Faut-il investir plus en Europe? Le vieux continent est-il encore attractif ou devient-il le ventre mou du monde?

Dans un article proposé par Project Syndicate , Slawomir Sierakowski reprend certains propos écrits par l’économiste américain Jeremy Rifkin. Ce dernier proclamait que le XXIe siècle appartiendrait à l’Europe censée représenter une nouvelle « conscience mondiale » et « la libération de l’esclavage du matérialisme », qui sera « remplacée par l’empathie ».

Hélas, Rifkin s’est lourdement trompé. L’Europe est impuissante face aux défis les plus importants: intégration économique et politique des différents membres, renforcer l’OTAN ou préserver la démocratie dans certains pays membres. Un des échecs les plus cuisants s’appelle le Brexit mais n’oublions pas les heurts sociaux en France, le velléités séparatistes catalanes ou la montée en puissance de la droite en Pologne ou en Hongrie.

Peut-être pire encore, l’Europe ressemble de plus en plus à la Chine du XIXe siècle (époque d’une grande humiliation pour les chinois): un empire riche mais faible. Et comment s’exprime la revanche chinoise? En achetant les meilleures usines européennes et en signant des accords économiques (Belt and Road Initiative) avec les pays européens les plus faibles.

Comme le relève Sierakowski, la Chine n’occupait pas une grande place dans l’analyse de Rifkin. Mais l’empire du Milieu semble être le vrai acteur du XXIe siècle. Sa puissance se décline jour après jour dans différents secteurs d’activité. Ce pays est le plus gros exportateur mondial. Il relève tous les défis technologiques, de la 5G, en passant par l’intelligence artificielle et aux voitures électriques.

Face à cette situation, les européens auraient pu soit se renforcer soit se tourner vers les Etats-Unis. La première hypothèse n’est malheureusement pas d’actualité. La deuxième semble fort peu probable tant que Trump dirigera le pays. Dernier exemple en date, dans un article du Washighton Post du 15 janvier, John Hudson et Souad Mekhennet expliquent qu’une semaine avant que l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne n’accusent officiellement l’Iran de violer l’accord nucléaire de 2015, l’administration Trump a fait parvenir aux Européens une menace privée: s’ils refusaient d’appeler Téhéran et de mettre en place un mystérieux mécanisme de règlement des différends, les États-Unis imposeraient un droit de douane de 25% sur les automobiles européennes.

Alors que font les dirigeants européens face à ces défis ? Ils assistent presque impuissants à la trêve entre la Chine et les Etats-Unis et l’assurance d’une augmentation d’importations de produits américains en Chine. Certes, selon l’AFP, l’ambassadeur de l’UE en Chine a rapporté avoir été invité dès le 16 janvier, soit le lendemain de la signature de l’accord sino-américain, au ministère chinois des Affaires étrangères, où il a expliqué avoir «reçu des assurances formelles que les entreprises européennes ne seraient en aucun cas affectées par l’accord». Il précise aussi que les discussions avec la Chine sur un programme d’investissement étaient entrées dans une phase cruciale et que Pékin et Bruxelles avaient pour ambition d’aboutir avant la fin de l’année. Rappelons que ces discussion durent depuis près de sept ans!!

Il n’est donc guère étonnant que les investisseurs américains soient plutôt vendeurs des tires européens. Faut-il suivre le mouvement et se débarrasser des ces action ? Les marchés européens ont largement participé à la hausse de 2019 et ce, grâce en partie aux programmes de rachat d’actions par les sociétés européennes. Si elles le font c’est parce que les taux sont bas et que la rentabilité des ces entreprises et supérieure au coût de leur capital.

Alors on achète?

Les taux resteront bas encore pendant plusieurs mois. Les épargnants institutionnels comme individuels continueront vraisemblablement à se tourner vers des sociétés ayant la capacité de verser des dividendes. En Suisse, les taux des carnets d’épargne sont à zéro et en France le fameux livret A donne un rendement de 0,5%. Alors oui, les actions offrent des rendements supérieurs.

Ecart de rendement entre les actions et le Bund
Source: Facset, MSCI, 31 décembre 2019

Les actions européennes, avec un rendement du dividende moyen d’environ 3,5%, sont plus attractives que les américaines (1,9%) ou celles des pays émergents (3%). Et, comme le graphique le montre, l’écart entre le Bund et le rendement des actions milite encore en faveurs de ces dernières.

Les prévisions des analystes ne respirent pas la confiance en ce qui concerne les marchés européens. Les experts ont largement revu leurs prévisions à la baisse à la fin de l’année passée. La lecture des différents Outlook montre une préférence marquée pour les titres américains et pour ceux des pays émergents. L’Europe est quelque peu mise de côté.

Les prévisions économiques ne font pas sauter de joie les lecteurs du dernier rapport de la BCE. Mais comme nous le savons, l’avenir est difficilement prévisible. Donc si nous pensons que tout ira mal, nous ne pouvons que rebondir. Cela semble être un scénario entendu lors de différentes présentations. La croissance économique ne sera pas extraordinaire en 2020 mais suffisante pour que certains secteurs économiques délaissés par les investisseurs retrouvent un peu de couleur. Les perspectives 2020 de Schroders présentent les titres «value» cycliques comme étant des poches de performance probable. La Financière de l’Echiquier exprime le même sentiment et suggère d’adosser ce type d’investissement aux valeurs de petite et moyenne capitalisations. Mais attention, tous les titres cycliques ne sont pas attrayants donc la sélection reste de mise et la diversification la mère de toutes les vertus d’investissement.

Oui, on achète encore?

Bref, même si les gouvernements européens et les politiciens de Bruxelles ne transpirent pas une force brutale, ils essaient tout de même de montrer du muscle. A cela s’ajoute la politique pour le climat qui est une initiative saluée par les investisseurs et qui permettra sûrement de mettre en place des investissements dans de nouveaux secteurs. Plusieurs secteurs d’activité européens devraient bénéficier de ces projets donc devraient soutenir le cycle économique. Dans ce contexte, il convient encore d’investir dans les marchés suisse et européens.