Deuxième belle journée consécutive à Wall Street. Moins belle que mardi, mais des comme ça on en veut bien tous les jours pendant 6 semaines.

L’Audio du 6 juin 1944

Les taux, toujours les taux

La plupart des indices terminaient en hausse cette journée de mercredi, les justifications étaient plus ou moins toujours les mêmes depuis que Powell a parlé : la baisse des taux à venir.

Encore une fois, nous avons tendance à nous concentrer sur une seule chose, puisque depuis 48 heures, le nouveau jeu à la mode chez les analystes ; c’est de parier sur le nombre de baisses de taux que l’on aura d’ici la fin de l’année. Pour le moment, les statistiques laissent entendre que la FED pourrait annoncer jusqu’à trois baisses d’ici Noël. Dire qu’il y a trois semaines, si vous aviez parié là-dessus, on vous aurait immédiatement interné pour folie douce.

Trade War au second plan

Toujours est-il que, du coup, la guerre économique avec la Chine et le Mexique qui nous stressait tant est passée au second plan. En fait, tout est passé au second plan, puisque depuis Powell 2.0, on ne regarde plus grand-chose d’autre tellement on se félicite de son intervention. Même les chiffres pas terribles au niveau de l’emploi ADP d’hier n’ont pas fait broncher le marché.

En même temps, pourquoi paniquer ? Si quelque chose va mal, si l’économie ralenti, si la fin du monde approche, il suffit d’appeler Super-Powell qui va vous régler le cas. Powell c’est devenu le « Carglass » du marché. Powell répare, Powell remplace.

Chiffres économiques pas 100%

Et puis ce qu’il y a de bien depuis 48 heures, c’est que l’on voit à nouveau le verre à moitié plein et plus à moitié vide comme avant. Avant on se voyait en récession au premier « tweet » de Trump en défaveur du Trade Deal et maintenant on se voit toujours en récession, mais ce n’est plus qu’un moyen de se faire peur parce que Powell est là.

Hier par exemple, des chiffres ADP pas bons, le marché s’en fout parce que Powell, par contre BONNE NOUVELLE ; le Beige Book montre une croissance modérée de l’économie. MODÉRÉE SEULEMENT ??? – Tant mieux, encore une bonne raison de baisser les taux. Merci Monsieur Powell.

Trump est un génie. Mea Culpa

Autre sujet du jour ; on est en train de se demander si, après tout, Trump n’est pas un génie. David Rosenberg se demandait hier sur Twitter, si finalement le Président n’était pas tout simplement un joueur de poker exceptionnel.

Non, je n’ironise pas. Regardez la situation : Trump veut absolument que la FED baisse les taux. Et ce, depuis des mois. Il l’a dit et répété, mais Powell lui a clairement fait comprendre que, dans ces conditions économiques il ne pourrait pas le faire et ne le ferait pas.

On parle bien sûr des conditions économiques d’avant que le Trade Deal chinois parte en vrille et se crashe en flammes.

Deuxième temps

Trump comprends alors que Powell lui tiendra tête surtout qu’il bénéficie de l’aura de son sauvetage du début d’année. Le Président génial décide donc de faire capoter le Trade Deal, de déclencher la guerre avec les Chinois. Puis, comme ce n’est pas suffisant, il invente de nouveau tarifs avec le Mexique et déclenche un nouveau front. Sans compter qu’il laisse entendre qu’il est prêt à se faire les Européens à la première occasion.

Dans la foulée de ces actes, le marché se pète la figure, le 10 ans explose et les rendements de ce même 10 ans se font défoncer en parallèle. C’est alors que les économistes commencent à déclarer l’état d’urgence. On parle récession. Powell sort du bois et dit qu’il ne laissera pas faire.

La suite

La suite on la connaît presque déjà. Powell va baisser les taux. Peut-être même déjà en juin. Une fois. Puis deux, voir trois. Le marché va remonter, Trump va signer la paix avec les Mexicains tout en sauvant la face, puis il sera le sauveur parce qu’il va trouver un deal de last minute avec la Chine. Les tarifs iront à zéro, il aura eu sa baisse des taux, le S&P sera au plus haut et il n’aura plus qu’à se faire réélire avec le meilleur bilan boursier de tous les présidents du monde…

Alors ? C’est qui le génie ? En tous les cas, si ça se passe comme ça, autant vous dire qu’il sera réélu et que dès qu’il partira de la Maison Blanche, dans un peu plus de 5 ans, la Statue de la Liberté sera remplacée par une mèche de cheveux oranges et un club de golf.

En attendant, ça remonte

Bref, c’est une histoire qui tourne, mais qui ne semble pas complètement stupide et confèrerait à Trump le titre mondial de Roi de la Manipulation.

En tous cas, hier ça montait encore, sous l’impulsion de Powell et nous on attend les Non Farm Payrolls de vendredi pour voir ce que vaut l’économie, mais si c’est mauvais ça sera encore une bonne raison pour baisser les taux. De là à dire que Trump va ordonner à ses services de manipuler les chiffres pour conforter Powell dans sa décision, il n’y a qu’un pas.

Le pétrole sur le territoire des ours

Hier le baril est entré en Bear Market. Soit une baisse de plus de 20% depuis les plus hauts de fin avril. Les raisons sont multiples et variées ; avant on pariait sur des problèmes de production insuffisante, sur le fait que l’Iran ne fournirait plus le marché, sur les tensions sous-jacentes dans le Golfe…

Et puis, on est passé à « trop de stocks », des inventaires en hausse, une dégradation des conditions économiques supposées à cause de la Trade War… Sans compter que s’il veut être réélu, Trump n’a pas intérêt à avoir un baril trop haut. Bingo, un plan qui se déroule sans accroc. En plus l’or monte parce qu’on a besoin d’un doudou pour dormir paisiblement la nuit. Ce qui fait que ce matin, le baril est à 51 et des poussières et l’or à 1335$.

L’Asie modérée

Ce matin à l’Est de la planète on est moyennement emballé. La Chine recule de 0.46%, Hong Kong monte de 0.20% et le Japon ne fait rien ou presque. Pour le moment, on se pose des questions et personne ne semble enclin à s’emballer trop vite.

Autrement, dans les autre nouvelles, Fiat a retiré son offre de fusion avec Renault. La raison est simple : le climat politique français empêcherait la fusion d’être un succès. C’est surprenant. Bon, en contre partie, c’est vrai que le gouvernement italien se mêle moins d’économie que le Roi Macron. Pas de voiture électrique pour Fiat cette année et pas de Clio 4×4 pour l’année prochaine. La décision de Fiat est tombée après que le gouvernement français se soit mêlé des délais pour la mise en place du merger.

Ce qui est dommage, parce qu’ils sont TELLEMENT forts en matière d’organisation, qu’ils auraient même pu expliquer à Fiat comment améliorer leurs syndicats et comment faire la grève mieux et plus souvent.

Autres nouvelles

Mis à part ça, Trump a profité de son stage en Angleterre pour comparer la frontière irlandaise à son mur avec le Mexique et le Prince Charles n’a pas réussi à convaincre Trump que le réchauffement climatique existe.

Barclays, JPMorgan, Citigroup et Royal Bank of Scotland se sont pris une amende de 90 millions par les autorités suisses de surveillance pour avoir fonctionné en tant que cartel sur le FOREX. 90 millions d’amende. Je ne sais pas s’ils vont s’en remettre. Je pense qu’on aurait aussi pu les mettre au coin avec un bonnet d’âne pendant 2 heures, ça aurait été tout aussi efficace. Encore une fois, les amendes pour les banques sont à mourir de rire.

Mais encore

Goldman Sachs et UBS estiment déjà que l’anticipation de baisse des taux faite par le marché est exagérée. Ils tentent de gâcher la fête. Goldman Sachs est également poursuivit en justice pour « homophobie », parce qu’ils auraient refusé de laisser parler un de leurs collaborateurs dans une conférence parce qu’il paraissait « trop gay ». Ce marché est en train de devenir passionnant à un point, c’est inouï.

Côté chiffres économiques, nous aurons le GDP en Europe, le Trade Balance aux USA et puis comme nous sommes jeudi, c’est le jour où la BCE va sortir le cocker spaniel en espérant qu’il va aussi nous sortir un plan de sauvetage dont il a le secret, Draghi devrait parler en début d’après-midi.

Pour le moment les futures ne font rien et depuis ce matin, je regarde Trump avec un autre œil. Quelqu’un sait où je peux aller consulter ? Je m’inquiète.

Passez une très belle journée et on se retrouve demain pour débriefer sur sur Draghi et se chauffer pour les non-farm payrolls.

Thomas Veillet
Investir.ch

“The reasonable man adapts himself to the world: the unreasonable one persists in trying to adapt the world to himself. Therefore all progress depends on the unreasonable man.”

― George Bernard Shaw,