En l’espace de 24 heures nous sommes passés de : « gros doutes sur le Trade Deal » à « les chiffres sont trop bons, l’économie va trop bien », le tout avec trois publications qui se courent après.

L’Audio du 16 octobre 2019

Déficience absolue de la mémoire à court terme

Ce n’est pas la première fois que je le dis dans cette chronique : nous ne sommes mêmes plus capable de gérer deux sujets à la fois. Alors, ça ne me dérange pas que le marché monte, bien au contraire – mais entendre des déclarations comme : « les bons résultats publiés hier, ont donné envie aux investisseurs de revenir sur les marchés financiers », ça me donne envie de me rouler par terre de rire.

Pas que la déclaration soit fausse, c’est sûrement vrai, sauf que quand on voit les théories que l’on nous tient sur le Trade Deal et ses développements pendant tout le week-end et le début de la semaine, c’est tout simplement hilarant de voir à la vitesse où notre déficit d’attention prend le dessus et nous pousse à « revenir sur les chiffres du trimestre » parce que soudainement c’est la VRAIE VIE !!!

Même ce qui était mauvais était bon

Alors parlons des chiffres du trimestre, puisque tout le monde se fout du reste soudainement et que le Trade Deal, les taux, la récession et les angoisses de KRACH sont passées au second plan pendant les dernières 24 heures.

Hier les banques ont donc commencé à publier et c’était globalement mieux que les attentes. À ce stade-là, je ne veux pas dire du mal, mais globalement les résultats des banques sont systématiquement impossibles à interpréter. Il faut quand même bien comprendre que ce sont des analystes financiers qui bossent DANS des banques, justement, et qui sont à chaque fois à côté de la plaque. Déjà que l’analyse fondamentale est à peu près aussi efficace que de le jouer aux fléchettes, mais en plus dans le secteur bancaire, on a souvent l’impression que les gars ont analysé les bilans d’une autre boîte pour être pareillement à côté des chiffres.

Enfin, peu importe, comme ça on sait d’où vient le proverbe : « les cordonniers sont les plus mal chaussés ». Donc, hier JP Morgan a fait mieux que les attentes, résultat : 3% de hausse. Citigroup a fait mieux que les attentes, résultat : 1.4% de hausse. Par contre Goldman Sachs et Wells Fargo ont fait moins bien que les attentes, mais les deux titres montaient quand même parce que… « tu comprends c’est pas pareil ». Non, désolé je comprends que dalle.

Vent d’optimisme

En gros, on a eu des chiffres qui étaient moins pire que ce que l’on craignait et cela nous a effacé la mémoire, il ne reste plus qu’à que NetFlix fasse mieux qu’attendu ce soir et elle va prendre 30%. Oui, parce que si les banques ont offert une belle surprise à la hausse, on voit que l’on s’attend tellement à des chiffres de merde pour ce trimestre, que les « bonnes surprises » déclenchent des fortes hausses. Tenez, prenez United Healthcare ; c’est pas la boîte la plus sexy du marché, c’est pas la plus connue – en effet, il ne fabriquent pas de téléphones portables, ne sont pas un réseau social, il ne font pas dans le taxi bon marché et ne sont pas une « licorne » – mais hier la société a battu les attentes, le titre a pris 8%.

Trop de négativisme tue le négativisme. C’est ainsi que l’on peut résumer la séance d’hier. En tous les cas entre les Américains qui oublient tout le reste et qui ne vivent soudainement plus que pour les chiffres du trimestre et les Européens qui sont surexcités dans l’espoir de voir le BREXIT se terminer une fois pour toute, on a eu une de ces journées de fous qui nous emmenait plus très loin des plus hauts historiques. Le S&P500 frôle les 3000 à nouveau – en Europe le DAX termine à 0.2 point des plus hauts de l’année et le CAC40 casse les 5700 pour terminer justement au plus haut de l’année. Franchement, qui l’eut cru il y a encore 2 semaines.

Erase

Il y a deux semaines nous étions en pleine dépression sur le Trade Deal, on ne parlait que du BREXIT qui ne se ferait pas, de l’économie qui ralentissait, de Trump qui allait se faire virer et de la récession qui était à nos portes et en l’espace de 15 jours on a tout oublié et on trouve juste les chiffres du trimestre F-A-N-T-A-S-T-I-Q-U-E-S, bien que 5 boîtes sur 500 aient publié à ce jour.

LA BONNE NOUVELLE du jour, c’est le SOX qui termine au plus haut de tous les temps. Le SOX, c’est le Philadelphia Semiconductors Index, ses composants sont des boîtes qui fabriquent les trucs qu’on met dans les smartphones pour pouvoir jouer à Candy Crush et surtout, surtout, c’est un indice qui a la particularité d’être utilisé comme un indicateur avancé. En gros, quand le SOX monte, ça veut dire que le reste va suivre. Donc si l’on se base sur cette théorie, le S&P500 devrait battre des records d’altitudes d’ici la fin du mois. C’est ballot, encore un mois d’octobre qui aurait dû être tout pourri et qui va s’en sortir.

Graphique du SOX – Source : Investing.com

L’Asie dans le doute

Ce matin l’Asie semble dubitative quant à la journée d’hier, le Nikkei continue de monter de 1.2%, mais les deux autres ne font strictement rien. Cela vient peut-être aussi du fait que le parlement de Hong Kong vient d’être évacué parce que c’est tout simplement le bordel et que tout ça va mal finir.

Pendant ce temps, l’or s’enfonce dangereusement en direction des supports qu’il ferait mieux de ne pas casser, le pétrole est de retour à 53$, mais pour être franc, depuis que l’on s’intéresse à la micro-économie, c’est-à-dire depuis 24 heures, plus rien d’autre n’a d’importance.

Nouvelles du jour

Comme tous les jours depuis 5 ans le FT nous colle les dernières nouvelles du BREXIT – cette fois il paraît que les négociations sont bloquées, c’est la troisième fois en deux jours qu’on nous fait le coup et à la fin, ça se débloque. Donc on va dire qu’on verra en fin de semaine. Autrement les Démocrates se tirent dans les pattes pour savoir qui affrontera Trump en finale, pendant ce temps, on nous publie des sondages mélangés à des statistiques qui démontreraient que si l’élection avait lieu demain, Trump ne gagnerait pas, il pulvériserait son adversaire, tout simplement.

Le patron de Goldman Sachs, David Solomon, demande du temps à ses actionnaires pour redresser la franchise. En même temps, ils n’ont pas trop le choix. Il faut juste espérer que la banque est encore un business rentable. Et puis Mike Pence, le Vice-Président Américain, refuse et refusera de témoigner dans l’Ukrainegate. Mais bon, pour être franc ; on s’en fout, le seul truc qui compte, c’est les chiffres du trimestre, ça c’est des vraies choses importantes.

Suite…

Encore un truc qui n’est pas dans les news, alors je vais en parler. Vous vous souvenez de l’inversion de la courbe des rendements ? Vous vous souvenez que le rendement du 10 ans US était plus bas que celui du 3 mois ??? Que ce signe ignominieux était le signal d’une baisse annoncée, d’une récession annoncée et qu’à la fin on allait tous mourir ??? Eh ben, depuis quelques jours : y a plus. Plus d’inversion tout est rentré dans l’ordre, mais personne n’en parle, parce que ça n’apporte rien et surtout c’est plus marrant quand il y a la perspective de voir du sang sur les murs ou mieux : un KRACH annoncé.

Chiffres du jour

Puisqu’il n’y a que ça qui nous intéresse, on va attaquer avec les chiffres du jour, aujourd’hui nous aurons ASML, Abbott, Bank of America, Domino’s Pizza, IBM, Roche et US Bancorp. Attention aux bonnes surprises, ça pourrait être sanglant.

En ce qui concerne les chiffres économiques, ça sera CPI et Trade Balance en Europe, CPI et PPI en Angleterre, puis les Business Inventories aux USA ; ainsi que les inventaires pétroliers et le Beige Book.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.25% et ça continue de chauffer à Hong Kong, la Chine vient d’annoncer que les USA feraient mieux de ne pas s’en mêler, mais nous on s’en fout, depuis que l’on fait de la micro-économie, tout va mieux.

Passez une très belle journée et on se retrouve demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“War is God’s way of teaching Americans geography.”

– Ambrose Bierce