Les marchés boursiers ce lundi, après la semaine qui vient de s’écouler, c’est comme retourner se baigner après un s’être fait les trois premiers « dents de la mer » en DVD. On se demande vraiment si c’est prudent de retourner dans l’eau.

L’Audio du 15 octobre 2018

Après le bain de sang de mardi, mercredi et jeudi, les marchés sont parvenus à stopper l’hémorragie tel George Clooney dans Urgence, quand il ne buvait pas encore de café. Les Américains nous ont même fait une clôture qui donnait l’impression aux Européens d’avoir encore une fois raté leur rebond. Un peu comme d’habitude, puisque depuis des années, les marchés du vieux-continent sont incapables d’aller aux toilettes ou se brosser les dents sans demander l’autorisation au « grand-frère » made in USA.

Et comme nous avons toujours ce foutu décalage horaire et qu’à priori, à moins que l’on change 6 fois d’heures durant l’année, nous ne parviendrons jamais à se caler sur eux ou eux sur nous, il faut faire avec. Je dois dire que je comprend nettement le trader européen qui n’a pas le courage de rentrer à la maison le vendredi soir en étant investit jusqu’aux oreilles. Surtout en faisant confiance aux marché US et en espérant que Trump ne glisse pas sur son téléphone en tapant par inadvertance « fucking Chinese » à la place de « famous Chinese »… On ne sait jamais.

Ce matin nous nous retrouvons donc tous dans cette situation qui nous pousse à nous poser la question ultime : « est-ce que l’on peut retourner dans le marché ??? » – analogie au requin et à la plage, bien évidemment.

Should I stay or should I go ? Mais si je « go », pourquoi ?

La raison de la baisse de la semaine dernière, nous la connaissons tous. C’est un subtile mélange entre des taux qui montent (et qui sont trop hauts pour certains) et des inquiétudes pour une guerre économique qui pourrait éventuellement peut-être dégénérer ou qui a DÉJÀ dégénéré selon certains médias – sans compter les italiens qui foutent le bordel en Europe avec leur budget hors-catégorie, non-validé et non-validable par Bruxelles.

Il faut aussi reconnaître qu’en faisant notre analyse, on se rend bien compte que l’on était au courant de tout cela depuis au moins trois semaines, mais qu’il nous a quand même fallu du temps pour l’admettre, le comprendre et surtout le faire « processer » au travers de nos neurones fatigués par tant de mois de hausse…

Nous voici donc devant le dilemme permanent et obsessionnel de l’investisseur moyen ; devons-nous profiter de l’opportunité de racheter ce que nous rêvions d’acheter quand c’était plus cher il y a trois semaines, ou devons juste prendre nos jambes à notre cou et partir avant que ce qui nous reste dans nos portefeuilles soit encore moins cher que ce matin…ou que vendredi soir.

Après le pasteur en Turquie, nous avons le journaliste en Arabie Saoudite

Difficile de donner une réponse à cette question, surtout que la réponse officielle, nous l’aurons « plus tard », parce que comme tout le monde le sait : « nous sommes toujours plus intelligents APRÈS »…

Toujours est-il que ce matin, à l’heure où je vous parle, nous avons un nouveau souci qui vient de nous tomber sur le coin de la figure.

Non seulement aucun des autres problèmes n’est réglé, mais en plus, voici que Trump a tweeté un tweet agressif vis à vis du Royaume d’Arabie Saoudite… Un tweet menaçant au sujet du journaliste Jamal Kashoggi, disparu dans l’ambassade Saoudienne d’Ankara. Trump a estimé que « si » la responsabilité incombait à l’Arabie Saoudite et au prince MBS en particulier, le châtiment réservé serait « sévère ».

Inutile de dire Riyad n’a que moyennement goûté les menaces du Président. Du coup le pétrole monte et les marchés asiatiques sont à nouveau dans le pâté. Il faut dire que nous sommes dans une situation d’équilibre telle, que tout peut arriver. Il paraît incroyable que les bourses mondiales s’effondrent à cause de la disparition d’un journaliste – surtout que je suis certain que Trump adorerait en mettre une demi-douzaine dans l’Hudson River avec les pieds dans le béton (de journalistes) – mais en attendant, les marchés et le monde merveilleusement analytique de la finance cherchent à peu près n’importe quelle excuse pour continuer à tout vendre.

Le Japon recule de 1.45%, Hong Kong de 1% et la Chine de 0.8%. L’indice Saoudien a perdu 7% pour marquer le coup et le pétrole remonte de 1.2% à 72.12$. Pendant ce temps, l’or et sa fonction de refuge est à 1225 dollars en route pour les 4’000$ annoncé il y a plus de 5 ans. Tout vient à point à qui sait attendre.

Dans les nouvelles du jour il y a à boire et à manger. Tout d’abord on se demande si le rebond de vendredi aux USA est pérenne. Si l’on en croit les journaux, la réponse est : NON… Il y a encore du sang qui va couler sur les murs et dans les salles de trading, les raisons sont multiples et variées, l’affaire Kashoggi en est une – avec Dimon qui refuse d’aller à une conférence organisée par l’Arabie Saoudite, tout comme Ford, mais aussi Merkel qui vient de se faire allumer en Bavière avec un échec électoral cuisant, le BREXIT qui semble à nouveau avoir les pieds dans les sables mouvants et qui n’ose plus bouger, sans compter que Bridgewater, le fonds de Ray Dalio pense que la FED peut transformer la « belle économie américaine » en une « médiocre économie ».

On ne sait pas où on va, mais les prédicateurs de la fin du monde sont de sortie

Une chose est certaine, c’est que la débandade de la semaine dernière aura réveillé les plus négatifs d’entre nous. D’ailleurs la star des Bears, celui qui avait «vu » la déconfiture de 2008 (et qui est faux depuis) – Nouriel Roubini aura choisi vendredi dernier pour nous expliquer par A + B pourquoi nous sommes en train de construire la nouvelle crise financière qui va nous péter à la figure en 2020.

Il avait préparé un article qui prédisait la presque fin du monde et il l’a publié « complètement par hasard » à la fin d’une des pires semaines de l’année. Je ne sais pas si il est doué en économie, mais en marketing, cela ne fait aucun doute. Il est clair que dorénavant il a deux ans pour se faire inviter à un maximum de conférences (payantes) pour se faire sa pub, car s’il a tort dans 18 mois, plus personne ne voudra lui parler.

Bref, nous voici donc à l’aube d’une nouvelle semaine et à voir la tronche des marchés asiatiques, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge qui est au fond du trou qui lui-même est au fond des bois.

Et tout ceux qui veulent annoncer la fin du monde en profitent pour faire leur pub.

 

On attaque les chiffres du trimestre pour de vrai

Autre sujet qui va nous occuper, en plus de l’aspect humanitaire du gouvernement de Riyad, c’est la publication des chiffres du trimestre. Vendredi nous avons eu Citi, Wells Fargo et JP Morgan, globalement en ligne avec les attentes, mais ça n’a pas non plus mis le feu au secteur. Il est évident que dans l’environnement actuel, il va falloir faire un peu mieux que « matcher les attentes des analystes ». Les pulvériser et annoncer la découverte d’un médicament contre le cancer, la connerie et Alzheimer serait le bienvenu.

Ce lundi nous aurons encore Bank of America, Rio Tinto et Total, mais plus la semaine avancera, plus ça va se compliquer en terme de quantité et il va falloir analyser à la vitesse de la lumière, un peu comme quand on analyse les minutes du FOMC Meeting en trois dixièmes de seconde dès leur publication.

Côté chiffres économiques, nous aurons le PPI en Suisse, les Retail Sales aux USA, ainsi que le New York Empire State Manufacturing Index et demain matin, les chiffres du CPI et du PPI Chinois – histoire de voir si l’angoisse de la guerre économique pèse déjà sur la muraille de Chine.

Pour le moment, les futures sont déjà en baisse de 0.25% et à voir le rebond pathétique et inexistant offert par l’Europe vendredi dernier, ça risque d’être compliqué de rattraper les USA ce matin, surtout avec l’Arabie Saoudite qui risque d’être au centre de l’attention et de toutes les tensions.

En conclusion et pour faire simple, je ne sais pas si c’est très courageux de se jeter dans l’eau ce matin, surtout qu’il paraît qu’il y a des requins qui traînent par là autour. Je vous souhaite néanmoins un excellent début de semaine et on se retrouve demain pour voir si l’on survit dans l’eau glacée.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Sometimes I wonder whether the world is being run by smart people who are putting us on or by imbeciles who really mean it.”
― Laurence J. Peter,