Quand j’ai commencé à rédiger cette même chronique hier matin à la même heure et au même endroit, tout allait bien. En 24 heures nous avons réussi un tour de magie que seuls les marchés sont capables de faire : tourner la veste en moins de temps qu’il ne faut pour dire « tourner la veste ».

L’Audio du 31 août

Tout d’abord l’Europe.

L’Europe a directement entamé la journée dans le rouge parce soudainement quelqu’un est devenu « sceptique » sur les discussions concernant les négociations sur le BREXIT et le « sceptique » en question a contaminé tout le monde.

Souvenez-vous, il y a un peu plus de 24 heures – oui, je sais, 24 heures en arrière c’est pratiquement la préhistoire pour les bourses mondiales – toujours est-il qu’il y a un peu plus de 24 heures Barnier, qui s’occupe des négociations entre l’Europe et l’Angleterre concernant le BREXIT avait annoncé qu’ils s’apprêtaient à faire une offre sans précédent à l’Union Jack.

Ce qui avait justifié la hausse de la Livre et la hausse des marchés – pas du Footsie Britannique parce quand la Livre monte, c’est pas bon pour les exportatrices (m’a-t-on dit). Du coup, comme il y avait un vent de scepticisme sur ce projet, les marchés européens baissaient. La Livre, pas vraiment, mais la bourse londonienne, oui. Ce qui n’est pas forcément simple à comprendre, parce qu’avant-hier ça baissait pour les raisons inverses… donc logiquement… Ah oui, mais non, j’oubliais que la logique et la bourse ne font pas toujours bon ménage.

Il est vrai qu’il n’y avait pas QUE le sujet du BREXIT qui nous occupait hier. Il y avait aussi l’inquiétude du budget italien qui pourrait nous mener à une nouvelle crise politique en Italie – ce qui est surtout surprenant, c’est que cela fait près de trois mois qu’il n’y a pas eu de crise politique en Italie. La normalité c’est l’Italie en crise politique, pas l’inverse.

Mais bon, scepticisme sur le BREXIT, relents de poissons pas frais en Italie et pour couronner le tout, Trump s’est lâché dans une interview qu’il a donné à Bloomberg. Interview dans laquelle il disait que dans le contexte de guerre économique, les tarifs négociés avec l’Europe ne sont pas suffisants et que l’Europe est aussi mauvaise que la Chine mais en plus petit…

Bref, le DAX, le CAC, le MIB, le Footsie et les autres terminaient dans le rouge.

Dans les titres individuels, on retiendra qu’AirFrance-KLM s’est pris 7% dans les dents pour des sombres histoires de syndicats. En effet, L’intersyndicale d’Air France déclarait qu’après près de quatre mois sans grève, ils trouvaient scandaleux qu’ils n’aient pas trouvé de solutions sur les salaires et promettaient un durcissement du conflit. C’est vrai que 4 mois sans faire la grève, ça mérite au moins la légion d’honneur. Mais en même temps, ne pas faire la grève en septembre et en France, ça doit anti-constitutionnel sans doute.

Aux USA, le marché qui montait depuis 4 jours a changé de direction brutalement et le Dow Jones termine sous les 26’000 alors que le S&P500 tenait péniblement les 2900 points.

La raison de la baisse est à chercher encore une fois au même endroit que d’habitude : la Maison Blanche.

Jamais dans l’histoire de la finance mondiale, le Président Américain n’aura autant été au centre des préoccupations de Wall Street. Dire qu’il y a près de trois ans en arrière, on oubliait parfois le nom du Président ou on s’en souvenait seulement quand il était invité chez Oprah.Voici que maintenant on ne peut plus prendre une décision d’investissement sans mettre Trump au centre de la réflexion. Je n’ose même pas imaginer ce que ça va donner quand ça sera la grosse Kardashian qui sera Présidente.

Donc. Hier le Président est passé sur Bloomberg et il s’est lâché. L’avantage c’est que quand il ne communique que sur Twitter, il ne peut dire qu’une seule connerie à la fois. Alors que quand il est invité à la télé, il a largement le temps de se diversifier et de se lâcher sur à peu près tout.

Il s’en donc pris aux Chinois – pour les histoire de tarifs douaniers, laissant entendre que dès la semaine prochaine il allait en remettre une couche et que l’on n’était pas encore en mode « on est tous des frères ». Le marché qui pensait qu’on roulait tranquillement vers un accord à la Yalta, a soudainement fait une crise d’angoisse.

Il s’en est aussi pris aux Européens. Comme je le disais plus haut, ils sont aussi méchants que les Chinois, sauf qu’ils ne mangent pas pareil. Mais du coup, il menace de rejeter l’offre des Européens et son MEILLEUR AMI Juncker, de faire sauter les taxes douanières sur les voitures…

En gros, il s’en est pris à tout ceux qui ne sont pas d’accord avec lui – et ça fait du monde.

Puis il s’en est pris à l’OMC, menaçant de se retirer de cette dernière. Clin d’œil à Stormy Daniels, on ne sait pas. Toujours est-il que si l’OMC ne se bouge pas en faveur des USA, il n’y aura plus d’USA dedans.

Il veut aussi lier les taxes sur les gains en capitaux à l’inflation et pour terminer, il s’en est également pris à la FED, lui reprochant de ne pas l’aider suffisamment dans son combat contre les forces du mal.

Il est clair qu’avec autant de douces déclarations qui ne veulent rien dire fondamentalement et qui sont extrêmement difficile à « valoriser » en tant qu’impact sur le marché, dans le doute et comme on est très haut et qu’un jour ça va bien finir par baisser, on a tout vendu.

La baisse aura été tout de même relativemetn contenue, parce qu’avec le temps on a commencé :

1) à comprendre qu’il brasse beaucoup d’air pour pas grand-chose
2) à comprendre qu’il bluffe souvent
3) à comprendre que depuis qu’il a mis en place des tarifs douaniers sur la Chine, le marché n’a jamais été aussi fort
4) à comprendre qu’il ne comprend pas forcément lui-même ce qu’il dit
5) à comprendre que si ça se trouve demain il dira le contraire

Bref, New York était en baisse.

Dans les titres individuels, on retiendra que Sales Force baissait de 1.7% après avoir annoncé que le prochain trimestre ne serait pas facile. Apple faisait la une de pas mal de médias parce que le prochain iPhone devrait s’appeler le XS et qu’il sortira en doré aussi. Que Warren Buffet a ENCORE acheté 12 millions de titres Apple en plus et qu’il pense que ça serait une grosse connerie d’acheter Tesla pour Apple, mais qu’il respectera les décisions de Tim Cook.

Les titres liés à la Marijuana se faisaient défoncer hier. Il faut dire que les gars de Citron Research – spécialisés dans les shorts – sont en train de taper dessus comme des fous, estimant que le secteur est aussi fiable et stable que le Bitcoin – ce qui n’est pas peu dire. D’ailleurs le Bitcoin repassait sous les 7’000$ alors qu’un « expert » estimait que les Shorts étaient toujours aux commandes.

Electronic Arts perdait 9% après avoir décalé la sortie de Battlefield V et fait des commentaire prudents sur l’avenir. Ciena prenait 12% suite à des chiffres canons et Dollar Tree perdait 15% après qu’une banque ait baissé son objectif de 5%. Heureusement que ce n’était pas de 20%.

L’or est à 1209$ et le pétrole continue de monter gentiment mais sûrement bien que l’on en parle très peu et qu’hier Trump a oublié d’en parler dans son interview. Le baril vaut 70.29$.

Pour les nouvelles du jour, on revient pas mal sur ce qui a été cité plus haut, évidemment, mais on parle aussi du Peso argentin qui se fait défoncer et de la Livre Turque qui fait pareil. En gros, vaut mieux être investit en Apple avec Warren Buffet qu’en obligations sur les marchés émergents avec la même visibilité que dans les rues de Londres au mois de novembre.

Le Barron’s parle de la faiblesse des marchés d’hier en disant que les intervenants commencent à trouver que « trop de bonnes nouvelles, ça fait mauvais genre »… Il est vrai que la bourse c’est quand même vachement plus drôle quand ça se pète la figure tous les jours, surtout depuis le temps que l’on attend le krach annoncé.

Le PMI Manufacturier Chinois est sorti meilleur que les attentes ce matin, mais l’ensemble des marchés asiatiques sont dans le rouge et une douzaine de banquiers qui bossaient pour Wells Fargo se sont fait virer pour avoir – tenez vous bien – falsifié les additions lors de leurs repas d’affaires. Tout fout le camp, avant dans la banque il y avait des gars malhonnêtes qui montaient des grosses escroqueries, qui touchaient des kick backs illégaux, qui bossaient avec Madoff voir qui faisaient COMME Madoff, mais maintenant les Compliance Officers sont tellement forts qu’ils en sont réduits à magouiller les additions des restos et de se faire virer quand même pour voir rajouté une San Pellegrino et un verre de Chardonnay dessus…

Côté chiffres économiques, nous aurons le CPI en France, en Italie et en Europe. Il y aura aussi les Retails Sales en Allemagne et l’emploi en Europe. Le Chicago PMI et la confiance du consommateur version Michigan.

Pour le moment les futures ne font rien et Trump n’a pas tweeté depuis 20 minutes.

Pour les choses importantes, nous sommes vendredi et ce soir c’est le week-end. On va donc laisser « poser » les choses et on verra lundi prochain si le krach c’est pour tout de suite ou si on attend encore un peu, mais rassurez-vous, avec le nombre de personnes qui passent leur temps à le chercher, on va le voir venir de loin et on sera sûrement prévenu par lettre recommandée.

Excellent week-end à tous et à lundi. Peut-être.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Et puis un jour on s’en fout et ça fait du bien »
― Anonyme