Vendredi, alors que la BCE se lançait également dans un plan de soutien massif à l’économie européenne – pour autant qu’il reste quelque chose de l’Europe, vu que pour le moment ça ressemble plutôt à du « chacun pour soi » - les marchés ont donné l’impression de se stabiliser et pendant un bref instant on a eu l’impression que le « couteau avait fini de tomber » et qu’il y avait à nouveau un peu d’espoir qui pointait le bout de son nez, malgré que Wall Street finissait encore une fois au fond du bac commençant à laisser croire que l’on pourrait vivre le pire mois depuis la grande dépression des années 30 et le krach de 29. Actuellement Wall Street a perdu plus de 24% et une baisse de 6% supplémentaire cette semaine, nous amènerait à des records « HISTORIQUES ». Des choses jamais vues depuis l’époque de la prohibition. Mais malgré tout ça, vendredi soir il y avait un peu d’espoir. Un tout petit peu.

L’Audio du 23 mars 2020

 

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Mais pas dimanche

Et puis dimanche soir est arrivé et tout d’un coup on se dit que l’on pourrait rapidement se retrouver dans les années 30, puisque qu’au milieu de la nuit, lorsque le futur américain commençait sa semaine, il été déjà « stoppé » à la baisse de 5% comme on en a l’habitude depuis des semaines. Alors que l’on venait à peine de finir le film du dimanche soir, on commençait déjà la semaine avec la furieuse envie qu’elle se termine là tout de suite ou que l’on ferme ces bourses mondiales qui continuent de marcher sur la tête, puisque tout le monde y va de son pari personnel et c’est à qui sortira le chiffre qui fait le « plus peur » et tout en sachant pertinemment personne n’en sait rien. Mais c’est pas grave, parce que dans le monde merveilleux de la finance, on n’a pas besoin de savoir, ni de montrer les calculs que l’on a utilisé pour en arriver là ; il suffit de le dire et c’est bon, tout le monde panique – surtout en ce moment.

C’est un peu comme si à l’école on vous demandait de calculer une immense équation à plusieurs inconnues et qu’il vous suffisait de mettre un chiffre au hasard et que personne ne vous demandait comment vous y êtes arrivé et qu’en plus on considère à chaque fois que c’est juste, puisque personne ne connaît la réponse. Mais peu importe, on adore ce genre de prédictions à Wall Street, surtout quand on ne sait plus à quoi se raccrocher. Sans compter qu’en plus du fait que tout le monde balance en l’air des chiffres qui font peur, on s’inquiète de voir et de savoir que le gouvernement ne fait pas assez pour aider Wall Street, ni assez pour aider Main Street.

La politique toujours au top

Une des raisons pour laquelle le marché se fait déjà défoncer en ce premier lundi matin de printemps froid et grisâtre, c’est que les Républicains et les Démocrates n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le dernier plan de soutien en date proposé par les Républicains – celui qui devait voir 1’000 dollars arriver dans la boîte à lettre de chaque Américain. Les deux camps politiques n’ont pas réussi à se mettre d’accord atteignant un score de 47 voix contre 47 voix alors qu’il en fallait au moins 60 pour faire passer la proposition à l’étape suivante. Les Démocrates ont estimé que le plan était trop basé sur Wall Street et pas assez sur Main Street. Elisabeth Warren a annoncé que les Démocrates allaient proposer leur propre plan. Que les Républicains ne manqueront pas de refuser pour les mêmes raisons, probablement.

Cette annonce a donc déplu aux « Traders » qui restent (soi-disant) les maîtres de Wall Street (à moins que ce soit les algos qui ont jugé que les mots publiés hier soir mis ensemble dans une formule mathématique déclenchaient automatiquement des ordres des ventes, allez savoir). Le future a donc entamé la semaine au fond du trou. Sans compter qu’il y a aussi eu l’intervention de James Bullard, patron de la FED de Saint-Louis qui a estimé que la « fermeture partielle de l’économie US » au second trimestre de l’année pourrait entraîner un pic de chômage de 30% et une baisse de 50% du PIB. Inutile de dire que ce genre de déclaration fait toujours plaisir. Il aurait aussi pu se rouler par terre en se plantant une fourchette dans le ventre pour se suicider, en hurlant que tout était foutu, ce qui aurait probablement donné un effet dramatique encore plus important. Mais ça n’aurait servi à rien, puisque de toute façon, après 5% le future et stoppé et il ne peut pas aller plus bas, alors ça ne valait pas la peine de tacher le sol et de foutre en l’air un costard Hugo Boss à 1’500 dollars.

La FED de Saint-Louis

James Bullard c’est le patron de la FED de Saint-Louis. C’est lui qui aurait voulu devenir Calife à la place du Calife en place à la FED actuellement. James Bullard c’est le gars qui venait pleurer à l’époque ou Powell ne baissait pas assez les taux et qui disait que lui, il aurait baissé plus. Pour être franc Bullard aurait dit n’importe quoi pour faire plaisir à son meilleur ami de Washington ; Donald Trump. Je ne dis pas ça pour décrédibiliser le Monsieur… Bon, si, un peu quand même.. Mais je pense que ce qu’il faut surtout relever, c’est les chiffres de Bullard. 30% et 50%. Vous noterez que personne  ne lui a demandé comment il arrivait à des chiffres pareils. Non, parce qu’actuellement, on vient de perdre je ne sais plus combien de capitalisation boursière en quelques semaines, l’économie est dans un stress de malade, la Chine a fermé ses usines pendant 6 semaines, les Gouvernements ont lancé des stimuli de l’ordre de 4’000 milliards au travers de la planète et on ne sait toujours pas comment le Coronavirus va se terminer. Et le gars, il arrive à la télé et il balance 30% de chômage et 50% de baisse de du PIB. ET PERSONNE NE LUI DEMANDE COMMENT IL EST ARRIVÉ À CE CHIFFRE. Personne. Non, parce que si c’était un vrai calcul basé sur des vrais chiffres et des vraies estimations, il serait venu avec un truc du style 26.3% de chômage et une baisse de 47.98% du PIB. Mais non ! Là c’est 30 et 50. Désolé, mais 30 et 50 ça fait un peu des chiffres pris au hasard avec sa secrétaire, juste pour balancer un chiffre :

  • Bon alors… je leur dit combien ???? je dois parler à la télé dans 5 minutes, il me faut des chiffres.
  • Mais je n’en sais rien Monsieur Bullard, je suis juste votre secrétaire.
  • Je sais Kimberley, mais il me faut un truc à dire qui claque, alors je ne sais pas, trouvez-moi des chiffres.
  • Euh, ben je ne sais pas moi, Monsieur Bullard, pour le chômage vous pouvez dire 30% parce que Mnuchin a dit 20% la semaine dernière et ça fera plus agressif, surtout que vous avez réfléchi 3 jours de plus et dites 50% pour le PIB parce que toutes les banques d’affaires on dit moins. Goldman Sachs a dit 25% la semaine dernière et Morgan Stanley 30%, ce week-end. Alors si vous dites 50% ça fera genre « lui il sait un truc que l’on ne sait pas ».
  • Parfait Merci Kimberley, vous faites un super boulot.
  • Merci Monsieur Bullard…

Et le future est en baisse de 5%.

Et tout le monde y va de son opinion

Et puis il n’y a pas que Bullard qui donne son avis. C’est d’ailleurs assez frappant ; dans cette ambiance de fin du monde qui doit rappeler un peu ce qu’ont vécu les dinosaures en voyant passer une météorite dans le ciel, avec bien moins de compétences, bien sûr et aucun accès à du papier toilette dans les environs, surtout ; tout le monde vient à la pêche et donne son opinion avec une assurance inouïe. Une assurance qui donne l’impression qu’ils savaient. Je vous passe la longue liste des tous ceux qui ont une opinion et qui l’expriment avec assurance et maîtrise du langage, parce que grosso-modo, ça donne toujours un peu la même chose, la phrase bateau du moment c’est :

« ça ira mieux un jour, mais d’abord ça sera pire »

Et c’est pas complètement idiot parce que si l’on part du principe qu’une fois que le Corona-truc sera réglé, on sait bien que l’économie va repartir et que les gens vont rapidement oublier tout ça, recommencer à bosser, à produire, à consommer et à polluer – tiens, d’ailleurs, elle est passée où Greta ? – et que si l’on recommence tout comme avant – ou presque – le marché va remonter. D’accord, pas de 50% en trois semaines, mais quand même, il va remonter. Mais si en plus de cette conviction, vous ajoutez que « ça pourrait bien être pire AVANT de remonter », vous faites ce que l’on appelle un HEDGE. Vous ne pouvez pas vous tromper, Parce que si nous sommes 50% plus bas dans 3 mois, c’est que tout sera foutu et la bourse n’aura plus aucun sens et plus personne ne se souviendra de ce que vous avez dit. En revanche si tout s’est stabilisé, que l’on soit 10% plus bas ou 10% plus haut, vous pourrez toujours dire : AH, JE VOUS L’AVAIS DIT !!! et dans les deux cas vous aurez eu raison et vous serez un héros de la nation, un peu comme si vous aviez prévu le 11 septembre.

Pour le reste

Pour le reste, l’Asie est en train de se vautrer de la plus belle des manières pour commencer la semaine. Alors que le Japon est en hausse après une journée de congé et un stimulus local, le reste et totalement en mode panique et s’enfonce inexorablement dans un nouveau lundi noir. La Chine baisse de 1.6%, Hong Kong de 3.8%, l’Australie de 8%, l’Inde de 10%, etc, etc… On se réjouit de voir comment va ouvrir l’Europe qui avait soudainement montré des envies de rebond vendredi dernier. Encore une fois les bourses mondiales entament la semaine de la plus belle des manières parce que les intervenants ne sont pas contents que les USA n’aient pas pris de mesures. Bon, en même temps, lundi dernier on baissait pareil parce que les USA AVAIENT pris des mesures.

Oui, c’est triste à dire, mais actuellement le marché n’est pas content si les gouvernements prennent des mesures parce que ça veut dire qu’ils « PANIQUENT » et le marché n’est pas content quand les gouvernements ne prennent pas de mesures, parce qu’ils ne prennent pas de mesures et que l’économie a besoin d’aide. Mais en même temps, s’ils prenaient des mesures, on baisserait quand même parce que ça voudrait dire qu’ils PANIQUENT… En gros, les marchés, les investisseurs, les Traders et les Algorithmes, ne sont jamais contents en ce moment. Peut-être que si on fermait tout ça pendant un mois, le temps qu’on se calme, ça ne serait pas plus mal. Non, parce que là je ne veux pas faire le mec frustré qui se plaint tout le temps, mais ça donne quand même un peu l’impression que ça devient un tout petit peu n’importe quoi – je peux me tromper, bien sûr, mais si mon chien se comportait comme ça tous les jours, je crois que je le ferais piquer.

Nouvelles du jour et chiffres économiques

En ce qui concerne les nouvelles du jour, je crois que tout est dit. Il y a bien deux ou trois trucs en plus qui n’ont strictement rien à voir avec le Coronavirus et l’effondrement économique qui va avec, mais pour être franc, tout le monde s’en fout. C’est comme les chiffres économiques, plus personne ne les regarde. Il n’y a plus que le Coronavirus et toutes les news anxiogènes qui vont avec.

Personnellement j’ose à peine ouvrir Facebook, j’ai trop peur que l’on m’annonce une attaque de zombies ou une nouvelle conférence de presse du Conseil Fédéral. En attendant je trouve adorable les Français qui pensent qu’ils n’ont « plus qu’une semaine de quarantaine à tenir » alors que l’Italie y est depuis bien plus longtemps et ne s’en sort pas. On attend toujours un signe d’amélioration, mais c’est pas encore gagné. Par contre, la bonne nouvelle du jour, c’est qu’avec tous ces experts sur Facebook, on devrait rapidement trouver un traitement dans un garage quelque part en théorie, puisqu’en théorie, tout se passe bien. Une chose est sûre, dans le doute il vaut mieux rester chez soi et ne pas jouer les héros, ça semble quand même être à peu près la seule chose qui fonctionne et puis ça vaut quand même mieux d’être un trouillon vivant qu’un héros mort.

On va donc laisser ceux qui savent se chauffer sur les marchés, on se réjouit déjà de voir comment sera prise la prochaine prévision apocalyptique d’un quelconque banquier central ou autre politique et tant que l’on n’aura pas compris que « peut-être » la bourse ne se porterait pas plus mal en quarantaine, on va continuer à se faire des montagnes russes et voir des indices de volatilité qui ne veulent plus rien dire…

Dans l’intervalle, je vous souhaite un très bon début de semaine quand même et on se retrouve demain, à la même heure et au même endroit. Excellent lundi à tous !

Thomas Veillet

Investir.ch

 

“All the great things are simple, and many can be expressed in a single word: freedom; justice; honor; duty; mercy; hope.”

Winston Churchill