Il y a des matins – comme celui-là – ce n’est pas facile d’y retourner. Pourtant, lorsque l’on observe les marchés la semaine dernière on se dit que ça ne doit être que du bonheur, puisqu’il n’y a qu’à se baisser pour ramasser n’importe quoi et que ça monte à la fin. Tiens, ça commence peut-être à sentir l’euphorie, finalement. Peut-être seulement.

L’Audio du 17 février 2020

La meilleure défense, c’est l’attaque

Alors que le bilan du Coronavirus ou COVID-19, comme les scientifiques ont décidé de le baptiser, continue d’empirer, les marchés continuent de monter. On a presque l’impression que plus ça empire au niveau des chiffres, plus les investisseurs sautent dans le train et poussent les indices vers des plus hauts historiques. La semaine qui vient de s’écouler n’aura pas été euphorique, puisque que l’on sent bien que les gens conservent une vision ultra-court-terme et personne ne semble enclin à conserver des engagements démesurés durant le week-end.

Pourtant, même si les acheteurs continuent d’acheter, ce ne sont pas les appels à la méfiance qui manquent. Le virus a infecté plus de 70’000 personnes et 1’770 sont mortes – selon le bilan de ce lundi matin – et même si aujourd’hui, nous ne semblons pas être dans la même panique qu’il y a trois semaines, les angoisses arrivent d’ailleurs. En effet, alors que le gouvernement chinois continue d’injecter des milliards dans l’économie pour empêcher le système de caler complètement, les mises en quarantaine de millions de personnes et –in extenso – d’usines et autres sites de production, commence à menacer non-seulement l’économie chinoise mais également le reste du monde qui pourrait s’arrêter de fonctionner, faute de pièces ou de composants en provenance de la Chine.

S’arrêtera, s’arrêtera pas ?

En tous les cas, le marché fait preuve d’une force impressionnante. Force que l’on n’aurait pas soupçonné il y a trois semaines. Il y a trois semaines il aurait suffi d’agiter un masque de protection devant l’entrée de Wall Street pour voir le marché perdre 5%. Aujourd’hui on a presque l’impression que les intervenants hésitent entre continuer à traiter la hausse du marché ou partir 15 jours en vacances en Chine, tellement les billets sont pas chers. En l’espace de 3 semaines nous sommes donc passés de « on va tous mourir, mais avant on va tout vendre » à « anticipons la victoire contre le virus  et ça va repartir à fond derrière ».

Pourtant il y a de quoi se poser des questions, parce qu’il ne faudra pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus. Il ne se passe pas une journée sans qu’une grande banque ou un grand gourou du bear market vienne nous mettre en garde contre le ralentissement économique qui nous guette en Chine et –in extenso en Occident. Nous sommes prévenus, le GDP chinois va stopper net, les prochains chiffres économiques de la région seront abominables et en plus, la plupart des usines à l’Ouest et à l’Est de Pékin pourraient cesser de fonctionner par manque de ces petites pièces indispensables que l’on importe à bas prix depuis la Chine.

Plus rien à vendre

Imaginez qu’Apple ne puisse plus fournir d’iPhone 11, que nous ne puissions plus passer nos journées sur nos smartphones comme d’habitude, que nous soyons obligés de nous contenter de nos « vieux et pathétiques » iPhones X… Imaginez que votre nouvelle voiture que vous avez commandé pour le mois de septembre et que vous attendez déjà religieusement depuis 3 mois, ne soit plus livrable dans les délais parce que l’on n’a plus les pièces en stock pour la finir… et des exemples comme ça, il y en a encore des tonnes.

Non-seulement l’Occident sera ou serait en panne – ou en rupture de stock, mais en plus ce que l’Occident vend en Chine sera mis en difficulté de par le fait que les Chinois préfèrent rester cloîtrés chez eux que de prendre le risque de choper une grippe carabinée juste pour aller acheter un sac à main Vuitton ou la dernière Rolex. En gros, si la situation venait à durer ou à perdurer, il y aurait un double effet « kiss-cool », qui pourrait planter nos industries chez nous par manque de fournisseurs et d’un excès de dépendance chinoise.

Et pourtant ça monte

Il est clair que présenté comme cela, le marché peut donner l’impression d’être en suspension dans l’air et qu’à la moindre mauvaise nouvelle, il pourrait se faire laminer comme un short sur Tesla. Mais pour l’instant, ça monte. Les chiffres du trimestre étaient définitivement bons – ou en tous les cas meilleurs que ce que les analystes nous avaient peint sur le mur des lamentations, les rendements restent toujours tellement minables que les intervenants continuent de se jeter sur les actions et parient sur le fait que la contamination va commencer à ralentir – ce qui était le cas ce week-end – et qu’ensuite on pourra reprendre une expansion saine et vigoureuse, parce qu’après tout, il reste encore le Trade Deal chapitre 2 et 3, puis la réélection de Trump et comme le Sell in May and go away ne fonctionne plus, l’année pourrait être encore belle.

À moins que l’épidémie reprenne de plus belle et que la contagion se fasse aussi au travers de Facebook, Instagram et LinkedIn.

L’or ne fout rien et le pétrole garde espoir

Côté or et pétrole, il ne se passe pas grand-chose. L’or est suspendu à 1585$ et attend quelque chose. Reste à trouver quoi et le baril est à 52$ et des poussières, en baisse de 20% depuis le début de l’année quand Trump a voulu jouer au ball-trap avec l’Iran en tirant sur un général dont on a déjà oublié le nom. Incroyable, il y a 2 mois on parlait de guerre mondiale et en l’espace de 6 semaines c’est oublié et on parle d’épidémie de grippe qui va décimer la planète comme les dinosaures l’ont été par une météorite. Bref, le pétrole (encore merci aux dinosaures à ce propos) s’est pris 20% dans les dents et on se demande si un jour la Chine va reconsommer de l’or noir.

Ce matin le Japon est en baisse de 1% après que le gouvernement ait annoncé une contraction de l’économie de 6.3% annualisé sur le dernier trimestre. Hong Kong est en hausse de 0.45% et la Chine progresse de 1.5% après que la banque centrale locale ait annoncé une baisse des taux et des rachats supplémentaires d’actions. En gros, le message est clair et les Chinois ont bien compris le concept de la BANQUE CENTRALE, ils appliquent les mêmes principes que Powell et Draghi et maintenant, Lagarde, mais en plus violents et en plus massifs. En même temps, c’est un peu nous, les Occidentaux qui leur ont appris comment faire depuis 11 ans. Pour faire simple, si la Banque Centrale Chinoise doit devenir actionnaire majoritaire voir propriétaire de toutes les sociétés côtées en bourse, elle le fera. Ça s’appelle de l’étatisation et ça prouvera au moins que le capitalisme ne fonctionne pas.

Les nouvelles du jour

Pour ce qui des nouvelles du jour, c’est très maigre ce matin. On parle bien sûr du sujet préféré des médias, à savoir COVID19 – Covid-19 ce n’est pas un nouveau robot dans Star Wars, mais le surnom technique du Coronavirus – le sujet du jour est de savoir si la contamination reprend (alors qu’elle avait donné des signes de faiblesse) ou pas. Mais on se demande aussi quand est-ce que Xi Jinping a été mis au courant de l’épidémie – on s’autorise à penser dans les milieux autorisés, mais pas en Chine – qu’il aurait été au courant bien plus tôt que ce qu’il avait prétendu. En Europe, avec une erreur pareille, il n’aurait pas pu se présenter à l’élection pour la Mairie de Paris, mais en Chine, tout le monde s’en fout, de toutes façons il ne va pas démissionner.

Autrement Bayer et Basf ont été condamnés à payer 265 millions de dommages et intérêts à un fermier qui s’est senti floué et forcé à utiliser leurs pesticides. Maintenant le fermier se demande s’il ne va pas se présenter à l’élection présidentielle américaine, puisqu’il suffit visiblement d’avoir des millions pour y arriver. En attendant, l’Allemagne a demandé à Tesla de cesser d’abattre des arbres sur le chantier de sa « giga-factory » sur les terres de Merkel. Ça va être plus compliqué de construire des voitures en laissant pousser les arbres au milieu de l’usine. Pourtant les Tesla’s sont TELLEMENT écologiques que ça devrait largement compenser sur le long terme. Et si ça ne suffit pas, ils enterreront les vieilles batteries SOUS l’usine pour nourrir la terre de bons nutriments.

Economie du jour, bonjour

Côté chiffres économiques, c’est Waterloo morne plaine. Les Américains sont en congé parce que c’est l’anniversaire de Washington et il n’y aura rien d’autre niveau chiffres. Sans compter que les trimestriels sont pratiquement terminés et que l’on se concentre déjà sur les prochains qui arriveront en avril.

En ce qui me concerne, j’ai encore des trucs à dire, mais je vais les garder pour demain. En attendant, je vous souhaite une excellente journée et on se revoit dans 24 heures pour un nouvel update sur COVID19 et la suite des aventures du bull market dans le monde merveilleux de l’industrie sans le made in China.

Thomas Veillet

Investir.ch

“People Who Are Crazy Enough To Think They Can Change The World, Are The Ones Who Do.” – Rob Siltanen