Pour la première fois depuis 14 semaines 6 jours et 22 heures, le mot Trade Deal n’a pas été mentionné dans les médias pendant plus de 24 heures. Par contre, le mot pétrole se retrouve en moyenne deux fois par phrase dans chaque article. Même dans la rubrique sportive.

L’Audio du 17 septembre 2019

Après le « lock and loaded », on a déjà rengainé les colts

Malgré le départ forcé de Bolton qui est sûrement en train de prendre des cours de pilotage de drones pour attaquer l’Iran à lui tout seul, le gouvernement US était chaud-bouillant durant tout le week-end. Pompeo avait accusé l’Iran avant d’avoir la moindre preuve – sachant que tout ce qui se passe dans le monde ; c’est la faute de l’Iran. Trump avait déjà fait le mouvement de charge sur la plupart de ses missiles Tomahawks et il y a 24 heures on avait l’impression que la guerre était à portée de main.

Et puis ça s’est calmé.

Le Congrès s’est souvenu de sa légitimité – légitimité sur laquelle ils sont assis depuis des mois pour ne pas déranger le Leader Maximo – du coup hier ils ont quand même tapé du poing sur la table pour que Trump n’envahisse pas l’Iran à mode Bush – sans aucune preuve. Du coup, Trump s’est montré magnanime, a exprimé que TOUT menait à l’Iran (en effet les rebelles Yéménites Houtis qui ont revendiqué l’attaque sont pratiquement assimilés à une province Iranienne – mais ce n’est quand même pas l’Iran). Mais le Président a également reconnu que ce n’est pas les USA qui avaient été attaqué, mais l’Arabie Saoudite et que c’est à eux de prendre la décision. À la place des Tomahawks, il a donc envoyé Mike Pompeo avec sa valise diplomatique pour faire le point. Mais pas de guerre à l’horizon pour le moment.

Les marchés ont quand même des doutes

Mais peu importe les balais diplomatiques, les places boursières mondiales ont toutes baissé à cause des « angoisses géopolitiques » et, comme je le disais au début : rien à voir avec la Chine et le Trade Deal pour une fois. À la limite, la Chine et le Trade Deal on n’en a rien à foutre, ce qui nous intéresse depuis samedi après-midi, c’est le pétrole et comme là, il monte c’est l’angoisse générale.

Historiquement parlant, sur les 50 dernières années, lorsque le pétrole montait, nous étions au bord de la panique parce que qui dit pétrole qui monte, dit prix de l’essence à la pompe qui augmente. Qui dit prix à la pompe qui augmente, dit consommation qui ralentit et sans la consommation, les USA sont à peu près aussi utiles et efficaces qu’un bateau échoué au milieu du désert.

Sauf que depuis quelques années, la relation a changé et quand on regarde les graphiques de ces 5 dernières années, le baril a tendance à monter de pair avec les bourses mondiales. Sauf que pas hier. Mais bon hier on avait peur de la guerre et l’angoisse immédiate entre guerre et ralentissement économique a déclenché cette espèce de peur qui force l’investisseur à vendre, la peur « géopolitique ». On ne sait pas trop ce que ça veut dire, mais on sait que c’est très puissant et très irrationnel et surtout après une semaine de hausse quasi continue. En gros, tout a baissé, sauf les pétrolières. L’OIH a pris près de 9%, le XLE plus de 3% et le pétrole lui-même est en hausse de 14% depuis vendredi, ce qui équivaut à la même hausse que lors de la guerre du Golfe dans les années 90 que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, comme disait un chanteur arménien immigré à Genève.

Depuis hier tout le monde a un avis sur le pétrole et plus sur la Chine

En résumé, comme d’habitude et comme nous sommes pratiquement incapables de penser à deux choses en même temps, la journée d’hier était donc fondamentalement placée sous le signe du pétrole. Sauf qu’il va falloir se forcer à penser à autre chose, puisque dès demain soir il y a la FED qui a va revenir sur le tapis et vu ce qui se passe, la probabilité d’une baisse des taux – qui était de 80% – vient sûrement de passer à 130%, je crois même qu’il y a certains experts fou-furieux et pro-Trump qui sont en train de parier sur une baisse surprise de 0.5% au lieu des 0.25% largement attendus.

Maintenant que l’hypothèse de la guerre en Iran est mise de côté – vu la réaction de l’Arabie Saoudite qui prend la chose avec un calme olympien (sans compter que la hausse du baril arrange tout le monde et surtout l’IPO d’Aramco– ils demandent de l’aide à l’ONU avec un empressement qui n’est pas sans rappeler le flegme des britanniques qui boivent le thé avant de partir au combat (enfin, ça c’était avant Boris) – les tensions sont donc en mode « on se calme, y a pas le feu au lac ». Du coup, dès maintenant on va pouvoir se concentrer complètement sur la thématique de la FED, d’ailleurs même l’or est à peine monté dans la semi-panique d’hier.

Pour faire le bilan, ce matin l’or est à 1505$, il ressemble autant à une valeur refuge que moi à Brad Pitt et le pétrole est à 61.77$. En revanche, en Asie on n’est pas encore passé par-dessus l’attaque des drones, puisque Hong Kong et Shanghai sont en baisse de 1% parce que je cite : « les tensions restent élevées au Moyen Orient ». À voir les futures américains ce matin, nous sommes déjà passés à autre chose, à moins que Trump glisse par erreur sur le gros bouton rouge qu’il a sur son bureau.

Nouvelles du jour

On ne va pas pinailler au niveau des news du matin, un article sur deux est consacré au pétrole et à l’Arabie et à la réponse de Trump ou pas et au fait que les armes utilisées dans l’attaque sont des armes iraniennes et que les rebelles Houtis n’auraient jamais pu faire ça tout seuls. L’autre partie des articles sont consacrés au fait que la FED parlera demain soir, que WeWork a finalement repoussé son IPO vu l’accueil glacial offert par les marchés, dans la foulée on parle aussi de Softbank qui pourrait faire un « writedown » sur son « Vision Fund » et l’économiste de la BCE laisse également entendre que la BCE pourrait ENCORE baisser les taux si nécessaire.

En étant à -0.50% et à coup de 0.10%, on ne risque pas de voir l’économie européenne s’emballer la semaine prochaine.

Et puis, contrairement à ce que j’ai dit plus haut, il y a soudainement de moins en moins de monde qui s’attend à une baisse des taux demain soir. Vendredi les sondages parlaient de 78.5% et ce matin, selon CNBC, nous ne sommes plus qu’à 34% d’opinions favorables. Selon l’article de CNBC, il semblerait que des chiffres « pas trop mauvais » et le fait que ça se calme avec la Chine, pourraient pousser Powell à ne rien faire. Alors personnellement, je me réjouis de voir ce que Trump va faire ou dire, si Powell laisse les taux inchangés. J’espère même que ça sera le cas, car le tweet qui suivra sera sûrement mythique et suis déjà impatient de voir comment le système miraculeux de JP Morgan va le « valoriser ».

Chiffres économiques

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons le ZEW en double version, la version allemande et la version européenne. Ce soir il y aura aussi les inventaires pétroliers version API – généralement on s’en tape cordialement, mais là ça risque d’être très regardé, même si l’on sait qu’ils ont à peu près autant de chance d’être « juste » sur leurs projections que moi d’être le prochain homme à marcher sur la lune.

Actuellement les futures ne font rien, l’or hésite à être une valeur refuge, le pétrole est toujours très fort et tous experts révisent leurs objectifs à la hausse. Pour le moment, l’angoisse géopolitique demeure, mais dès demain elle devrait être remplacée par le discours de Powell et par Trump qui cherche à engager un sniper pour abattre le même Powell s’il ne baisse pas les taux.

Voilà…

C’est tout pour ce matin, moi je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit pour compter les secondes avant la fin du meeting de la FED et pour compter les drones qui volent dans le ciel saoudien. Passez une excellente journée et à demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“The most ineffective workers are systematically moved to the place where they can do the least damage: management.”

Scott Adams