Le monde merveilleux de la finance est définitivement un monde masculin, puisque depuis hier nous sommes incapables de faire deux choses à la fois et encore moins de penser à deux choses à la fois.

L’Audio du 7 mai 2019

Tout d’abord, je vous encourage à vous souvenir que les Américains, c’est les gentils et les Chinois, c’est les méchants. Si l’on ne comprends pas ce concept, ce n’est pas la peine d’aller plus loin dans vos velléités de faire de l’investissement de nos jours.

On commence à y voir plus clair

Une fois que l’on aura admis que l’Américain est TOUJOURS la victime d’un autre pays qui leur veut fondamentalement du mal, on peut commencer à réfléchir rationnellement. Non, parce que je vous jure qu’après avoir lu tout ce que j’ai lu sur le sketch lié au Trade Deal depuis 24 heures, je regrette foncièrement de ne pas lire et parler le chinois, parce que je crois que ça serait intéressant de voir ce qu’ils disent ou ce qu’ils pensent.

Si l’on se place du côté américain, les gens impliqués dans les négociations se sont un peu lâchés dans la presse, puisque Mnuchin et Lightizer ont laissé entendre que ce week-end les « méchants » Chinois étaient revenus en arrière sur des points de détails qui avaient déjà été abordés dans le passé. D’où le courroux du leader maximo américain qui s’est énervé sur Twitter.

C’est l’intention qui compte

Peu importe le sujet sur lequel les Chinois ont commencé à pédaler en arrière, les marchés n’ont pas aimé ce qui s’est passé. L’ensemble des marchés se sont donc fait démonter dans un premier temps et puis, dès que l’on a appris que les « fourbes » Chinois allaient quand même aller à Washington pour négocier, il y a eu comme un vent de soulagement et les indices ont limité la casse à la fin.

De moins 2% on finit à moins pas grand-chose, mais on reste quand même totalement angoissé par ce qui se passe ou par ce qui pourrait se passer dans les jours suivants. Les Chinois sont dans l’avion pour Washington et on va voir ce qui va ressortir de tout cela. Mnuchin, le Secrétaire du Trésor, à tout de même annoncé que « cet événement avait ramené les négociations un peu en arrière, mais qu’il y avait encore de l’espoir ».

Technique de négociation

Les analystes de tous bords, après avoir totalement paniqué dans les premières heures, ont repris leurs esprits et sont revenus sur leurs bases en estimant que ce qu’a fait Trump est une tactique de négociation. On se réjouit de voir le résultat, parce que si ça marche sa « tactique » de négociation, on aura au moins la certitude que ce monde est complètement débile – dans l’hypothèse où il reste encore un doute.

En conclusion, ne cherchez pas une information financière qui ne parle pas du Trade Deal ou de la Trade War ce matin, ça sera totalement irrelevant, puisque la seule chose qui nous intéresse actuellement, c’est les potins liés à cette histoire. Ça et le prénom du nouveau bébé royal à Londres, bien sûr.

Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Nous voici donc dans un film Hollywoodien. D’un côté on a le politicien corrompu qui utilise son pouvoir pour se faire bien voir et se faire réélire l’année prochaine. De l’autre côté on a les méchants et fourbes Chinois qui mangent des chiens et qui veulent du mal aux Etats-Unis, voir leur voler leur « lifestyle » et leur rêve américain.

Puis il y a la victime, les marchés financiers, qui en prennent plein la gueule chaque fois que l’un des deux ouvre la bouche pour dire quelque chose. Précisons que lorsque les Chinois parlent, ce n’est pas sous-titré, ni traduit, comme ça comme personne ne comprend rien, ça ne met pas en péril le statut de « gentil » du politicien américain corrompu.

C’est qui le héros ?

Non, en fait le seul truc qui manque dans ce scénario idéal qui pourrait facilement remporter un Oscar ; c’est un héros. Parce que là, depuis le début de ce Muppet Show international qui a pris une nouvelle dimension depuis ce dimanche, je cherche vainement qui va arriver sur son cheval noir avec son masque, sa cape et son chapeau noir pour sauver le monde.

En même temps, ça peut pas être Zorro, c’est quand même pas un Mexicain qui va sauver les USA sur ce coup-là. Enfin, peu importe qui est ou qui sera le héros dans tout ça, l’important c’est que ça finisse bien, comme dans tous les films américains.

Les indices sont toujours au bord de l’explosion ou pas

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que l’événement de ce week-end n’a pas non plus précipité le marché dans les gorges de l’enfer et on s’en sort pas trop mal. L’idéal serait quand même que l’on nous fasse un renversement de dernière minute et que vendredi soir, on nous annonce un Trade Deal pour boucler l’histoire une fois pour toute.

Comme ça on pourrait recommencer à se concentrer sur l’économie et sur ce que font les sociétés individuellement, ça nous changera. Reste tout de même à voir comment nous, le monde merveilleux de l’investissement, allons réagir si on nous fait un Happy End en trois jours. Est-ce que tout sera dans les prix ? Allez savoir. En tous les cas, le suspense est insoutenable.

Les matières premières

En ce qui concerne les matières premières, c’est toujours la même eau qui coule. Si j’étais trader sur l’or j’aurais envie de me suicider en mangeant des Vrenelis tellement c’est chiant ce qui se passe là-dessus en ce moment. Le métal jaune bouge de 1 dollar par jour avec un enthousiasme qui rappelle un peu celui de Pierre Maudet quand on lui demande de se casser.

Quand au pétrole, hier il a été sous pression. Il a presque cassé les 60$ à la baisse, parce que les traders avaient peur que les négociations avec la Chine partent en vrille et que, du coup, l’économie s’arrête de fonctionner et que plus personne n’achète de pétrole, jamais. Et surtout que, parce qu’ils sont fâchés, les Chinois se remettent au vélo et n’achètent plus jamais de voiture avec des moteurs à explosion. Et puis, dès que l’on a su que les Chinois iraient quand même à Washington, on s’est quand même dit que le pétrole à 60, c’était une affaire. Ce matin il est à 62.22$.

L’Asie panse ses plaies

Si les marchés occidentaux ont relativement bien supporté le bug de ce lundi, la facture est un peu plus salée en Asie. La Chine qui s’est pris 5% dans les dents hier, a tout de même de la peine à s’en remettre. Ce matin le marché reprend 0.7%, mais ça n’est pas l’euphorie. Même chose à Hong Kong, quand au Japon – qui était fermé hier – on rattrape le retard et le Nikkei recule de 1.2%.

Côté nouvelles du jour, c’est évidemment centré sur le Trade Bullshit ou le Trade Deal. On ne parle que de ça et sur CNBC on se dit que c’est clairement une tactique et que ça devrait de toute façon déboucher sur un deal.

Chiffres & Co

Côté chiffres, nous aurons les JOLTS au pays des gentils, la production industrielle en Allemagne et la nuit prochaine, surprise, surprise, le Trade Balance au pays des méchants.

Pour les publications du trimestre, ça continue, mais tout le monde s’en fout parce que ça n’a rien à voir avec le Trade Deal. Aujourd’hui, il y aura néanmoins Inbev, Electronics Arts, Lyft que l’on va attendre au virage, Marriott et Ferrari. Et à voir ce que j’ai conduit vendredi dernier, j’espère que ça sera bon !

Autrement, je crois qu’il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on se revoit demain à la même heure et au même endroit pour le troisième épisode de Game of Trade.

À demain

Thomas Veillet
Investir.ch

« Je ferais amicalement remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé. »

Coluche