Si je m’écoutais je vous ferais une chronique ultra-courte en disant qu’on n’est pas plus avancé qu’il y a une semaine, que Trump mène toujours la danse avec des séries de tweets qu’on se demande s’il fait autre chose de ses journées et que si le marché monte ou baisse, ça dépend de la perception générale puisque le monde merveilleux de la finance semble de plus en plus fonctionner comme un troupeau de moutons.

L’Audio du 8 août 2019

Rebond en Europe

Tout d’abord on notera que l’Europe a rebondi. On ne sait pas trop pourquoi, mails il semblerait que les traders européens étaient en mode « opportunité d’achat ». On s’est soudainement dit qu’à certains prix, il y avait quand même de quoi faire et pendant un bref instant, on s’est presque dissocié de la machine médiatique de finance américaine.

La plupart des indices européens retrouvaient donc des couleurs, malgré l’ouverture sanglante de Wall Street, puisque quelques minutes après 15h30, le Dow Jones était déjà en baisse de 600 points. Mais qu’importe, les Européens se sont démarqués, comme une fois tous les 5 ans et ne s’en sont pas laissés compter.

America down again

Aux USA on a commencé la journée en mode sauve qui peut. Le prix du Yuan, les chiffres de Disney, la température extérieure, les vacances de Jeff Bezos ou le nombre de canards dans le lac de Central Park, toute excuse était bonne pour tout vendre.

Et puis ça a tourné dans l’autre sens, là aussi le prix du Yuan, les chiffres de Disney, les vacances de Bezos et les canards devaient y être pour quelque chose, mais quoi qu’il en soit, il y en a un qui a dû décider d’y aller et tous les autres ont suivi, la stratégie extrêmement pointue qui a été utilisée hier s’appelle « le troupeau de mouton » et semble devenir de plus en plus commune à Wall Street.

Trump en mode donneur de leçons

Mais hier il fallait surtout être connecté sur le compte Twitter de Trump, parce que c’est que ça se passait.

Le Président beau, intelligent, cultivé et américain s’est levé du bon pied hier matin et a décidé, une fois n’est pas coutume, de distiller sa science et de nous expliquer à nous, pauvres mortels, comment ça fonctionnait pour de vrai, l’économie. Mais surtout, Donald Trump a décidé d’exposer pleinement à la face du monde que la Banque Centrale Américaine est incompétente, incapable de reconnaître ses erreurs et surtout de reconnaître que c’est lui, le Président Génial, qui avait raison depuis le début : il fallait baisser les taux vite et agressivement. C’est vite vu, même la Thaïlande, la Nouvelle Zélande et l’Inde l’ont compris. C’est dire !!!

Avalanche de tweets

En fait, la seule chose qui était intéressante, c’était le sketch que les Américains sont en train de nous offrir avec l’affaire des taux d’intérêt, puisque chaque matin Trump doit se lever en se disant : « Hummmm, comment je vais pouvoir emmerder la FED ou pourrir la journée de Powell ? » – ensuite il va prendre un café et il commence à « tweeter » tout et n’importe quoi.

Il vaut vraiment la peine de revenir sur ses messages d’hier, de s’asseoir et de se demander à quel moment dans l’histoire de l’humanité on s’est retrouvé avec un comportement pareil tout en haut de l’état. Personnellement, la dernière fois que j’ai vu des attitudes aussi infantiles, je devais avoir 4 ans et demi et je courrais après un ballon dans une cour d’école enfantine.

La Fed incompétente, baisser les taux, bla bla bla…

Il y a un peu plus de 24 heures le Wall Street Journal a publié une « tribune » signée par quatre ancien patrons de la FED ; Volcker, Bernanke, Yellen et Greenspan. Dans cette Tribune, ils réclamaient que l’on respecte l’indépendance de la banque centrale – ils ont été assez poli pour demander que l’ON respecte, sans citer de noms, bien que tout le monde sait qu’ils auraient dû demander que le Président respecte la Banque Centrale. Mais peu importe.

Peu importe, l’idée était là. On aurait pu penser que ça aurait amené un peu de calme. C’était sans compter l’égo surdimensionné de Trump qui ne supporte SURTOUT PAS qu’on lui dise ce qu’il doit ou devrait faire. Le Président du monde libre a donc lâché une série de 3 tweets qui resteront mythiques…

En gros, il reprend le fait qu’hier trois banques centrales dans le monde ont coupé les taux et il en profite pour dire que le problème ce n’est pas la Chine, que l’argent arrive en masse aux USA et que la Chine est en train de mourir et que les USA n’ont jamais été aussi forts. Non, le problème c’est la FED qui est trop fière pour admettre ses erreurs – qu’ils auraient dû agir vite et fort (comme lui le prônait, parce que lui et sa merveilleuse chevelure avaient raison).

Il ajoute encore que c’est absolument terrible d’observer cette incompétence, surtout quand ça pourrait être tellement facile de tout régler en deux trois coups de baisse des taux.

Il conclut sa crise du matin en disant que les USA gagneront de toute façon mais que ça serait quand même plus facile si la FED faisait son boulot. Enfin, si la FED faisait son boulot comme lui il l’entend.

Tout simplement inouï

Quoi qu’il en soit, on peut imaginer que cette série de trois tweets est une manière de dire aux 4 anciens patrons de la FED qu’il peuvent se fourrer leur Wall Street Journal là où ils veulent et qu’il se fout totalement de leur opinion. Comme de celle du reste du monde d’ailleurs.

En tous les cas, au-delà de l’impact éventuel que ce type de comportement pourrait avoir sur les marchés, je ne cesse d’être impressionné par Ô combien le poste de Président des Etats-Unis est en train d’être tourné en dérision par un seul homme qui se la joue « one man show » et qui se laisse uniquement guidé par un égo de la taille du yacht de Jeff Bezos.

Mais encore

Ce matin l’Asie remonte, tout semble se calmer quelque peu et soudainement ont à l’air moins préoccupé par le niveau du Yuan. Le pétrole qui s’est fait démonter il y a 24 heures, retrouve un peu des couleurs et monte de 3% autour des 53$ et la vedette du jour du moment et probablement du reste de l’année, c’est l’or qui s’envole et qui passe enfin la frontière des 1500$ – la route semble parfaitement claire jusqu’à 1800$. Là où tout le monde viendra dire qu’il va à 4’000$…

Nouvelles du jour ? Regardez le Yuan et Twitter

Dans les journaux du jour, il y a plein de nouvelles. Mais pour être franc, si l’on doit se concentrer simplement sur les marchés financiers, il suffit de regarder ce que fait le Yuan et vous aurez la direction des marchés américains, et comme les européens ne font que suivre, vous aurez aussi la direction des marchés européens.

Si vous voulez affiner votre stratégie, il suffira de vous connecter sur le compte « Twitter » de Trump. Pour le reste, je n’ai pas souvenir que les bourses mondiales aient été aussi « centrées » sur un seul sujet. Mais je peux me tromper, en attendant les économistes prédisent la récession – c’est en tous cas ce que le marché obligataire laisse entendre, mais nous on s’en fout, on regarde le Yuan. Et Twitter.

Chiffres du jour

Dans les chiffres du jour, on retiendra que le Trade Balance Chinois était meilleur que les attentes, il y aura aussi la version BCE des Minutes de leur dernier meeting – là où l’on va apprendre que Draghi aimerait bien soutenir l’économie et les marchés et qu’il fera ce qu’il peut avec ce qu’il a, c’est-à-dire pas grand-chose. Et puis ce soir nous aurons les Jobless Claims aux USA, ce qui nous fera une belle jambe, puisque ça ne règle ni la Trade War, ni le prix du Yuan.

Ce matin les futures sont en hausse de 0.5% à cause du Yuan justement… ça devient passionnant à un point, j’ai presque envie de me mettre au jardinage histoire de diversifier mes centres d’intérêts.

Passez une bonne journée et on se retrouve demain pour une nouvelle série de Tweets..

Thomas Veillet

Investir.ch

“Calling someone who trades actively in the market an investor is like calling someone who repeatedly engages in one-night stands a romantic.”

Warren Buffett