Je ne dis pas que les marchés sont faciles à comprendre, je ne dis pas que percevoir les tréfonds de l’âme des traders est simple, je ne dis pas qu’il est donné à tout le monde de comprendre du premier coup d’œil ce qui fait vibrer les investisseurs, ce qui va les toucher, mais par contre il y a des fois où je me dis qu’il n’y a aucune logique et que l’on n’est pas plus intelligent que mon labrador qui lui, répond au moins à un certaine logique ; quand il est 19h, il veut manger et quand il est 19h et 12 secondes, il a fini de manger et il pense déjà à être à demain 19h – en attendant il va guetter tout ce qui peut tomber de la table et l’avaler en un millième de seconde, que ce soit un stylo bille ou un poulet entier. Mais il y a une logique : manger tout le temps, beaucoup et en grosses quantités, mais surtout très vite pour être sûr de ne pas rater un autre truc à manger. Par contre, des fois – même souvent – dans le monde merveilleux de la finance en confinement, il n’y a plus de logique.

 L’Audio du 5 mai 2020

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Trade War, mais pas pour tout le monde

Hier matin, à ce même endroit à cette même heure assis à la même table, avec le même PC, avec les yeux encore collés et un gallon de café à côté de moi, j’avais entamé la journée avec un biais fortement négatif sur les marchés. Négatif, parce que les tensions entre la Chine et le USA semblaient reprendre de plus belle, les accusations de Mike Pence et de Donald Trump sur la responsabilité de la Chine au sujet de la provenance du virus laissait poindre une nouvelle Trade War à l’horizon et vu la santé économique actuelle, on pouvait largement se dire que l’on n’avait pas besoin de ça. Sans compter que depuis quelques jours on commençait à douter de la rapidité du retour à la normale pour ce qui est de l’économie. Non, parce qu’en ce qui concerne la santé des uns et des autres, il faut bien reconnaître que ce n’est pas trop le sujet, le sujet c’est surtout de savoir comment on fait pour ramener tous ces gentils consommateurs au boulot, comment on les fait se bourrer tous ensemble dans des bus et des métros pour qu’ils retournent dans leurs bureaux, dans leurs boutiques et dans leurs restaurants et qu’ils consomment, MERDE !!!

Pardon, je m’emporte.

Tout ça pour dire qu’hier matin on était plus dans l’angoisse de voir une Trade War reprendre, histoire de nous flinguer encore un peu plus le commerce international qui est déjà inexistant que dans un optimisme exacerbé parce qu’on a repéré deux clients de suite à la station-service ! Et pourtant ça existe, hier j’attendais le bus en face de l’une d’elle (de station-service) et j’ai vu qu’il y avait un client et deux voitures de plus derrière qui arrivaient. Je me suis dit : « ça y est, l’économie repart !!! » et puis en fait non, c’était juste deux voitures de flics et ils allaient au bistrot. Toujours est- il qu’hier matin ; on doutait et on avait peur. Les futures américains était dans le pâté dès le réveil – enfin, le mien de réveil – et dès l’ouverture en Europe nous vivions un bain de sang programmé.

La Trade War Made in Europe

L’ensemble des marchés européens se sont donc fait démonter dans les règles. Les arguments étaient plus ou moins les mêmes ; craintes sur la rapidité de la reprise, craintes que le rebond d’avril était trop fort et trop vite, craintes que nous puissions éventuellement peut-être retourner au plus bas du mois de mars, craintes que la Trade War (éventuelle) entre les USA et la Chine pourrait faire des victimes collatérales en Europe, surtout en Europe. Et pour terminer, craintes que l’on sorte trop tôt de confinement, que l’on soit tous contaminés dans le premier métro en allant au boulot et que l’on retourne en confinement la semaine suivante. C’est en tous les cas comme ça que l’ont pris les marchés européens. Le bilan est équivoque : le CAC se prend 4.2% dans les dents, le DAX plongeait de 3.64% et l’Italie et l’Espagne faisaient comme l’Allemagne, parce qu’à la fin c’est les Allemands qui gagnent.

Mais en fait, plus ça va, plus je me rends compte que l’Europe c’est un peu le copain déprimé qui est déprimé quoi qu’il arrive. Que même quand tout va bien, il est sûr qu’il y a un truc qui va lui tomber le coin de la figure. Et le pire, c’est qu’à force de croire qu’il est petit, moins fort et moins beau que les autres, dès qu’il y un pigeon qui se soulage en plein vol, c’est sur lui que ça tombe. Eh ben ce copain déprimé ; c’est l’Europe. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais l’an dernier déjà ; à chaque annonce pourrie sur le Trade Deal, l’Europe se faisait défoncer et les USA terminaient la séance légèrement en baisse. Voir des fois en hausse. Comme hier soir. Hier soir les USA ont ouvert en baisse, puis ils ont fait la girouette en voyant que le pétrole passait au-dessus des 20$ et on a fini en hausse. On a fini la journée en hausse alors qu’hier matin c’était tartine au Prozac et café au Xanax, le tout arrosé d’un jus aux extrait de Lexomil Bio. Et tout ça parce que le baril remonte. Soudainement on ne parle plus d’échéance, de problèmes de stockage ou de sous-consommation, non, on a vu un avion dans le ciel et deux voitures de la gendarmerie faire le plein dans une station-service, et on craint soudainement que la production pétrolière soit insuffisante pour faire face à la demande et on met aux oubliettes la Trade War, la peur du virus, la réussite ou l’échec éventuel du déconfinement, sans compter que l’on ne s’intéresse même plus à la NON-visibilité à laquelle les entreprises qui publient ce jours doivent faire face…

Bref, les Européens se sont fait défoncer et les Américains ont fini la journée en hausse, grand classique des marchés financiers à deux vitesses et de l’ascendance psychologique que peuvent avoir les States sur l’Europe, même en confinement.

En Asie

Ce matin en Asie les bourses sont fermées à Tokyo et à Shanghai, autant vous dire que le reste ne fait pas grand-chose. Hong Kong rebondit péniblement de 0.5% après sa déconfiture d’hier et le reste fait pareil. L’or se maintient au-dessus des 1700$ alors que le pétrole, comme mentionné plus tôt, s’envole en direction des 22$ – c’est de la folie, surtout quand on voit le monde qui fait la queue pour faire le plein et l’animation délirante dans les rues. Hier soir suis sorti faire un tour en moto à la tombée de la nuit, j’ai pu faire 12 fois le tour d’un giratoire avant d’apercevoir un autre phare derrière moi et à cette heure, je me demande même si ça n’était pas le mien. Mais apparemment ça consomme sec. En tous les cas, il semblerait que l’on table sur une consommation de pétrole de débile pour la semaine prochaine.

Je ne doute pas que ça devrait augmenter, vu l’effet de base que l’on a. Mais de là à croire que ça va exploser…affaire à suivre. Quoi qu’il en soit, le rebond du pétrole aura redonner le goût à la vie aux indices américains, le secteur pétrolier étant même l’une des meilleures performances de la journée d’hier.

Nouvelles du jour

Tout d’abord on se prépare pour les chiffres de Disney, DuPont, Electronic Arts et Activision. Soyons clairs : on se fout totalement des chiffres de DuPont, on va surtout regarder les trois autres parce qu’ils ont la particularité de faire partie des titres que l’on a pu jouer dans la thématique du « je reste à la maison, donc je m’emmerde et une fois que j’aurais mis les enfants sous sédatif, il faut que je m’occupe » – reste donc les séries à la télé (Disney) ou les jeux vidéo (Activision et Electronic Arts). Ah j’ai oublié de vous dire qu’hier Ferrari a publié ses chiffres, ils sont relativement bons et même si le cheval cabré a réduit ses prévisions pour la fin de l’année, le titre prenait encore 7% hier soir. Maranello a mentionné qu’ils avaient eu quelques annulations de commande aux USA et en Australie à cause du Coronavirus – avis aux amateurs, les contrats vont être vite repris, les clients font la queue à l’entrée de l’usine.

Autrement United Airlines va licencier 30% de son management dès le mois d’octobre – le secteur reste très troublé après les commentaires négatifs et les désinvestissements de Buffet, mais leur tour viendra et les gouvernements les sauveront –bon, d’accord, peut-être pas tous, mais ils les sauveront. Dans la même thématique, GE va supprimer 10’000 jobs dans leur secteur aviation. Pendant ce temps on s’attend à un 9ème défaut de la dette Argentine, comme quoi il ne faut jamais perdre espoir, il y a toujours des records qui peuvent être battus.

Ce soir il y aura trois Présidents de la FED qui parleront – dont Bullard, qui est les plus radical de tous. Et puis au niveau des prédictions et des gens qui savent, l’UBS est super-bullish sur l’or et pense que le métal jaune peut aller à 1800$ facilement. Tout comme bien des Hedge Funds qui sont en train de charger en or comme jamais, mais je pense qu’eux ne parient pas sur les 1800, mais bien plus haut. On terminera encore avec les prévisions de Will Meade qui est un ancien analyste de Goldman Sachs et qui prévoit que le marché devrait chuter encore de 40% d’ici la fin de l’année. Ce qui est bien quand tu bosses avec Goldman Sachs, c’est que même APRÈS, tu peux encore dire que tu y as bossé et ça fait encore de l’effet. Moi, j’ai passé deux jours chez eux en « observateur », vous croyez que je peux mettre : « Selon Thomas Veillet qui a passé deux jours à la machine à café chez Goldman Sachs… »… Mouais, je pense que ça peut le faire.

Chiffres économiques

Les chiffres du jour ayant déjà été mentionnés, il ne reste donc que la misère des chiffres économiques, deux trois PMI et PPI, l’état du consommateur en Suisse, encore fallait-il pouvoir consommer – et puis le Trade Balance aux States, avec l’ISM non-manufacturier, le Redbook et le PMI des services.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.6% parce que le pétrole, c’est trop cool. Et la consommation, c’est trop bon. D’ailleurs je vous préviens, j’ai acheté une tondeuse à gazon et aujourd’hui; je fais le plein, il y a donc risque de pénurie. Ensuite je vais rempoter mes plants de Xanax et de Lexomil et je vous dis : À demain, si vous le voulez bien parce que telle a été cette journée en Suisse et dans le monde à notre connaissance.

Houla.. les effets du confinement se font sentir… D’ailleurs je dois aller à Zürich dans deux jours et je suis tellement excité de voyager, que j’ai l’impression que je pars en Australie en voilier.

Bonne journée à vous.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Everything I have ever bought is in my car. People say it’s a skip and disgusting, and refuse to get in there. That’s one advantage. Another is that last week, I needed a headache pill and it was simply a case of rummaging under the seat until I found one. Because it’s so full of junk, I always have everything I could conceivably need. A Biro, a refreshing drink, lots of loose change, all sorts of maps, an iron lung, and so on. I kid you not. There’s even a wetsuit in there.”

― Jeremy Clarkson, Round the Bend