Le marché est malade depuis quelques jours, mais que l’on se rassure, nous avons plein de médecins visionnaires qui sont là pour nous traiter au conditionnel.

L’Audio du 16 octobre 2018

Après le bain de sang de la semaine dernière, nous avons heureusement eu le week-end pour prendre le temps de réfléchir. Ça aura au moins permis de baisser moins vite. Mais rien n’est réglé, puisque dorénavant, nous sommes dans l’analyse et l’explication des choses. Explication qui peut parfois mettre en doute nos capacités mentales, à moins que ce soit moi qui soit complètement idiot – ce que l’on ne pas non plus exclure.

L’eau est encore froide en Europe

Tout d’abord, avant d’aller plus loin dans cette chronique, je voudrais déjà revenir sur ce qui s’est passé hier. Ça va être vite fait tant il ne s’est pas passé grand-chose.

En Europe, l’Allemagne rebondissait enfin un peu bien aidé par les voitures qui avaient largement cotisés ces derniers temps. L’Italie n’a pas baissé. Pour être franc, elle a même terminé en hausse, mais comme on parle de 0.16% après 20% de baisse et une montagne d’emmerdes à venir à cause du budget, on peut déjà se dire que 0.16% ou « ne pas baisser », c’est carrément une victoire. La France terminait légèrement en baisse et la Suisse était presque dans le coma.

La justification de la hausse de l’Europe ou devrait-on dire de « la non-baisse » est principalement due au fait que vendredi les Américains ont terminé en hausse et qu’il fallait tenter de coller au wagon sans pour autant prendre trop de risques, puisque l’on ne savaient pas trop ce qu’ils allaient faire en ce lundi. Poursuite du rebond ou reprise de la baisse, panique à cause des tensions avec l’Arabie Saoudite ou gros rien à foutre parce que les préoccupations étaient ailleurs.

Tout cru, patate crue !

À la fin les USA ont terminé en baisse, mais pas forcément à cause des ce que l’on croyait en début de journée. Au début de la journée on était persuadé que Trump allait se fâcher avec l’Arabie, lancer un embargo pétrolier comme en 73-74 et envoyer les Marines –même si ce scénario était plus hollywoodiens, il y a en a quand même qui y ont cru, le temps d’acheter quelques futures sur le pétrole juste au cas où.

Et puis à la fin, Trump a tempéré ses dires et les Saoudiens se sont montrés étonnement compréhensifs, surtout après que Trump ait laissé entendre que les assassins du journaliste disparu seraient plutôt « des forces séparatistes incontrôlées » mais que ce n’est SÛREMENT PAS de la faute de la famille royale qui est connue pour son humanité, sa grandeur d’âme et son immense tolérance envers l’être humain en général.

On ne sait pas ce qu’ils fument, mais c’est de la bonne

Ils ont donc très rapidement compris qu’il valait mieux ne pas EN PLUS se mettre une crise pétrolière sur le dos – surtout pour un seul journaliste, qui plus est que l’on ne connaissait même pas il y a encore trois semaines – sans compter qu’une crise pétrolière qui pourrait faire monter le baril à 100$ au moins n’arrangerait que moyennement Trump qui a des élections de mi-mandat à gagner (il y a même un expert qui s’est lâché avec un 400$ probable – NE PAS RIRE, NE PAS RIRE…)…

Une fois que la « crise pétrolière » fût presque désamorcée et que l’ange du journaliste égorgé ait survolé la Maison Blanche, les marchés ont pu se reconcentrer sur le fait que la saison des résultats arrivait et qu’éventuellement peut-être ça pourrait bien être tout pourri. C’est alors que l’on a commencé à crouler sous les nouvelles qui montraient immédiatement la conviction de tout un chacun dans ce monde merveilleux qu’est la haute finance mondiale.

Les marchés ont terminé en baisse, surtout la tech, parce que l’on s’attend au pire lors des trimestrielles. Mais il faut tout de même retenir ces quelques belles phrases que l’on peut trouver sur le web depuis 24 heures… phrases qui montrent clairement que l’on ne sait absolument pas où l’on va mais que l’on ressent quand même le besoin de s’exprimer, quitte à dire n’importe quoi.

Florilège boursier du jour

Phrase du jour numéro un :

« Cette correction de marché pourrait PROBABLEMENT aller encore plus bas »

Notez l’utilisation du conditionnel « pourrait » – c’est pas sûr – mais elle pourrait, sans oublier l’ajout talentueux du « PROBABLEMENT » qui souligne encore l’incertitude.

Phrase du jour numéro deux :

« L’augmentation des tensions entre les USA et l’Arabie Saoudite, suite à la disparition du journaliste déclenche des spéculations sur un baril qui pourrait possiblement monter jusqu’à 100$, voir même dans une extension qui pourrait peut-être même nous mener à 400$ »

Là encore, notez l’utilisation du « pourrait » – signalons que le conditionnel du verbe pouvoir est la tournure de phrase la plus utilisée en finance – mais en plus du « pourrait » on y ajoute deux objectifs tirés au hasard dans un chapeau : les 100$ et pour marquer le coup, on rajoute « peut-être même nous mener à 400$… Alors pourquoi 400$ et pourquoi pas 3950$, personne n’en sait rien, mais visiblement il y a deux ou trois personnes qui se sont lancé dans le challenge de celui qui dira le plus de conneries dans la même phrase.

Phrase du jour numéro trois :

« Les gens sont concentrés sur le « sell in May and go away », mais oublient trop souvent le « buy in October and stay », il y a des opportunités d’achat, mais si le marché continue de baisser, on pourrait renter dans un Bear Market »

Alors là, on est sur du lourd… D’abord le type il montre que LUI, il sait. Que lui c’est un vrai mec avec des couilles et tout et tout. Sauf qu’à la fin, il dit quand même que si ça ne fait pas ce qu’il dit, ça pourrait faire autre chose (utilisation du conditionnel encore) et que si ça baisse, il nous aura prévenu…

Je pourrais encore continuer longtemps, mais comme disait l’autre : « quand on en sait aussi peu sur quelque chose, on a quand même meilleur temps de fermer sa gueule »…

On ferme !

Je vais donc fermer la mienne jusqu’à demain et vous souhaiter une très belle journée, non sans vous prévenir que ce matin les futures sont en hausse de 0.4% laissant supposer que la crise Saoudienne est terminée et que le journaliste est définitivement mort et enterré, le Japon et Hong Kong sont en hausse, la Chine baisse, comme presque tous les jours, mais ce matin de trois fois rien.

Le co-fondateur de Microsoft, Bill Allen est mort à l’âge de 65 ans hier, le BREXIT c’est pas pour demain et Merkel reconnaît que ses électeurs ont perdu la confiance. Sans blague. Comme à peu près tous les électeurs qui croyaient encore à l’Europe et ce dans toute l’Europe d’ailleurs.

Et puis autrement nous aurons le ZEW en Allemagne et en Europe, puis le Trade Balance en Europe et les JOLTS aux USA. Côté chiffrse du trimestre nous aurons BlackRock, Goldman Sachs, IBM, Johnson & Johnson, Lam Research, Morgan Stanley et surtout NetFlix qui sera le premier des FAANG’s a publier… On craint d’ailleurs pour eux, puisque le niveau de « short interest » n’a jamais été aussi haut sur NetFlix.

Voilà. C’est tout pour aujourd’hui… Je crois que l’on est à un tel niveau de compétences en ce qui concerne les prévisions et autres visions boursières, qui n’est nul besoin d’en rajouter plus. Les experts en conditionnel et en probabilités probables sont beaucoup trop forts pour que l’on perde encore du temps à analyser la chose.

Passez une belle journée et on se revoit demain, si le marché existe encore, ce qui pourrait éventuellement peut-être être une probabilité à ne pas négliger. Eventuellement.

Mais c’est pas sûr. Enfin, pas complètement.

Thomas Veillet
Investir.ch

“I have no need for Google, I have teenagers that know it all ».

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