L’esprit humain est formidable. Notre capacité à « passer à autre chose » en l’espace d’un éclair ne cessera à jamais de me fasciner.

L’Audio du 7 juin

Alors qu’il y a quelques jours nous étions pétris d’angoisses à l’idée que l’Italie pourrait sortir de l’Europe, que Trump pourrait ou ne pourrait pas aller à Singapour ou encore que la « guerre économique » pourrait éventuellement peut-être freiner l’économie, sans parler des 3% de rendement sur le 10 ans US, voici que le marché américain ne sait plus quoi inventer comme excuse pour acheter le marché et l’envoyer battre des records.

Alors que depuis trois jours c’est le Nasdaq et ses valeurs technologiques qui tiraient le marché vers les cieux, voici que les autres indices s’y mettent également. Oh, ce n’est pas qu’il y a des « rotations sectorielles », non, ne vous méprenez pas : TOUT MONTE !

Sauf que ce qui ne montait pas hier monte AUSSI aujourd’hui.

En ce mercredi du mois de juin, le Nasdaq a rebattu des records historiques, mais Apple aussi, tout comme Microsoft, Amazon, Netflix, Nvidia, Intel et j’en passe et des meilleurs… MAIS EN PLUS le secteur financier était en folie parce qu’après la « fin toute relative » de la crise italienne, les intervenants ont soudainement switché de «risque sur la dette italienne » à « les financières montent quand nous sommes dans un environnement de hausse des taux ».

D’ailleurs je vous demanderai expressément de ne pas rire, mais j’ai quand même réussi à trouver un article qui disait que les intervenants « achetaient des financières alors que le rendement du 10 ans approchait des 3%, parce qu’un environnement de taux en hausse favorise le business model des banques »…

C’est formidable.

Il n’y a pas d’autres mots.

Début février nous sommes en mode panique PARCE QUE le 10 ans pourrait éventuellement peut être franchir les 3% de rendement et 4 mois plus tard, on achète les financières PARCE QUE le 10 ans pourrait éventuellement peut être franchir les 3% de rendement et que c’est encourageant pour le secteur financier…

En résumé, la tech s’envole, le S&P500, le Dow Jones et les financières sont en mode « merde j’ai raté le train je dois courir pour le rattraper » et à la fin, on ne parle même plus de la montagne d’emmerdes géopolitiques qui nous empêchait de respirer durant tout le mois de mai.

Et à voir les graphiques, ça ressemble plus à une phase d’emballement euphorique qu’autre chose, mais on ne va pas bouder notre bonheur de voir Apple s’approcher chaque jour un peu plus de la barre mythique des 1 trillion de dollars de capitalisation. Ça nous donnera au moins un truc à commenter tout l’été en attendant la présentation de l’iPhone 11 qui sera sûrement, lui aussi, une révolution.

En Europe, l’Euro/Dollar remonte. C’est moins drôle pour la thématique des exportations en Allemagne, on connaît l’histoire. En plus l’Italie continue de peser sur les esprits et même si le gouvernement a été validé, les intervenants ne peuvent pas s’empêcher de penser qu’il y a quand même un truc tout pourri qui va nous péter à la figure à Rome, sachant que les chiens et les chats ont toujours eu de la peine à collaborer entre eux. Même si c’est des chiens extrémistes et des chats tout autant extrémistes.

Néanmoins, les indices locaux terminaient inchangés et ne montraient pas non plus des signes de panique, c’est juste moins enthousiasmant que ce que montrent les indices américains. La thématique des financières est aussi présente mais de manière moins proéminente et puis l’on parle surtout de la fin du QE en Europe qui s’approche à grands pas. Les experts s’attendent à un meeting fort intéressant le 14 juin.

Quelques personnages importants de la BCE ont lâché quelques paroles bien senties, pleine de bon sens et de langue de bois qui fait que l’on pense sérieusement que le QE a vécu et que dès le 15 juin, le rachat d’obligations d’état ne sera plus pareil. Ce qui va faire moyennement rigoler l’Italie, mais ça c’est juste pour dire du mal.

Tout ça pour dire que pendant que les USA dansent tout nus sur la table célébrant leur économie florissante et des perspectives fantastiques dans le secteur de la technologie ET trouvant les financières soudainement super-sexy parce que le 10 ans frise les 3% et que dans deux semaines la FED montera les taux d’un nouveau quart, les Européens sont dans une phase de transition entre méfiance sur l’Italie et joie angoissée de voir le QE se terminer, puisque d’un côté ça veut dire que l’économie va bien et qu’on a donc plus besoin des rachats de la BCE, mais en même temps, ça veut aussi dire que l’on nous lâche tout seul dans le grand bain et qu’on n’est pas sûr de savoir comment faire.

Pour ce qui est du reste ; le pétrole s’effrite toujours lentement mais tente de rester au-dessus des 65$. À lire certains experts, le scénario de coup sûr et de certitude sur le baril et les titres qui vont avec n’est pas remis en question. La tendance haussière n’est pas cassée et tout va bien, toujours selon les mêmes experts. Coup sûr un jour, coup sûr toujours.

L’or ne fait rien et les Crypto’s étaient sous pression hier parce qu’une société qui fait de la « recherche » sur la thématique a revu son objectif sur le Bitcoin de 15’000 à 12’500, dans le doute le Bitcoin a perdu 300$. Ce matin il a presque tout repris et se traite autour de 7’700$.

Dans les titres individuels, il faudra tout de même retenir la journée spectaculaire de Tesla. Alors que mardi soir Musk annonçait qu’il était plus que probable que dès la fin du mois de juin, ses usines pourraient produire 5’000 Model 3 par semaine, tout le monde s’est rué sur le titre qui a pris 10% sur la journée.

Etant donné le nombre de personnes qui sont « shorts » sur Tesla, pas besoin de chercher plus loin pour expliquer la hausse violente. Ceci dit, il est tout de même phénoménal de voir le nombre de hausses sur Tesla qui n’ont été déclenchées que par des effets de manches et pas par du fondamental. Fondamentalement Tesla brûle plus de cash que vous de bois quand vous faites un feu en hiver et que même si « la production répond aux attentes », ce n’est pas encore demain que Tesla aura des problèmes pour gérer ses excédents de cash.

Musk a également annoncé qu’il veut implanter une douzaine d’usine dans le monde, dont une en Chine. On suppose donc que la voiture électrique, c’est l’avenir… Reste à voir comment on les chargera et avec quelle énergie.. On va faire quoi ? Relancer la création de centrales nucléaires pour « plugger » nos Tesla ou créer des centrales à charbon pour faire fonctionner nos super-chargeurs ???

En tous les cas, on reconnaîtra une chose, Musk est une formidable machine de marketing. Machine qui ne sait pas toujours parler au monde merveilleux de la finance, mais qui sait comment faire paniquer « les shorts ». On estime que rien qu’hier les « shorts » ont perdu 1 milliard sur Tesla.

Ce matin l’Asie est en hausse. Partout. Le Nikkei monte de 0.8%, le Hang Seng de 0.5% et la Chine de 0.06%, de la folie en Chine. On dirait que le marché a les pieds dans le béton depuis des mois. Comme si tout était anesthésié.

Dans les nouvelles du jour, c’est assez maigre. On a les Européens qui se préparent à riposter aux taxes douanières américaines, on a Mnuchin qui encourage Trump a revoir ses taxes vis à vis du Canada. Si Mnuchin commence à dire à Trump ce qu’il faut faire, on peut supposer que le poste de Secrétaire du Trésor sera bientôt vacant. La bonne nouvelle pour Mnuchin, c’est qu’il n’est pas en Corée du Nord, sinon sa démission se serait faite au lance-roquettes.

Pendant ce temps, le gouverneur de la banque centrale malaysienne démissionne et ça ne devrait pas se remarquer sur le graphique du S&P500. L’Inde a monté les taux pour la première fois depuis 2014. Ils justifient leur décision à cause des pressions inflationnistes latentes mâtinées de crise financière mondiale et de hausse des prix du pétrole.

Autrement, dans les brèves, le nouveau fonds macro d’Alan Howard a gagné 37% au mois de mai en profitant de la volatilité sur les dettes européennes et sur les marchés émergents. Un come-back spectaculaire. Le Crédit Suisse va payer encore une fois 47 millions pour clore une enquête de la SEC sur ses pratiques d’engagements en Chine. Pour être franc, on se fout totalement du pourquoi du comment ils sont condamnés à payer, ça devient presque mensuel et plus personne n’écoute à la fin.

Daimler vient de présenter un camion électrique comme celui de Tesla et personne ne m’a encore expliqué comment ils vont faire avec le nombre de batteries qu’il faudra et le poids que ça va représenter… mais bon, ça fait des coups de pub fantastiques. Le camion de Daimler sera en production en 2021 et c’est des marmottes qui devraient s’occuper de gérer la chaîne de production, celles qui ne travaillent plus pour Milka.

Et puis Warren Buffet et Jamie Dimon sont en train de monter aux barricades pour tenter de faire changer une habitude qu’ils estiment contre-productive : la communication de prévisions pour le trimestre suivant par les sociétés. Les deux stars de la finance voudrait que les CEO’s arrêtent de penser court terme en donnant des prévisions pour les trois prochains mois alors que leur job est de se concentrer sur les 3 prochaines années. Tout à fait dans la philosophie de Warren Buffet mais totalement à l’inverse de ce que veut ou de ce que vend le marché avec l’information immédiate, le high frequency trading et le fait que tout le monde veuille tout et tout de suite de préférence.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.10% et on dirait que ça veut continuer à aller toujours plus haut. Côté chiffres économiques, nous aurons le chômage en Suisse, les Factory Orders en Allemagne et le GDP en Europe et puis aux USA, il y aura les Jobless Claims.

Voilà, tout semble aller un peu trop bien dans le meilleur des monde, surtout après les tensions palpables du mois de mai, mais quoi qu’il en soit, on dirait que la hausse appelle la hausse et si en plus le fait que le 10 ans US passe au-dessus des 3% devient une justification d’achat, on va se dire que ça confirme ce que je pensais : le marché a une mémoire de poisson rouge et peut tourner la veste plus rapidement que Lucky Luke tire plus vite que son ombre. Pour ceux qui ne savent pas qui est Lucky Luke. C’est que je suis définitivement trop vieux…

Excellente journée à tous et à demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« On vit plus dans la vie qu’on n’a pas que dans la vie qu’on a »

Jules Barbey d’Aurevilly