Ce qu’il y a de bien dans la finance, c’est que ce qui était vrai il y a 3 jours ne vaut plus la même chose ce matin.

l’Audio du 26 juin 2019

 

Triple top

Depuis quelques jours, les analystes graphiques se demandaient si le chart du S&P500 représentait un potentiel « break out » à la hausse, ou est-ce que nous étions simplement en train de construire un « triple top ».

Un début de réponse semble avoir été donnée hier. Alors soit, tout n’est pas encore perdu ; il suffit que Trump tweete la bonne phrase ou trouve un deal ce week-end pendant qu’il déjeune avec Xi et la configuration graphique actuelle ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mais la probabilité d’un tel scénario semble tout même sacrément loin. Surtout après les commentaires de Powell hier soir.

La confiance s’érode

La journée avait commencé avec l’Europe qui refusait de monter parce personne n’avait envie d’envisager les grandes manœuvres à l’aube du G20. On peut donc considérer que la semaine est terminée en Europe et qu’il n’y a plus rien à attendre.

Les USA ont ensuite enchainé dans le « négatif » avec les chiffres de la confiance du consommateur qui étaient en-dessous des attentes. Les stars de l’économie en ont donc immédiatement conclu que « les discussions avec la Chine, les tensions avec l’Iran et le début de guerre commerciale avec le Mexique aurait eu raison de la bonne humeur du consommateur américain qui aurait préféré stocker ses dollars et ne rien dépenser, plutôt que d’aller acheter des choses indispensables comme des pneus larges pour son pick-up.

Libre interprétation de Powell

En commençant la journée comme ça, le ton était donné. Il aurait vraiment fallu une nouvelle excellente – comme un deal avec la Chine pour faire sauter le verrou de la morosité ambiante générée par l’envie de ne rien faire et les chiffres de la confiance du consommateur qui étaient mauvais mais qu’on ne sait pas vraiment comment ils sont calculés.

Et puis Powell a parlé. Alors ce qu’il y a de bien quand Powell parle, c’est que depuis 6 mois, quand il cause, c’est un peu le mec qui sait murmurer aux oreilles des investisseurs. Il a un talent pour nous réchauffer le cœur depuis quelques mois, c’est hallucinant, il rassure, il cajole, il dit ce que l’on veut entendre, ce que l’on a besoin d’entendre – bon, en même temps, c’est facile, on est facilement corruptible, tu nous dis que les taux ne monteront plus jamais et que, limite ils vont baisser et on ne se fait pas prier – je serai Patron de la Banque Centrale US, je pense que le S&P500 serait à 8’000. Au moins.

Sauf que hier ce n’était pas ça. Le lexomil de la finance a raté son coup.

Essayé pas pu

En même temps c’est pas vraiment sa faute, mais à force de dire les mêmes choses avec des mots différents, sachant que le dictionnaire des synonymes à tout de même ses limites, on risque forcément le conflit frontal avec le merveilleux monde de la finance qui a tendance à être susceptible comme un politicien qui n’aime pas être remis en question.

Donc Powell a parlé hier soir et il a REDIT plus ou moins la même chose que lors du discours de mercredi dernier, mais à force d’insister sur le fait que la Fed « agira comme il convient » pour soutenir l’expansion économique et d’ajouter ensuite qu’ils sont conscients que « la politique monétaire ne doit pas réagir exagérément à un point de donnée individuel ou à un changement à court terme du sentiment. »

Paf !

Alors c’est le « ne doit pas réagir » que le marché n’a pas aimé. Déjà on n’avait pas été super-chaud sur le fait qu’il ne commence pas son discours par : « Ne vous inquiétez pas les gars, dans un mois je vous baisse les taux et j’en remet une couche en septembre et en novembre et en plus je paie des « spritz » à tout le monde ». Mais si en plus il nous rajoute du « ne doit pas réagir » à tout va et comme si ça ne coûtait rien, le marché ne peut pas faire autrement que d’interpréter le fait que Powell n’est pas du tout convaincu de baisser les taux dans l’immédiat.

Du coup, comme on est très, mais alors très très forts au sujet de l’interprétation des mots et du poids de ces derniers, il n’en fallait pas plus pour que l’on se dise (assez logiquement) que si Powell ne fait pas mine de vouloir baisser les taux, autant vous dire que Trump ne VA PAS SIGNER DE DEAL ce week-end, histoire de garder la pression sur SON patron de la banque centrale. Vu que ce dernier refuse de collaborer sagement.

Logique implacable

Du coup, pour faire simple, ça a baissé. Vous reconnaitrez tout de même que la bourse, c’est quand même facile et qu’il ne faut pas grand-chose pour qu’il y ait une certaine logique.

Bref, hier on a baissé et là, on a un triple top et que l’ambiance pourrait bien être toute pourrie jusqu’à la fin de semaine. En tous cas, en lisant la presse de ce matin, j’ai recensé au moins 6 articles qui laissaient entendre que la fin était proche – et que nous n’avions pas fini de souffrir. La récession est à nos portes, les hordes de barbares et les émissions de télé-réalité aussi, ça va être très très dur.

Or et pétrole et Asie

Pour ce qui est de l’or, il nous fait l’honneur de baisser avec le marché. Retour sur les 1410$, celui-là il se prend pour une action depuis quelques semaines, c’est à ne plus rien y comprendre.

Le baril est à 58.89$ – on va mettre ça sur les inventaires et sur les Iraniens et ce matin toute l’Asie est légèrement dans le rouge, mais c’est juste parce qu’ils n’ont pas encore pris toute la mesure des commentaires douteux de Powell. Sûrement un problème de traduction ou d’interprétation du kanji qui traduit la phrase « ne doit pas réagir ». L’Asie étant culturellement plus zen que nous, c’est forcément difficile à comprendre.

News du jour

Dans le FT on estime que Powell a renforcé la conviction d’une éventuelle baisse des taux. Visiblement les Anglais et les Américains n’ont pas la même interprétation de langue de Shakespeare. Autrement on parle du rachat d’Allergan par AbbVie pour 25% de plus et il y a aussi la Deutsche Bank qui risque de se prendre des claques pour liquider des « crédits avec du levier » – tiens, c’est marrant on avait l’impression que c’était terminé cette période. MAIS NON !!!

Il y a toujours une banque qui est plus intelligente que les autres pour faire une connerie. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est plus le Crédit Suisse, parce qu’il fût une époque ils étaient passés maîtres dans l’art d’être dans toutes les gonfles. Visiblement la Deutsche Bank prend le relai.

Mais c’est pas tout

Après, il y a aussi la Trade War qui pèse sur les achats immobiliers des Chinois aux USA, Huawei qui ferme son business solaire aux USA, Tesla qui aurait des problèmes de capacité de production et Mueller qui va témoigner de tout ce qu’il sait des rapports de Trump avec la Russie et ce, devant le Congrès.

Côté chiffres, il y aura le nombre des demandeurs d’emplois en France, le sentiment du consommateur en Allemagne et les Durables Goods aux USA. Pour le moment, les futures sont inchangés et on continue de digérer les paroles de Powell ainsi que de les interpréter en attendant le G20.

Passez une excellente journée dans le bac à glaçons et à demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

“Too many of us are not living our dreams because we are living our fears.”

Les Brown