La journée d’hier aura été principalement un échange de points de vue autour de la dernière bouteille de rosé de l’année.

L’Audio du 10 septembre 2019

On sait tout mais on en fait rien

Cette première journée de la semaine aura donc été placée sous le signe de l’attentisme. On digère les nouvelles de ces derniers jours, comme la chute des importations et des exportations avec les USA du côté chinois – bien que ça ne soit pas une très grosse surprise étant donné la situation, ça demande quand même de prendre un peu de recul. On fait également le point sur ce que l’on attend cette semaine, entre chiffres économiques aux USA et la dernière révérence de Môssieur Draghi, nous sommes servis.

Mais globalement, on s’est surtout regardé dans le blanc des yeux et on n’a strictement rien fait du tout. Les marchés européens étaient en mode faiblard sans prise de risque en attendant jeudi et aux USA, après les évènements de ces derniers jours, on se demande ce qui va pouvoir nous faire péter à la hausse, puisque nul besoin d’être un expert en analyse technique pour se rendre compte que les indices américains s’approchent dangereusement des plus hauts historiques et qu’il faudra peut-être un peu plus que des « éventuelles discussions agendées pour dans un mois » et des mots doux de la part de la FED.

Est-ce que tout en serait-il pas dans les prix ?

Si l’on regarde un peu ce qui s’est passé ces derniers jours, nous sommes montés sur pas grand-chose. Encore une fois, l’amélioration des relations entre la Chine et Donald Trump étaient le déclencheur. Mais si l’on regarde la « time-line » de ce qui s’est passé dans les marchés depuis le début de la Trade War, il y a de quoi se poser des questions.

« Officiellement », la guerre économique entre les USA et la Chine remonte à début juillet 2018 – nous étions autour des 2700 points sur le S&P500. Entre deux nous sommes passés par 2300, avons été sauvé pas la FED, fait des plus hauts historiques au-dessus des 3’000 et redescendus à 2800, où nous étions il y a 10 jours dans un état de dépression avancé.

Et puis…

Et puis un Xième deal éventuel est arrivé et le marché s’est dit que finalement c’était peut-être le bon, corrélé au fait que Draghi va stimuler l’Europe, que la Chine stimule ses banques, que le Japon tente de stimuler son économie qui est cliniquement morte depuis 25 ans – ils sont d’ailleurs en train de faire appel au Docteur Frankenstein à ce niveau de désespoir – et puis que, surtout, éventuellement peut-être, Powell va nous baisser les taux dans 10 jours.

Mais à la fin, dans tout ce chenil, est-ce que la récente hausse de plus ou moins 5% ces dix derniers jours, n’est-elle pas tout simplement dans les prix ? Est-ce que le marché n’est pas déjà fatigué d’anticiper et que toute annonce, aussi positive soit-elle, ne suffira qu’à déclencher une série de « prise de profits » parce que comme tout le monde le sait : « il faut vendre la nouvelle et acheter la rumeur ». Pour être franc avec vous, la seule chose qui me fait conserver un biais positif actuellement, c’est que tout le monde est négatif. Quand on regarde les indicateurs de sentiment de marché, l’ambiance dans une thérapie de groupe pour dépressifs chroniques doit être bien plus festive. Encore une fois, tout le monde se prépare au krach, personne ne croit à des records historiques – ou alors juste pour le fun avant de se péter la figure – non, sincèrement, le négativisme ambiant et l’anticipation de la fin du monde est peut-être tout simplement ce qui nous sauve.

L’Asie attend Draghi et l’or casse les 1500

Alors que le monde des investisseurs est atour d’une table à discuter de ce qui ne se passe et de ce qui pourrait éventuellement se passer si quelque chose se passe, le marché asiatique est collé dans le béton en attendant Draghi, il paraît. Pendant ce temps le pétrole continue de monter et passe les 58$ – celui-là pourrait bien être la surprise de fin d’année et comme je me tue à le dire depuis un moment : « nous verrons les 65  cette année ». Je ne sais pas encore en quelle monnaie, mais nous les verrons.

Malgré l’angoisse qui pèse sur les marchés, l’or ne fait plus recette depuis une semaine. On a beau annoncer que les Chinois ont stocké des montagnes d’or pour se prémunir contre la Trade War, on commence presque à se dire que SI on trouve un règlement à cette crise qui en est à son 427ème jour, lorsque les Chinois vont tout rebalancer leur stock de lingots sur le marché, ça risque de faire bizarre. En tous les cas, le support des 1500$ qui ne devait pas céder, a cédé cette nuit. Ce matin nous sommes à 1498$.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera l’annonce d’une Banque Américaine qui vient de sortir un indice qui permet de suivre l’impact des tweets de Trump sur la volatilité du marché obligataire. J’imagine le boulot pour essayer de quantifier la valeur d’un tweet, personnellement je préfèrerais me couper les ongles à la tronçonneuse que de perdre du temps à ça, surtout que ça paraît quand même relativement facile :

  • Si c’est en faveur de la Trade War, le marché prend entre 5 et 10%
  • Si c’est en défaveur de la Trade War, c’est l’inverse
  • Si c’est contre Powell ça fait monter la bourse et si c’est pour Powell… ah non, ça, ça n’existe pas.

En gros, si j’étais le gérant de fortune de Trump, il suffirait qu’il me donne ses tweets avec 30 secondes d’avance et après 3 ans à la Maison Blanche, il pourrait prendre sa retraite avec plus d’argent que Poutine sur son compte perso. Mais bien sûr, ça n’existe pas.

AT&T a explosé hier soir, après que l’on ait appris de la bouche de Paul Singer, le boss d’Elliott Management que le fonds « activiste » a pris une participation de 3.2 milliards dans la société, histoire de secouer le cocotier et d’améliorer la rentabilité de l’opérateur téléphonique. Moody’s vient de downgrader le rating de Ford sur « junk » suite au plan de restructuration de 11 milliards – c’est donc une fabuleuse opportunité d’achat, puisque les organismes de rating sont extrêmement doués pour downgrader des sociétés au plus bas de tous les temps. Un talent inouï.

Jack Ma s’en va

La nouvelle du jour c’est le CEO- Chairman et fondateur d’Alibaba qui s’en va. Jack Ma vient d’annoncer son départ en tant que « chairman » dès aujourd’hui, il restera au board encore jusqu’à la prochaine assemblée générale, mais c’est une page qui se tourne pour Alibaba, 20 ans après avoir été fondée dans l’appartement de Jack Ma.

Autrement, pour ceux qui n’ont rien à faire, vous pouvez lire les articles sur le BREXIT et la balade de Johnson, personnellement j’ai renoncé à lire ce genre de trucs, j’ai le sentiment que la relecture du bottin de téléphone de l’année 1984 pour le canton de Genève est bien plus instructive.

Chiffres du jour

Vu que notre activité préférée c’est d’attendre Draghi ce jeudi, histoire de pouvoir passer le temps, nous aurons tout de même quelques chiffres économiques. Il y aura les Non Farm Payrolls en France, moins sexy que la version américaine, mais ça fera mousser Macron au moins – en Angleterre, il y aura les chiffres de l’emploi également et la publication du taux de chômage. Aux USA nous aurons les JOLTS, le chiffre préféré de Madame Yellen, mais comme elle n’est plus à la FED, on s’en fout.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.03% – c’est vous dire combien ce début de journée est excitante. Bon, moi je vous laisse vaquer à vos occupations, moi je me mets à la lettre B de mon bottin de téléphone. On se retrouve demain à la même heure et au même endroit si nous ne sommes pas morts d’ennui en attendant.

Excellente journée.

Thomas Veillet

Investir.ch

« I have always wanted to be somebody, but I see now I should have been more specific.”

Lily Tomlin