La dernière étude du Credit Suisse (deuxième pilier: des écarts croissants entre les générations) montre la fragilité du système et les défis des jeunes générations en matière de prévoyance.

Etat des lieux

La situation est relativement connue car plusieurs études ont pointé du doigt le problème. Les défis sont de nature financière et démographique. Les taux bas affectent particulièrement les rendements de nos caisses de pension. L’étude montre qu’entre 1987 et 2000, le rendement des portefeuilles contribuait à 46% de la constitution de la fortune de prévoyance. Les cotisations employeurs/employés représentaient les 54% restants. De 2000 à 2017, la part des rendements a baissé pour atteindre 26%. Vu l’état des marchés obligataires, le pire est à venir.

Passons à la démographie. Aujourd’hui, 45% du capital est alloué aux bénéficiaires de rentes. En 2045, ce pourcentage grimpe à 57%. Comme le fait remarquer l’auteur de cette étude, les mouvements de capitaux évoluent et si les flux de trésorerie sont encore positifs aujourd’hui, ils ne le seront plus en 2043. Selon lui, le rôle des classes d’actifs à rendement élevé comme les actions pourrait être aussi important qu’aujourd’hui dans la stratégie de placement.

En l’absence de mesures, les taux de remplacement (rapport entre les versements d’une rente de l’AVS et du 2ème pilier et le dernier revenu) passeront pour les revenus moyens de 57% en 2010 à environ 45% dès 2025. Dans la catégorie des revenus inférieurs, il y aura une diminution moindre d’environ 5 à 8 points. Par contre, pour les revenus élevés, les taux de remplacement passeront de 51% à 37% en 2025.

Quelles mesures prendre?

Le citoyen helvétique sait que le taux de conversion baissera mais il ne sait pas encore quand ce taux arrêtera de baisser. Pour éviter que les caisses se vident trop rapidement, plusieurs politiciens suisses prônent un allongement de l’âge de la retraite. Nos voisins proposent ce même genre de mesure. Une autre mesure serait une hausse des taux de cotisation et une réduction de la déduction de coordination.

Certains syndicats penchent pour une solidarité accrue donc que le 2ème pilier soit pratiquement assimilé à l’AVS, du moins dans sa philosophie. Ou alors que les entreprises versent une part plus élevée.

Les banques et les assurances proposent leurs produits 3a et 3b qui permettent un gain fiscal à défaut d’un rendement convaincant.

Quelques considérations

Au regard du marché du travail et de sa réalité, il semble très improbable qu’un allongement de l’âge de la retraite soit réalisable. Pourquoi? Parce qu’un chômeur de plus de 50 ans ne trouvera pas de travail donc ne cotisera plus au 2ème pilier et ne versera que le minimum légal à l’AVS.

L’argument des syndicats est probablement irréalisable car, en l’état, ce ne serait pas légal de «prendre» un 2ème pilier et le mettre dans un pot commun. De plus, ce ne sont pas les petits revenus qui souffriront le plus mais les salariés de la classe moyenne. Certes, les entreprises versent plus, très bien, mais ceci ne favorise pas les chômeurs.

Un produit 3a ou 3b ne permet d’épargner qu’un petit montant. Donc inintéressant pour les petits revenus qui ont un taux marginal d’imposition faible et pour les grands revenus pour lesquels ce petit montant est marginal. A signaler qu’avec une paupérisation de la classe moyenne et le rendement inexistant de ces produits, il n’y a guère de «gras» à en tirer.

Les solutions théoriquement simples mais impossibles à mettre en pratique sont:

Que les entreprises arrêtent de mettre au chômage autant de personnes. Un travailleur, un employé sont autant de cotisants alors que le chômeur ne l’est plus.

Si la première solution n’est pas envisagée alors il faudrait augmenter la taxation des entreprises ce qui permettrait de remplir les caisses. Encore faudrait-il que les cantons et, plus largement les pays, arrêtent ensemble leurs offres fiscales aux grandes entreprises. Cette manne fiscale pourrait permettre la mise en place d’un revenu universel minimum qui amortirait la baisse des revenus à la retraite.

Hélas, cette dernière mesure va totalement à l’encontre des théories macro-économiques qui font la une des journaux. Comme le disait Mr Draghi, les états européens devraient mettre en place une fiscalité accommodante pour relancer les économies. Donc moins d’argent dans les caisses des gouvernements et pas de ressources financières pour un revenu universel par exemple.

Une des solutions: l’épargne

La dernière mesure passe par un acte individuel, l’épargne. Les petits revenus ne permettent guère d’épargner mais pour les classes moyennes, il semble que ce soit la meilleure façon d’appréhender le problème de la retraite. L’épargne privée ou 4ème pilier devient le complément indispensable aux piliers existants. Les taux de conversion vont diminuer, les rentes de l’AVS stagner et les frais fixes (assurances diverses, loyer, impôts) augmenter.

La constitution d’un portefeuille dont la composition est différente de celle des caisses de pension et qui correspond au profil de risque individuel est une réponse partielle au problème des rentes futures.

Les jeunes générations, du moins celles qui ne bénéficieront pas d’un héritage conséquent, ne bénéficieront pas des avantages du 2ème pilier comme ce fût le cas pour les générations passées. Il faudra donc que les jeunes épargnent et les banques l’ont bien compris (les récentes publicités de certaines d’entre-elles le démontrent). Encore faut-il savoir si cette épargne sera investie ou non et, si oui, dans quel genre de titres.