Dans ces époques où seule la géopolitique - pour ne pas dire la politique tout court – compte, il y a toujours de quoi se poser des questions sur l’état de santé mental des marchés.

L’Audio du 31 mai 2018

Il y a 7 ans durant l’été de la crise grecque, nous avions passé notre été à swinguer entre des scénarios type « on va tous mourir » ou « trop facile la bourse, ça fait que monter ». Heureusement, c’est le second qui l’avait emporté à la fin. Durant cet été 2011, que tout le monde a oublié, nous avions passé notre temps à analyser les comportement des hommes clés du gouvernement grec – Tsipras était LE NOM le plus cité de l’époque – et si vous ne vous souvenez pas de lui, si vous ne savez pas ce qu’il est devenu, ce n’est pas étonnant, parce que d’habitude on se fout TOTALEMENT de ce qui se passe en Grèce – du point de vue des marchés financiers en tous les cas.

Tenez, petit exercice de style : « qui est le Premier Ministre Grec aujourd’hui ? »

Personne ?

Deuxième chance : « de quel côté est le parti au pouvoir en Grèce ? Droite ? Gauche ? »

Personne non plus ?

Tout ça pour vous dire que dans quelques mois, ça sera la même chose avec l’Italie. Aujourd’hui, tout le monde parle de Mattarella, Cottarelli, Panzani, Salvini ou Panna Cotta comme si nous étions tous des spécialistes de la politique italienne, mais nous ne le sommes pas !!! Même les italiens eux-mêmes ne le sont pas. Alors en plus quand dans 2 mois le championnat de Série A aura repris, autant vous dire que si le pays est gouverné par Don Corleone ou Dino Zoff, tout le monde s’en foutra comme de sa première bruschetta.

Sauf qu’aujourd’hui l’Italie est devenue le centre du monde. Même à New York, les traders qui sont d’habitude les pires nombrilistes de la planète se demandent ce qui va bien pouvoir se passer si Tartampionni ou Mozzarella di Buffala ou encore Outamislavespa devient Premier Ministre et décide de quitter l’Europe et rejoindre la fédération de Russie et de se noyer dans les yeux rieurs de Poutine.

Oui, vous l’aurez compris hier encore c’était le Muppet Show, mais je n’ai pas pu le mettre dans le titre, parce que je l’ai déjà utilisé cette semaine, d’où des fois l’intérêt grandissant d’écrire cette chronique boursière matinale une seule fois par mois. Vu le nombre de conneries hallucinantes qui sont imprimées tous les jours, cela me permettrait d’en raconter un peu moins.

Donc, hier, Muppet Show again, mais dans l’autre sens. Après avoir paniqué mardi en se plantant une fourchette dans le ventre pour exprimer notre angoisse de voir l’instabilité s’installer en Italie (comme si c’était stable avant) et de voir éventuellement peut-être le pays quitter l’Europe et revenir à la Lire Italienne ou carrément au troc, les investisseurs se sont dit que quand même, ça ne pouvait pas finir comme ça.

Si vous prenez la séance de mardi et que vous faites EXACTEMENT l’inverse, vous avez la séance de mercredi. L’indice milanais a repris 2%, le rendement du 10 ans italien a violemment rebaissé et soudainement, avoir des banques en portefeuille c’était un peu moins ridicule que la veille. Le reste du monde n’en a pas été moins con, puisque tout le monde est remonté parce que « ça allait mieux en Italie ».

Pour être franc, ce n’est pas que ça allait mieux, c’est juste que l’on se rend compte que Cottarelli ne pourra jamais obtenir le soutien pour monter un gouvernement, même fantoche, donc du coup les deux partis extrémistes ont laissé entendre qu’ils allaient bosser sur un nouveau Premier Ministre éventuel qui lui, amènera un ministre des finance moins anti-européen et plus constructif, ce qui pourrait du coup calmer le jeu.

Beaucoup de conditionnel et de « si » un peu partout. Et quand je dis de « si » je parle en français, pas en italien.

On ne sait donc pas qui pourrait être le nouveau Premier Ministre, pour le moment le mouvement 5 étoiles et la « Lega » sont en train de se poser des questions et voir si Mario Draghi n’est pas dispo pour le job à tout hasard, sachant que Buffon devrait aller au PSG et qu’il sera suffisamment occupé comme ça. Mais toujours est-il que ce « semblant » d’espoir aura suffit à l’ensemble du monde de l’investissement pour tourner la veste propre en ordre et nous offrir un rebond fort sympathique au demeurant, mais relativement fragile tout de même.

Non parce que si l’on se souvient de l’affaire grecque, nous avions tout de même mis bien plus de temps que ça pour nous en sortir. Et à l’époque on tournait la veste toutes les 5 minutes. À la fin on ne l’enfilait même plus et c’est à cette époque que Patrick Sébastien a modifié se célèbre chanson « tourner les serviettes » en « tourner les vestons ».

La non disparition de l’Italie durant la nuit de mardi a mercredi aura donc généré le rebond d’hier, mais pas que. L’autre sujet du jour aura été le pétrole.

Souvenez-vous, il y a quelques jours on s’autorisait à penser dans les milieux autorisés que les pays producteurs de pétrole allaient augmenter la production journalière histoire de maintenir les prix bas. Mais depuis tout a changé, puisque l’on s’autorise à penser dans les milieux autorisés que les pays producteurs de pétrole pourraient NE PAS AUGMENTER la production de pétrole journalière pour NE PAS MAINTENIR les prix bas.

Du coup, après une longue analyse de la problématique qui nous a pris nettement moins de temps que met Usain Bolt pour courir 50 mètres quand il est lancé, le baril est remonté – pas encore à 72, soit, mais le baril est remonté à près de 68$ et les sociétés du secteur ont pris la même direction. Le pétrole est donc « trop cool » à nouveau et nous devrions avoir des présentations organisées dans tous les hôtels de Genève dès la semaine prochaine pour nous expliquer POURQUOI c’est ÉVIDENT que le baril va à 100$ et si nous ne suivons pas le mouvement, nous, pauvres mortels, c’est que nous sommes complètement idiots, contrairement à ces « dieux » de la finance qui selon leur CV, ont dédié 100% de leur temps à « analyser le pétrole » et les 100% autres pourcent à en parler sur les réseaux sociaux…

Bref, à la fin l’Italie reprenait 2%, les USA récupéraient un peu du terrain perdu la veille, surtout dans le secteur pétrolier, le DAX remontait de près de 1% et le CAC terminait en baisse parce que Vivendi a perdu les droits du foot français et ils ne pourront plus diffuser les matchs de la Ligue 1 en France, puisque c’est les Chinois qui les ont récupérés.

Je dois dire que je ne comprends pas pourquoi ça baisse, c’est plutôt une bonne nouvelle, parce que franchement, qui voudrait payer pour voir Guingamp-Amiens ou Rennes-Dijon ? ça ressemble plus à des courses de vélo que des matchs de foot. Je me moque, mais ce n’est pas qu’il y a de quoi la ramener avec nos derbys romands de challenge League entre Servette et Lausanne. Dire qu’on va être encore obligé de sortir ces histoires de « village de pêcheurs » et de lac de Genève !!!

Bref, hier ça rebondissait partout. Sauf en France, parce qu’ils ont perdu les droits et que personne ne sait où est François Pignon pour les récupérer.

Ce matin le suspense est à son comble puisque toute l’Asie est en hausse soulagée qu’elle est par le fait qu’il y a de l’espoir en Italie. Pour le moment. L’or est à 1306$ et on sent qu’il s’emballe. Le pétrole est à 68.09$ et il suffit d’en acheter pour se garantir un profit facile de 31 dollars et 91 cents d’ici la fin de l’année. Enfin, il paraît, je l’ai lu sur Facebook. C’est que ça doit être vrai, reste plus qu’à que ça corroboré sur Twitter et Instagram et c’est un « coup sûr » !!!

Le Bitcoin est à 7340$. Ça fait deux jours qu’il tente le rebond, mais ça ne se voit même pas sur le graphique. Ça reste volatile, mais l’Euro/Dollar l’est presque autant.

Dans les nouvelles du jours, mis à part les analyses poussées sur l’avenir de l’Italie que l’on trouve dans chaque journal, dans le FT c’est d’ailleurs Varoufakis, ancien Ministre Grec qui explique aux Italiens ce qu’il faut ou ne faut pas faire, il n’y a pas grand-chose d’autre à dire. On apprend en revanche que les nouvelles réglementations financières américaines vont « alléger la Volcker Rule et permettre ainsi aux banques de faire des opérations de market making pour leurs clients. En gros, ils vont pouvoir leur faire payer le « spread » en plus des frais de bourse.

Tout ce que la Volcker Rule était supposée éviter en son temps – on est en train de le rendre aux banques. Je ne serais même pas étonné que dans 6 mois, on rouvre les « nostros » dans les banques et qu’ensuite on fasse de la titrisation sur les dettes hypothécaires, le marché est vachement remonté, ça pourrait être trop génial de faire du fric à tous les coups et de vendre des produits structurés géniaux à nos clients et aux fonds de pension…

Autrement, on ne parle plus du sommet de Singapour, on ne parle plus de la guerre économique Sino-Américaine, on ne parle plus de Bolton et de l’Iran, on n’a même pas parlé de Trump. En revanche on parle de Mélania Trump qui a disparu et du fait que Kim Kardashian a été reçu par le Président à la Maison Blanche pour parler des prisons. Deux stars de la télé-réalité dans le bureau ovale de la Maison Blanche.

God Bless America.

Pour ce qui est du reste, les futures ne font rien et on attend le GDP en Suisse, le CPI en France et en Europe, puis le Chicago PMI et les Inventaires Pétroliers aux USA, en attendant les chiffres de l’emploi demain. À ce propos, on notera aussi que, selon les données du Beige Book d’hier, nous devrions avoir une nouvelle hausse des taux en juin et que l’économie va bien. Même très bien. En tous cas aux USA, parce que le Beige Book ne monitore par ce qui se passe en Italie, qui reste quand même le centre du monde de la planète finance. Pour le moment.

Je vous souhaite une belle journée pluvieuse et orageuse pour conclure ce mois de mai pourri et à voir comment juin commence, ça ne sera pas mieux. Mais bon jeudi quand même. On se retrouve demain pour parler cuisine italienne ou politique italienne, ça dépend.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Une fois que le bateau a coulé, tout le monde sait comment on aurait pu le sauver.”
Proverbe Italien