul truc qui va nous préoccuper, c’est les Minutes du FOMC Meeting qui sortiront ce soir tard. Entre deux, il y aura plein de PMI un peu partout dans le monde, mais comme on n’arrive plus vraiment à savoir quoi en penser et qu’entre deux il y a géopolitique qui donne son avis, on va attendre les Minutes de ce soir qu’on aura oublié dans 24 heures.

Je vous souhaite une excellente journée et on se retrouve demain à la même heure et au même endroit pour parler des mêmes choses mais pour les interpréter différemment.

Thomas Veillet
Investir.ch

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