L’industrie automobile, comme beaucoup d’autres secteurs, aborde en ce moment même une période de profonde transformation. Le passage à l’électrique est devenu une nécessité pour les constructeurs qui doivent cependant composer avec des coûts immenses, à tous niveaux.

Après Volkswagen et General Motors, Ford va couper dans ses effectifs, en supprimant 7’000 emplois qui représentent environ 10% de son total. Globalement, le secteur automobile a annoncé la suppression de 30’000 postes. En pleine mutation, technologique comme écologique, il lui faut restructurer et économiser pour financer cette transition coûteuse qui verra l’élimination progressive des moteurs à combustion et la montée en puissance de l’électrification, de l’autopartage/ covoiturage, de la connectivité, de la voiture autonome et de la cybersécurité.

L’industrie automobile allemande va consacrer 60 milliards d’euros à son électrification sur ces 3 prochaines années.

Le lancement de la 5G va contribuer à accélérer le développement des solutions de voitures connectées et des systèmes de transport intelligents. Les constructeurs automobiles vont devoir adopter des processus industriels plus souples, moins intenses en capital humain, et apprendre à travailler avec des entreprises issues du secteur de la technologie. L’industrie automobile allemande va consacrer 60 milliards d’euros à son électrification sur ces 3 prochaines années. Ce programme porte sur un tiers de la valeur ajoutée d’un véhicule.

Pour Elon Musk et Tesla, il est parfois plus facile d’imaginer le futur de l’automobile que de le mettre en oeuvre.

C’est en effet un passage obligé pour répondre aux nouvelles normes d’émissions européennes de CO2 qui entrent en vigueur en 2020. Mais les clients sont-ils prêts à acheter ce type de véhicules sachant que leurs critères déterminants sont le prix, l’autonomie et la disponibilité des bornes de recharge? Aujourd’hui, la réponse est clairement non, si bien qu’un report des achats est à craindre, avec pour conséquence un trou d’air sur les ventes au cours des deux prochaines années. A moins bien sûr que les Etats subventionnent les achats des voitures électriques. Car il ne faut pas répondre seulement aux nouvelles normes environnementales. Il faut aussi assumer le gigantesque coût social qui lui est associé: dans l’Union européenne, 13.3 millions de personnes travaillent directement et indirectement pour l’industrie automobile. Or, selon la fédération allemande de l’automobile, la fabrication d’une voiture électrique nécessite 30% moins de travail qu’une voiture dotée d’un moteur à combustion.

La rentabilité des constructeurs est à risque à court-moyen terme: les coûts en R&D par rapport aux ventes sont au plus haut depuis 10 ans, vers les 5%-6%. Mais pas de risque systémique: les six constructeurs européens (Volkswagen, Daimler, Peugeot, FCA, BMW et Renault) disposent de liquidités nettes approchant les 75 milliards d’euros. Ford et General Motors reposent de leur côté sur un matelas de 16 milliards de dollars.

La Chine est en avance dans le segment des véhicules électriques. Cependant, la taille de ses constructeurs, à savoir Dongfeng, BYD, BAIC, Guangzhou, Great Wall, Geely et Brilliance pour les principaux, est «petite» par rapport au gigantisme du marché domestique. 25 millions de voitures neuves y ont été vendues en 2018, contre 16 millions aux Etats-Unis et en Europe, en raison d’un marché très atomisé où plusieurs dizaines de constructeurs sont recensés. La Chine va devoir consolider son marché domestique avant de pénétrer les marchés internationaux.

Une fois la consolidation terminée, les constructeurs chinois pourraient devenir des concurrents redoutables dans le segment de l’électrique.

Une fois la consolidation terminée, les constructeurs chinois pourraient devenir des concurrents redoutables dans le segment de l’électrique, car les barrières d’entrée liées aux procédures complexes d’homologation de moteurs thermiques aux Etats-Unis et en Europe liées aux émissions de CO2 vont tomber. Par ailleurs, les Chinois contrôlent une grande partie des capacités mondiales de production de batteries et des matières premières indispensables comme le cobalt et le lithium. Pour compliquer les choses, ces géants de la technologie que sont Google, Apple, Amazon, Alibaba et quelques autres encore jouent les disrupteurs, leur trésorerie aidant, en participant à l’électrification, à l’autonomie des moyens de transport, ainsi qu’à la connectivité.

Récemment, Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a fait part de sa très grande fascination pour le développement du secteur automobile. Amazon a investi près d’un milliard de dollars dans une start-up californienne, Rivian, qui va produire des SUV et des camions 100% électriques. Elle a également pris une participation dans la start-up Aurora, créée par des ex de Uber, Google et Tesla, active dans les véhicules autonomes, deux segments stratégiques pour la logistique d’Amazon.

Il est très difficile aujourd’hui d’identifier les gagnants dans cette industrie en pleine refonte. On évitera de se laisser tenter par la faiblesse des cours boursiers de certains d’entre eux, qui risque de ne pas être que temporaire.

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°14 – Juillet/Septembre 2019)

 

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