Donc hier matin la fin du monde était proche. Encore une fois. La résurgence des cas de COVID en Chine, la hausse du nombre de cas aux USA, le fait que l’on prenne conscience que – finalement- on était un peu monté trop vite trop haut avait commencé à prendre le marché en otage et la volatilité commençait à montrer des velléités à la hausse. Bref, l’angoisse et la peur revenait. Comme c’était un sentiment que l’on n’avait plus vécu depuis le 23 mars, c’était plutôt terrifiant à vivre. Et puis la FED est intervenue. Encore.

L’Audio du 16 juin 2020

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La FED c’est les Avengers du vrai monde

Alors finalement, la FED c’est quoi ? Non, parce que si l’on regarde la définition que l’on trouve dans les livres, on apprend que :

  • Qu’elle a été créée en 1913 par le Federal Reserve Act suite à plusieurs crises bancaires, dont la fameuse panique bancaire de 1907. Contrairement à la Banque Centrale Européenne (BCE), dont la mission essentielle est la lutte contre l’inflation, la FED œuvre plus largement pour créer une dynamique économique et favoriser la croissance.

Globalement, la FED a trois axes de travail qui sont :

  • le plein emploi,
  • la stabilité des prix,
  • le contrôle des taux d’intérêt sur le long terme.

Et puis, depuis 2008 elle doit aussi faire monter la bourse. Enfin, pour être franc, au début elle devait l’empêcher de baisser et puis depuis cette année, elle est censée empêcher la baisse et aider la hausse. C’est en tous les cas le sentiment que ça donne. Non, parce que depuis ces derniers mois, je n’ai pas souvent entendu les mots «plein emploi » et « stabilité des prix ». Quant au contrôle des taux d’intérêt, c’est vite réglé : on est à zéro.

Par contre, depuis le début de la crise du pangolin, la FED fait tout pour faire remonter les marchés. La preuve hier. Depuis jeudi dernier on craint que l’économie ne reparte pas aussi vite que les bourses et que le COVID revienne. Sur les indices américains cela s’est traduit par une baisse de plus ou moins 5% – après un rebond de 47% en moins de 3 mois – en Europe on baissait bien plus pour les mêmes raisons, mais en Europe on fait toujours plus que les autres. Probablement à cause d’un complexe d’infériorité vis-à-vis des Américains, vu que c’est quand même eux qui ont inventé le McDonald’s, le Coca, les Nike et le Smartphone qui est une révolution.

Cette baisse de 5% sur le S&P500 était devenue bien plus que ce que la FED pouvait supporter sans intervenir. Alors, tel Tony Stark dans son armure, Powell s’est senti obligé de faire quelque chose pour défendre la planète. Dans le cas de Powell c’était surtout d’empêcher une nouvelle panique avant qu’elle ne prenne trop d’ampleur.

Hier en milieu de séance à Wall Street alors que tout le monde se demandait ce qui allait se passer s’il y avait une seconde vague, si le confinement durerait aussi longtemps que la première fois et si les 950 rouleaux de PQ qu’on a encore à la cave suffiront, la Réserve fédérale a décidé d’acheter de la dette obligataire d’entreprises. Alors ce n’est pas non plus une révolution, puisqu’ils le faisaient déjà. Mais là, ils vont augmenter la quantité – bien qu’à ce stade-là on ne donne plus de plafond – un peu comme pour la dette américaine – et ils vont également élargir le spectre des obligations qu’ils peuvent acheter. En gros ils seront moins regardant sur la qualité de la dette qu’ils vont racheter.

À la fin c’est les gentils qui gagnent

Comme dans un film américain, à l’annonce de la FED le marché qui était en grande difficulté est reparti à la hausse et terminait au plus haut de la journée. Encore une fois, alors que l’on était dans le doute et au bord de replonger dans la dépression et l’angoisse, la FED est arrivée dans son costume de chevalier blanc pour sauver le monde. Encore une fois la FED a expliqué à sa manière qu’elle ne nous laisserait pas tomber et que le marché qui monte tout le temps, c’est maintenant. On peut d’ailleurs presque se demander si à la prochaine « alerte », la FED ne va directement acheter des actions, ça serait quand même beaucoup plus simple.

Alors ne vous méprenez pas. L’annonce de la FED n’a rien résolu du tout au sujet du fait que l’on est peut-être monté trop vite trop haut par rapport à l’économie. Il n’est pas évident que le fait de racheter la totalité de la dette obligataire des sociétés américaines va résoudre le problème de la décroissance économique, mais ça fait effet placebo et on parle d’autre chose. Autre chose comme le fait que Powell est quand même trop chouette de nous aider à faire de l’argent facile.

Et ne vous méprenez pas non plus, le fait qu’il y ait de nouveaux foyer de COVID à droite et à gauche n’a pas disparu des cartes, c’est juste que l’on parle d’autre chose et que l’on s’occupe l’esprit. En Chine on tente de maîtriser la seconde vague et aux USA on tente de ralentir la première. Mais avec l’intervention de la FED, ça a un peu noyé le poisson. D’ailleurs depuis hier, certains experts justifient la hausse du nombre de cas de COVID aux States par le fait que « l’on teste trop ». Que si l’on arrêtait de tester, il y aurait moins de cas. Oui, on peut aussi coller une balle dans la tête de chaque personne testée positive et dire qu’elle est morte dans une fusillade, ça détournera l’attention et ça fera baisser les chiffres.

Bref, hier la FED a stoppé l’hémorragie et ça continue ce matin puisque les futures sont déjà en hausse de 1.6% et on peut parier que l’Europe va galoper derrière pour rattraper le retard accumulé ces derniers jours.

L’Asie frétille de joie

En tous le cas, l’annonce d’hier soir semble remplir de joie les traders du monde entier. Ce matin l’Asie explose de bonheur. Elle explose tellement que l’on a l’impression que Powell a annoncé qu’il rachetait des obligations uniquement au Japon. Le Nikkei est en hausse de 4%, le Hang Seng de 3% et la Chine de trois fois rien. Mais bon, la Chine c’est pas pareil que le reste du monde. Ils ne monteront jamais PARCE QUE les Ricains montent, ça serait trop dur pour leur fierté. Quoi qu’il en soit, ce nouveau « signe fort » comme quoi la FED sera là – peu importe ce qui se passera – qu’elle trouvera toujours un moyen de ne pas nous laisser baisser et que s’il le faut, elle nous fera même monter, reste quelque chose qui booste les acheteurs et qui donne envie aux Bears de retourner hiberner. Non, je crois que l’on vit une époque formidable. On a inventé le Casino qui fait gagner ses clients à la fin. Sans les enterrer dans le désert parce qu’ils ont trop gagné.

Le pétrole repart à la hausse. On frise les 37$. J’imagine que les acheteurs étaient embarqués par l’engouement du moment, le fait que plus jamais on ne baissera et que l’économie va FORCEMENT repartir un jour, qu’elle le veuille ou non. Pourtant, hier BP a pris une charge extraordinaire de 17.5 milliards, parce que le business est devenu « trop dur ». Et quand on écoute leurs commentaires, ça motive moyen d’investir dans le secteur, mais le marché s’en fout, le titre perdait moins de 2%. La même annonce il y a 3 mois, BP perdait 50% de sa valeur. Mais aujourd’hui, on s’en fout. On vit dans un monde merveilleux où les vendeurs vont bientôt être interdits et où la FED est avec nous – quoi qu’il arrive. Même l’or monte en ce moment. On frise les 1735$. C’est bien simple : la FED c’est l’élixir miracle contre tout. Je me demande d’ailleurs si la FED ne devrait pas se lancer dans la recherche médicale, parce que vu comme ils sont forts ; en trois semaines ils auront trouvé un vaccin contre le COVID et ils passeront direct en phase 3.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on retiendra que Zoom est au plus haut de tous les temps, parce que le retour de la pandémie va continuer à favoriser les « conf-calls ». Autrement Tesla a signé un accord avec Glencore pour que la société « suisse » – enfin, suisse entre guillemets – leur fournisse du cobalt pour leurs Giga-Factories en Allemagne et en Chine. En Chine on a « découvert » 27 nouveaux cas de COVID, en pourcentage de la population, ça fait quand même un chiffre avec plus de 5 zéro après la virgule pour que ça ressemble à quelque chose. Ah non, le chiffre vient de changer. C’était 27 cas dans le FT et 40 cas en live sur CNBC. Mais ça fait toujours une chiée de chiffres après la virgule.

La Banque du Japon devrait injecter mille milliards dans l’économie et conserver ses taux inchangé – sans surprise – puis l’Italie, la France, l’Allemagne et la Hollande ont versé 750 millions de dollars à Astra Zeneca pour qu’ils fournissent 300 millions de doses d’un vaccin qui n’existe pas. Dans une économie normale, tu développes un truc qui fonctionne ET ENSUITE tu le vends . Mais aujourd’hui tu DIS que tu VA développer un truc et on te verse déjà le fric avant. Alors à ce propos, hier j’ai acheté une panoplie de chimiste-biotechnologiste sur internet et je pense pouvoir fournir un milliard de dose de vaccin dans 18 mois. Mon adresse mail c’est tv@investir.ch si vous voulez envoyer des propositions de versement anticipé. Si vous êtes un gouvernement, bien sûr.

Et puis, pour terminer, le stratège de Goldman Sachs est bullish sur la tech et bearish sur l’énergie et les société américaines peuvent recommencer à retravailler avec Huawei. Comme quoi y a pas que du mauvais entre la Chine et les USA. Même si on ne parle plus des tensions entre les deux pays parce qu’on est trop occupé avec la FED qui sauve le monde.

Chiffres économiques

Côté chiffres économiques, nous aurons le ZEW en Allemagne, les Retail Sales aux States et Powell qui va témoigner devant le « Joint Economic Committee » à Washington. On ne sait jamais ce qu’il pourrait encore dire pour sauver le monde et ramener le S&P500 au plus haut de tous les temps.

Il me reste qu’à vous souhaiter une belle journée et on se retrouve demain pour la suite du feuilleton qui semble motivant, à voir les futures ce matin. Prenez soin de vous et faites du vélo pour aller en ville, c’est politiquement correct.

Thomas Veillet

Investir.ch

« La différence qu’il y a entre les oiseaux et les hommes politiques, c’est que de temps en temps les oiseaux s’arrêtent de voler ! »

 

Coluche