Les groupes français du luxe se portent très bien.

Sur les 9 premiers mois de 2019, LVMH a enregistré une hausse de 16% des ventes à €38.4 milliards (+11% de croissance organique), Hermès également de 16% à €5 milliards et Kering de 17.2% à €11.1 milliards. Les groupes français ne ressentent ni le ralentissement économique global, ni le Brexit, ni la situation politique à Hong Kong. Ils gèrent d’une manière extraordinaire la complexité de l’environnement mondial.

LVMH vient de lancer une offre d’achat non-sollicitée sur le joailler new-yorkais Tiffany pour $120, soit $14.5 milliards. Le CEO de Tiffany est Alessandro Bogliolo, l’ancien CEO de Bulgari qui avait vendu Bulgari à LVMH. Pour le moment, pas de commentaire de Tiffany, mais il semblerait, selon les évaluations des analystes financiers, que le prix proposé soit trop bas; un prix adéquat se situerait vers les $160. Ce serait la plus grosse acquisition après les achats de Bulgari en 2011 pour $5.2 milliards, du solde de Christian Dior en 2017 pour $7 milliards et de la chaîne d’hôtels de luxe Belmond en 2018.

Tiffany renforcerait la position de LVMH dans la joaillerie haut de gamme, une activité où LVMH n’est pas n°1 mondial, ainsi que sa présence sur le marché américain. La division Montres & Joaillerie compte pour moins de 9% des ventes du groupe. Dans la joaillerie de luxe, Richemont (Cartier, Van Cleefs & Arpels) est le n°1 mondial, devant Tiffany, suivi par LVMH (Chaumet, Bulgari) et Kering (Boucheron, Pomellato). La demande globale, soutenue par l’émergence de la classe moyenne asiatique et à la hausse du tourisme international, est très résiliente au cycle économique. Contrairement à ce qui se passe dans le luxe, Tiffany n’est pas détenue en main ferme par une famille ou un actionnaire majoritaire. La haute joaillerie est un secteur qui ne peut pas être ignoré par l’industrie du luxe.

Infographie: La France domine le marché du luxe | Statista

Richemont et Kering devraient réagir; pas question de laisser décoller LVMH dans la seule activité où il n’est pas n°1 mondial. Soit Richemont achète Tiffany, soit il prend le risque de voir rapidement Tiffany lui passer devant grâce à la puissance de LVMH. Pour Kering, Tiffany lui permettra d’atteindre une taille critique. Une bataille pour Tiffany permettra de valoriser le groupe américain par le marché, ce qui aura une répercussion positive sur l’évaluation de Richemont.

Avec une capitalisation boursière de $214 milliards ($12 milliards pour Tiffany) et une taille de bilan 15 fois supérieure, LVMH peut acquérir assez facilement Tiffany, même en cas de surenchère. LVMH génère des liquidités libres de plus de €5 milliards par année. Richemont a dépensé l’année passée €2.6 milliards pour acheter le solde du capital de Yoox-Net-à-Porter qu’il ne détenait pas, mais le groupe aurait la capacité d’acquérir Tiffany dans une surenchère jusqu’à $160 par action, soit $19.3 milliards; il a des liquidités de €9.6 milliards et est dans une situation de cash net de €2.2 milliards. Par contre, on ne croit pas que Kering puisse entrer en jeu: le groupe français n’a pas la surface financière, même à $120 par action.

Et si un autre scénario, de fiction, se produisait?

Swatch entre en jeu et propose une fusion d’égal à égal avec Tiffany. Swatch a raté le virage du très haut de gamme dans le luxe et n’a créé aucune valeur pour l’actionnaire. Pas de dette et des fonds propres comptant pour 83% du bilan. Swatch profiterait de l’occasion pour se séparer des montres bas de gamme (plastique) et moyen de gamme pour se concentrer sur le haut de gamme et la joaillerie. Affaire à suivre.

 

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