S’il fallait trouver des raisons pour s’inquiéter pour la suite de l’économie mondiale, trouver des arguments pour douter que le recovery tant attendu soit aussi dynamique que le marché veuille bien le croire, il faudrait plus que 4 pages à cette chronique et il est bien plus que probable que je passe la journée à podcaster tout cela. Mais disons que de nos jours, en cet été 2020 tout particulier que nous vivons, on ne s’intéresse que très peu aux mauvaises nouvelles, voir pas du tout. On doit même en trouver, même les chercher tant les médias sont occupés à nous sortir tout ce qui VA BIEN en ce moment. La seule mauvaise nouvelle qui semble préoccuper certains journalistes, c’est la découverte que même le FC Barcelone peut se faire démonter quand ils jouent au foot – en tous les cas quand ils sont « censés » jouer au foot. Ceci mis à part, le reste n’est que records et bonnes nouvelles dans le monde merveilleux de la finance. On a touché les plus hauts de l’histoire sur le S&P500 il y a deux jours. Le Nasdaq touche les plus hauts de l’histoire un jour sur deux. Si tu as une boîte qui fabrique des voitures électriques tu peux devenir un des hommes les plus riches du monde, même si la boîte en question ne gagne pas une thune et du même coup, tu peux faire partie des 12 hommes qui pèsent 1'000 milliards à 12 et pourtant, malgré cela, même en s’associant, les 12 en question ne pourraient même pas acheter la moitié d’une pomme. Pardon, d’Apple.

L’Audio du 20 août 2020

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Encore un record

En effet, hier soir durant la séance et ce pendant un bref instant, Apple a passé la barre des 2’000 milliards de valorisation. La société fondée par feu Steve Jobs aura mis 38 ans pour passer la barre des 1’000 milliards et deux ans pour franchir celle des 2’000 milliards, si la vitesse d’ascension continue d’accélérer, il est plus que probable que les 3’000 seront atteints en 2021 et qu’ensuite Apple devrait arriver sur Mars bien avant Elon Musk. On ne va pas revenir sur la valorisation du monstre de Cupertino, parce que le pire c’est qu’il n’y à rien dire et que l’on ne peut même pas vomir dessus en disant que « c’est trop cher », « que c’est surévalué ». La société semble faire tout juste et même en plein pandémie, alors que certains d’entre nous sont tétanisés de sortir pendant que d’autres n’attendent que l’occasion de pouvoir retourner en boîte de nuit, la préoccupation principale du monde entier semble se résumer à : « qu’est-ce que je vais bien pouvoir acheter à l’Apple Store aujourd’hui ? », la question suivante étant : « mais debleu, quand c’est qu’il sort cet iPhone 12 ? Mon iPhone X-Pro à 1’800 balles commence à dater !!! ».

Pourtant, hier soir la société n’a rien annoncé de spécial et le sujet dont tout le monde parle à propos d’Apple, c’est le fonctionnement machiavélique de son Apple Store et soudainement tout le monde leur reproche leurs méthodes de travail. Même Facebook estime que les pratiques du géant à la pomme sont discutables. Et Facebook en connait un rayon en termes de pratiques discutables. Mais peu importe, encore une fois, la seule mauvaise nouvelle qui intéresse vraiment les gens, c’est de savoir si Messi va partir jouer en Italie ou pas et pendant ce temps, quoi qu’il arrive ; Apple monte. Alors soit, le titre a terminé sa séance en-dessous des 2’000 milliards de valorisation, mais pas de beaucoup et même à 1998 milliards, on ne va pas pinailler pour quelques milliards, de nos jours ce chiffre est devenu tellement surfait qu’il va falloir commencer à se renseigner pour savoir comment on dit après un million de milliards de millions de trillions.

Le dollar en chute libre

Quoi qu’il en soit, Apple a fini la séance en hausse de 0.13% et à ce stade-là, à titre de comparaison, Apple vaut plus de 6 fois Nestlé ou Tesla – oui, parce que Tesla vaut la même chose que Nestlé. Mais ça vaut aussi 40 fois Airbus ou 20 fois Boeing, ou encore bien plus que le CAC40 dans sa totalité et 12’500 fois Wirecard, mais bon, Wirecard ça compte pas. De toute façon c’est pas gentil de tirer sur les ambulances. Bref, Apple c’était LE RECORD de la journée et le chiffre de la semaine. Pour le reste, on s’est un peu repris en Europe et on a ENFIN réussi à avoir une bonne séance de hausse. Séance de hausse motivée par le fait que l’on s’attend à de nouveaux stimulus – on sait pas trop d’où ni comment, mais à voir la gueule de l’Euro/Dollar, on se dit que les clowns qui dirigent l’Europe vont bien finir par devoir faire quelque chose, parce que sinon ça sera bientôt plus intéressant de prendre l’avion pour aller faire ses courses en dollar directement à New York. En plus de l’enthousiasme généré par ces attentes, les traders européens semblaient optimistes quant à l’arrivée prochaine d’un vaccin contre le COVID – il faudrait peut-être que quelqu’un leur dise que Poutine a déjà trouvé, mais visiblement ça n’intéresse personne. En tous les cas Sinopharm est à bout touchant et pourrait avoir un vaccin pour Noël – quoi de mieux que de s’injecter des virus désactivés autour du sapin – et Moderna est toujours en course et continue d’avancer en espérant être le premier Américain à le sortir. Il ne reste plus que ça.

Et puis il y avait la FED. Il faudra tout de même retenir qu’en ce mercredi 19 août, le marché américain a terminé en baisse parce que la FED a publié les Minutes de son dernier FOMC Meeting – meeting qui date de la fin du mois de juillet – et que, ce qui est écrit dans le long rapport de plusieurs pages écrit en tout petits caractères, petits caractères qui rendraient jaloux une convention de spécialistes en contrats d’assurances, eh bien ça n’a pas plu du tout aux experts en finance que nous sommes – enfin, surtout « qu’ils sont ». Donc il faut bien comprendre que ce n’est pas la FED qui a dit quelque chose de nouveau hier soir, c’est simplement le rapport complet de ce qui s’est dit derrière les portes de la FED durant les deux jours de meeting du 28 et 29 juillet dernier. On peut donc raisonnablement supposer que ce qui a été dit au soir du 29 juillet est plutôt similaire au rapport qui a été publié hier. Il serait plus qu’étonnant que l’oral et l’écrit soit diamétralement opposés et on imagine assez mal Powell et ses potes se dire :

« Hé, les gars, si on faisait une blague et que l’on disait le contraire de ce qu’on va écrire dans les Minutes du FOMC Meeting, comme ça ces couillons ils croiraient que l’on est super bullish sur l’économie alors qu’en fait on a les jetons et qu’on espère sincèrement que le gouvernement il va injecter encore du pognon dans l’économie, sinon on va être très très mal, et du coup, comme on dirait l’inverse de ce qu’on écrit, eh ben le marché il irait dans tous les sens ! Alors, les gars ? Vous en pensez quoi ? »

Mais en fait non, ils n’ont pas fait ça, parce que le stand-up et l’humour potache c’est pas trop le truc de Powell et ses amis. Eux c’est plutôt le style costard-cravate bien serré et bien taillé et ils disent plus ou moins ce qu’ils écrivent ensuite dans les Minutes du FOMC Meeting. Pourtant, le marché, lui, quand on lui répète plus ou moins mot pour mot ce qu’on lui a DÉJÀ dit en juillet, il le prend mal parce que c’est pas très positif. C’était pas très positif, mais il semblerait que lorsque l’on dit deux fois de suite les mêmes choses pas positives, ça compte double. Le marché a donc fini en baisse. Un peu comme il avait fini en baisse après la version orale des Minutes qui date du 29 juillet.

En gros, oui, la FED est inquiète pour l’économie et espère une nouvelle aide gouvernementale – quelle surprise – rien de très nouveau, mais au moins j’aurais pu écrire une page là-dessus.

L’Asie compatit

Mais visiblement ces « minutes » que l’on se répète encore et encore ont également des conséquences sur les marchés asiatiques, puisque ce matin tout le monde est dans le rouge. Le Nikkei plonge de près de 1% tout comme Shanghai, et Hong Kong recule de 2%. La raison du sell-off actuel, vous l’aurez compris ; c’est la FED. Encore elle.

Et puis, hier l’Euro/Dollar a donc fait des siennes. Tout d’abord il a pété ses résistances en allant chatouiller les 1.1950 – et tout d’un coup, pouf, on s’est retourné pour partir en vrille en direction des 1.1850 – ou nous nous trouvons ce matin. Pour être franc, ça doit être la 833ème fois de ma carrière que je croyais avoir compris le fonctionnement des monnaies, mais en fait : non. Je n’y comprends toujours rien et je pense qu’il va falloir commencer à arrêter de se faire des illusions. Du côté de l’or, on va dire que les mouvements des monnaies ont eu raison de ses supports à 2’000$ – là tout de suite le métal se traite à 1950$ et mon ami le baril est à 42.70$ et a ENCORE une fois refusé les 43$. Mais ça va venir.

Les nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, je vais passer sur le sujet de la convention des Démocrates. Convention qui a donc permis à tous les Démocrates présents de dire du mal de Trump, de voir Kamala Harris accepter son poste éventuel de Vice-Présidente et aussi quelques photos suspectes de Bill Clinton en compagnie de Jeffrey Epstein. Mais autrement, il y a aussi le fait que l’on commente encore et encore les Minutes du FOMC Meeting qui sont en train de contaminer les marchés asiatiques, comme quoi on peut aussi faire du neuf avec du vieux. Hier soir il y a aussi Nvidia qui a publié ses résultats trimestriels qui sont plus ou moins en ligne, avec des commentaires plutôt plaisants en ce qui concerne l’avenir. Mais au vu du rallye récent, il y a eu quelques prises de profits, somme toute assez logique, mais rien de bien grave.

Chart de GILEAD – Source : Tradingview.com

Pour le reste, Wirecard va sortir du DAX – ce qui n’est pas une « monstre » surprise. On notera aussi que les rachats d’actions ont été divisés par deux depuis le début de la pandémie, là aussi, sans surprise. Johnson & Johnson rachète  la société de Biotech Momenta Pharmaceuticals pour $6.5 milliards et la FDA a rejeté un médicament de Gilead contre l’arthrite, mais ça n’intéresse plus personne parce que plus personne n’a de l’arthrite depuis qu’il n’y a plus qu’une seule maladie sur terre : le COVID. Côté chiffres économiques, il y aura le PPI en Allemagne et la BCE qui publiera SES MINUTES à elle, inutile de vous dire de faire attention à ces dernières et à l’interprétation qui pourrait en être faite. Et aux USA nous aurons les Jobless Claims et le Philly Fed. À l’heure où je vous parle les futures sont en baisse de 0.5% et il semblerait que ce n’est pas ce soir que l’on battra à nouveau les records historiques du S&P, ni ceux d’Apple.

Voilà, je vais donc aller déjeuner avec ma pomme du matin et je vous retrouve demain, ici-même, pour parler du fait que l’économie ne va pas bien et que, visiblement c’est une surprise pour certains depuis quelques heures. Bon, heureusement que notre mémoire à court terme est vraiment très « à court terme ». Passez une excellente journée et à demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

« If you set your goals ridiculously high and it’s a failure, you will fail above everyone else’s success. »

 

-James Cameron