Je vais être franc avec vous ; hier n’était pas la séance la plus excitante que j’ai connu dans ma vie. Et puis le témoignage de Powell n’a pas non plus changé la face du monde et il est donc probable que celui d’aujourd’hui, qui ne sera que le « replay » de celui de la veille ne va pas non plus changer grand-chose, à moins qu’il ait pris de la drogue pendant la nuit. Et encore, quelque chose de super-fort.

L’Audio du 17 juin 2020

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Le mardi c’est ennuyeux

Je ne suis pas expert en statistiques, mais j’ai de toutes façons l’impression que le mardi est une journée pourrie et que souvent dans l’histoire de la finance, on s’ennuie profondément. Je ne sais pas si l’on peut creuser dans les données financières de ces 30 dernières années mais j’ai le sale sentiment que le mardi c’est pas le jour le plus utile de la semaine.

Pour faire simple, hier nous pouvions diviser notre journée en deux temps. La première partie était dévolue à la suite de la digestion de la nouvelle version du sauvetage organisé par la FED. Nous avons continué de trouver très cool que la FED ait décidé d’acheter un peu plus d’obligations et d’être un peu moins regardant sur la qualité des émetteurs. En plus de cela, on semble de plus en plus convaincus par le plan de sauvetage de la FED et dans le fait qu’ils se sont rapprochés encore un peu plus du héros mythique qui ne nous laissera jamais tomber. Depuis ces derniers jours, nous sommes de plus en plus nombreux à être convaincus que Powell et ses amis magiciens seront toujours là pour nous et que même si le marché devait rebaisser à cause que l’on s’est peut-être un peu trop emballé, la FED sera toujours là. Ils trouveront toujours un moyen de nous aider, on parle même du fait que si les marchés venaient à trop baisser, la FED sera là pour venir carrément acheter des actions en direct. En gros, la banque centrale américaine a donc fait évoluer le concept du « put des banques centrales » au rang de stratégie économique fondamentale. Oui, je sais ça ne veut pas dire grand-chose, mais je suis fatigué ce matin.

Powell au carré

Et puis, la seconde partie de la journée s’est passée devant la télé à regarder le témoignage de Jerome Powell devant les autorités fédérales. Pour faire simple on a passé un bon moment devant nos écrans télé à manger des chips et à boire de la bière pendant que le patron de la FED répondait à des questions sur l’économie, des questions posées par des vieillards grabataires que l’on appelle des « membres du Congrès ». Pour être franc, après le troisième paquet de chez Zweifel, et après avoir descendu un six pack de bière, on a assez rapidement compris que Powell était le type le plus méfiant et le plus prudent de la création. Le Président de la Banque Centrale a persisté dans sa position défensive qui consiste à dire que « ça ne sera pas facile et que la route du recovery sera longue et difficile et que si on n’a pas des bonnes chaussures, on pourrait avoir des cloques ». Par contre, même si l’homme qui murmurait à l’oreille de l’économie a la plus grosse ligne de crédit du monde, il a tout de même expliqué à ce qui est censé servir de pouvoir exécutif aux USA, que sans une nouvelle intervention de la part du Congrès, sans une nouvelle injection de cash dans l’économie, ça serait encore plus long et difficile.

Dans le monde de l’investissement ; on appelle ça un « hedge », une protection. Et dans le monde politique, on appelle ça une patate chaude. En gros Powell a dit que ça serait difficile, qu’il faisait tout ce qu’il pouvait mais que tout seul, il ne pouvait pas non plus TOUT faire. Donc si le Congrès ne réagit pas et que l’on se re-repète la figure, au pire il pourra toujours utiliser la phrase la plus importante du monde de l’investissement : « je vous l’avais dit ». Et en plus c’est enregistré en vidéo.

Journée de hausse mais sans plus

Alors que la journée surfait sur la vague de la dernière mise au point du plan de sauvetage de la FED, le ton moyennement enthousiaste de Powell n’a pas freiné les ardeurs, la fin de journée était résolument positive et les indices continuent de tenter le retour au niveau de la semaine dernière, même si l’augmentation des cas de COVID19 continue de monopoliser l’attention des médias. En terme de performance, les indices européens étaient les vedettes du jour, mais il faut dire que comme ils avaient raté la bonne nouvelle de lundi soir, ils avaient encore du chemin à rattraper. Pour faire simple, la séance d’hier était haussière, calme et résolument positive. Reste à voir comment on va digérer les commentaires de la FED pendant ces 48 prochaines heures – pour le moment les futures sont en baisse d’un quart de pourcent et on se cherche la bonne excuse pour acheter ou pour vendre.

C’est tendu en Asie

Ce matin en Asie on s’est paré de rouge. Ce n’est pas non plus le « Black Wednesday » – ah non, pardon, on n’a plus le droit de dire « Black Wednesday ». Alors disons que ce n’est pas non plus un mercredi apocalyptique, puisque le Nikkei est en baisse de 0.5%, que le Hang Seng plonge de 0.03% et que la Chine se vautre de 0.10%, mais il y a des tensions latentes qui pèsent un peu sur l’ambiance euphorique d’il y a 24 heures. Il faut dire qu’entre deux, les Chinois ont trouvé le moyen de se foutre sur la gueule avec les Indiens pour une sombre histoire de frontière dans l’Himalaya. Comme quoi faut vraiment avoir envie de se taper dessus pour aller pinailler et savoir qui est chez lui à ces altitudes où seulement les Yacks trouvent un intérêt à y vivre. Mais peu importe, 20 soldats indiens ont été tués par l’armée chinoise et même si le chiffre est moins important que le nombre de nouveaux cas de Coronavirus, on ne va pas oublier que quand deux pays qui possèdent l’arme nucléaire se tape sur le coin de la figure, on ne peut que regarder en serrant les fesses. Dans les médias financiers de ce matin on a donc ressorti le bon vieux terme de « tensions géopolitiques » qui fait toujours peur et qui veut tout dire et rien dire à la fois.

En plus des tensions entre les deux pays, tensions qui m’ont tout de même permis de retourner sur Google Maps pour voir où était cette frontière entre les deux pays, pour me rendre compte qu’il faut vraiment avoir un égo surdimensionné pour aller faire la guerre là-bas. Mais bon, en même temps on connaît le Chinois, il est très chafouin et pinailleur quand il s’agit de son territoire. N’importe quel territoire, puisqu’il n’y a pas si longtemps ils étaient à deux doigts de déclencher une guerre mondiale pour une histoire d’île recouverte d’excréments d’oiseaux, où seuls les dits oiseaux habitaient et qu’il n’y avait même pas un Club Med dessus. Mais je m’égare, en plus des tensions géopolitiques, il y a aussi le décompte des contaminés de la deuxième vague de COVID à Pékin. Pékin qui a refermé les écoles et bouclé certains quartiers en espérant contenir tout ça. Pour l’instant ils n’ont pas encore décidé de raser les quartiers au napalm, mais ça ne saurait tarder. Quoi qu’il en soit la communauté financière observe attentivement l’évolution de la nouvelle crise potentielle et se prépare à réagir intelligemment et vendant tout et en partant en courant en levant les bras et en hurlant « Oh My God, Oh My God » le plus fort possible.

Pendant ce temps il n’y a rien à signaler sur l’or et le pétrole. Ils sont plus ou moins là où on les avait laissés hier et je ne vais pas user inutilement les touches de mon clavier quand il n’y rien à dire.

Nouvelles du jour, bonjour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, il faudra retenir que Fauci pousse le gouvernement américain à prendre des mesures pour freiner la contagion du COVID, mais on ne sait pas quelles mesures il prône pour enrayer la chose. Une chose est sûre, il ne devrait pas recommander de « moins tester », puisqu’hier certains politiques estimaient que plus on teste plus y a de cas. Pendant ce temps, on apprend que Trump est en train de mettre en place un plan d’investissement dans les infrastructures, un plan qui prévoit que 1 trillion de dollars seront dépensés ces prochains temps. Pendant que Trump dépense, les ventes de détail américaines ont rebondi de 18% le mois dernier et selon les derniers sondages, les Américains ont « vraiment » envie de dépenser, reste à savoir ce qui les retiens.

Autrement le FT se demande si Edouard Philippe va démissionner ou pas. Pour être franc, s’il y a un truc dont tout le monde se fout, c’est bien ça, mais visiblement, ça occupe le FT. On est au bord d’une guerre entre l’Inde et la Chine et on se demande ce qui pourrait bien se passer si le bras droit du roitelet de l’Elysée s’en allait planter des fraises. Mark Zuckerberg a annoncé qu’il va bientôt y avoir une fonction sur Facebook qui permettra de ne PAS voir les publicités à caractère politique. La fonction se situera en haut à droite de la page ; ça s’appelle « déconnexion ».

Et puis il y a un analyste de Morgan Stanley qui déclare que la seconde vague de COVID19 en Chine NE FERA PAS dérailler le recovery en Asie. On est content de voir qu’il est tellement convaincu de la chose. Et pour terminer, il y a le FMI qui a parlé hier. Alors le FMI c’est le cousin germain de la World Bank ; on ne sait pas trop à quoi ça sert, mais de temps en temps, ils sortent quelque chose qui est censé intéresser le monde. Souvent ils s’inspirent de la recherche de la World Bank, je dirais même que des fois ça pue le « copié/collé ». Ce matin le FMI nous annonce que la crise du COVID sera sans précédent et que ça sera même pire que le pire qui a été prévu. Les mecs ils débarquent trois mois après et surtout après 45% de rebond pour nous faire des théories qui sont les clones de ce que nous a sorti la World Bank il y a trois jours avec un soupçon de catastrophisme en plus… Et tout le monde s’en fout. Ça ne fait même pas la première page des journaux. Bien essayé, mais faudra revenir en deuxième semaine.

Chiffres économiques

Pour ce qui est des chiffres économiques du jour, il n’y aura rien de bien sexy, il aura le CPI en Europe et en Angleterre, les inventaires pétroliers et Powell, le retour du témoignage devant le Congrès, histoire de voir s’il se répète ou pas. Entre le début de la rédaction de cette chronique et maintenant, les futures sont repassés en terrain positif et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, parce que la FED nous aime et ne nous laissera pas tomber.

Il me reste à vous souhaiter une très belle journée – mais avant je voudrais encore aborder deux ou trois trucs administratifs. Tout d’abord je voudrais vous annoncer que la crise est terminée. Oui, la crise est terminée parce que le trafic du site sur lequel vous vous trouvez en ce moment est revenu à la normale. Durant les trois derniers mois, alors que bon nombre d’entre nous luttaient contre l’ennui, vous avez été nombreux à venir nous lire. Maintenant que le soleil revient, que l’on peut retourner faire les courses en France, tout le monde se fiche de la bourse et de la finance et on est revenu à la normale. Perso je trouve que c’était mieux avant, mais merci à ceux qui sont restés. Merci aussi à tous ceux qui se sont inscrit à la Newsletter – le nombre d’abonnés a littéralement explosé et peut-être qu’un jour on pourra la monétiser. Merci aussi à ceux qui se sont inscrit à nos groupes sur LinkedIn et sur Facebook. Et si ce n’est pas fait, n’hésitez pas à y aller, on se sent moins seuls après.

Que votre café soit bon, que votre journée soit belle et on se revoit demain au même endroit.

Thomas Veillet

Investir.ch

« Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça » .Coluche