On ne va pas se mentir, la journée d’hier n’aura pas été la séance la plus sexy du siècle. Peu de nouvelles, des chiffres économiques maigrichons et pas terribles que l’on préfère oublier, pas ou peu de news du côté politique et toujours beaucoup d’interrogations sur l’avenir de ce marché qui semble en pause ou à bout de souffle. Mais cependant, pendant que l’on s’interroge sur l’avenir des indices et que l’on se demande quand est-ce que ce foutu S&P500 va finir par battre son foutu record, il y a une chose qui semble avoir pris de l’importance, c’est le retour des analystes. Ou plutôt le retour de l’importance de l’avis des analystes financiers. Hier c’est grâce à deux d’entre eux que le Nasdaq a pu, lui, battre un nouveau record pour l’année 2020. On doit être à 32 ou 33 records battus cette année et tout ça, grâce à quelques titres et cette fois ce ne sont pas les « Usual Suspects », la relève arrive.

L’Audio du 18 août 2020

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« On vous l’avait dit » est de retour

Si l’on doit prendre les meilleures performances du Nasdaq hier soir, il faut retenir Tesla, Zoom, JD.com et Nvidia. Si l’on exclut JD.com qui est monté suite à des bons chiffres trimestriels et qui ne compte pas vraiment parce que c’est une boîte chinoise et qu’en ce moment, les boîtes chinoises, on préfère éviter. Il faut aussi exclure Zoom, qui prenait 8% parce qu’ils offrent de plus en plus de services un peu partout dans le monde et qu’en plus comme on va tous être obligés de rester à la maison pour travailler jusqu’en 2025, ça fait du sens. Mais pour être franc, les deux titres qui ont cartonné hier soir ; c’est Tesla et Nvidia.

Tesla vient donc ENCORE de prendre 30% en l’espace d’une semaine et plus de 10% rien qu’hier soir. Mais la raison de la hausse d’hier n’est pas basée sur une nouvelle annoncée par Elon Musk. Non, Tesla ne va pas ouvrir une « gigafactory » dans la rue avoisinante du Kremlin. Non, Tesla ne se lance par en Formule Un électrique. Non, Tesla ne sort pas une trottinette électrique révolutionnaire qui vole. Il se trouve qu’il y a simplement un analyste, quelque part qui a modifié son « objectif de prix » de 1800$ à 1900$. Donc le mec, il passe de 1800 à 1900 – ce qui fait une modification cosmétique de l’objectif de 5% et des brouettes et sur la nouvelle le titre prend 11.2%. Il se retrouve du même coup à 65$ de l’objectif en question, tout en précisant que l’analyste en question n’a pas dit : « mercredi soir, le titre sera à 1900$ ». Il a dit « un jour Tesla ira à 1900 » – ce genre d’objectif n’a pas forcément de date qui vont avec – c’est déjà assez difficile d’être juste sur le prix, alors si en plus on se colle la date en plus comme challenge, autant jouer à l’Euromillions. Je dirais même qu’en général ce genre d’objectif est pour les 12 prochains mois – tacitement en tous les cas. Mais bon, là on est en 2020 et la techno c’est déjà très cool, mais Tesla, c’est encore mieux.

Souvenirs, souvenirs

Donc les intervenants se sont emballés sur l’upgrade de Dan Ives de chez Wedbush – oui, moi non plus je ne le connais pas – qui a vise les 1900 et qui constate une accélération de la demande en Chine pour les voitures d’Elon Musk. En revanche, si on lit sa recommandation il ne dit pas qu’il faut « acheter à ces niveaux »- heureusement, sinon on serait à 2500 dollars sur Tesla – il dit juste que l’on va aller 100$ plus haut que ce qu’il attendait avant… 100$ sur Tesla, c’est plus ou moins 5% – je dis ça, je dis rien – À noter que Dan Ives a dorénavant le 4ème « price target » le plus haut sur Tesla. C’est bien. Ça fait toujours bien sur le CV : « t’as fait quoi dans ta vie ? – ben, j’ai été le 4ème price target le plus haut sur Tesla – c’est bon. On t’engage. ». Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Hier il y a aussi l’analyste de Susquehanna, Christopher Rolland – Oui, là non plus je ne connaissais pas – qui a upgradé l’objectif de 450$ à 540$ sur Nvidia. Là aussi, le titre a pris plus de 6%, dépassait les 300 milliards de capitalisation boursière et faisait fi des chiffres qui sortiront le 19 août.

La hausse de ces deux titres a permis au Nasdaq de battre un nouveau record d’altitude et sans l’aide d’Apple, Amazon ou Facebook. Au-delà du fait que « plus c’est haut, plus c’est beau », il y a un truc qui m’interpelle. Permettez-moi de faire référence à mon âge et à mon expérience de déjà-vu, mais disons que cette soudaine folie pour les « recommandations des analystes » me rappelle furieusement quelque chose (encore). Pour ce faire, je vais devoir vous ramener 20 ans en arrière. Une époque que les moins de 42 ans et demi ne peuvent pas connaître. En ce temps-là, les analystes étaient érigés au rang de demi-dieux de la finance parce qu’ils donnaient des objectifs 300% plus haut, tout le monde les écoutait et les titres montaient. Ces types étaient des « Rock-Stars ». Quand ils venaient faire des présentations dans le monde entier, les gens se battaient pour aller les voir, parce que l’on pensait que ces mecs savaient lire les marchés et qu’ils « voyaient » où allait aller telle ou telle action.

Et la musique s’est arrêtée

Avec la débandade de l’explosion de la bulle internet en l’an 2000 et le fait que les procès sont arrivés en masse chez les employeurs des analystes en question, on leur a demandé de faire profil bas et les prévisions du style : Tesla va à 5’000 dollars », ont été priées de se transformer en déclaration un peu plus « politiquement correcte » – quelque chose qui se rapprochait plus d’une phrase dans laquelle on intégrait 12 fois le conditionnel et en mettant des « si » entre chaque mot. Les prévisions se sont transformées en « constatations » et l’analyste en diplomate de la finance.

Et puis 2020 est arrivé et depuis quelques temps – comme hier, par exemple – on a presque l’impression que les « Rock Stars » de la finance sont de retour. Lorsque l’on voit que les nouveaux objectifs de prix de Dan Ives ou de Christopher Rolland ont la capacité d’emmener le Nasdaq au plus haut et de faire exploser de près de 10% des titres qui ont repris 175% et 430% depuis le 23 mars, on peut se demander si l’on n’est pas en train de se refaire une petite euphorie type an 2000. Reste juste à savoir où est-ce que cette euphorie va s’arrêter. Mais à mon sens, on est encore bien dedans et on n’a pas fini de voir des mecs venir sur le marché avec des objectifs toujours plus hauts, juste histoire d’être une fois dans leur vie « l’analyste qui a le price target le plus haut sur Tesla ». Tenez, puisque c’est comme ça, moi je prédis que Nvidia va à 1’000$, je deviens donc l’analyste – bien que je n’en sois pas un (et de loin) – qui a l’objectif le plus haut sur NVIDIA. Je l’aurais écrit le mardi 18 août 2020 à 6h11 du matin.

Pendant ce temps, le reste des marchés n’ont strictement rien fait. L’Europe était dans le coma, le Dow Jones terminait en baisse parce que Boeing continue de se restructurer et que là tout de suite personne n’a envie de prendre l’avion – sauf sous la torture – et le S&P500 terminait sa journée à quelques millimètres de son record tant attendu.

L’Asie ne va nulle part

Hier l’Asie s’est envolée. Enfin, surtout la Chine parce qu’ils ont annoncé un nouveau « stimulus » économique et que chez eux ça rigole, parce que le virus semble passé et qu’ils relancent la machine à fond la caisse pendant que nous, en Occident on pinaille avec nos masques et nos gouvernements ne savent plus comment justifier la seconde vague pour garder les gens silencieux, calmes et sous contrôle. Silencieux, calmes et sous contrôle, mais pas en train de relancer l’économie. On en est presque à se demander si les Chinois n’ont pas inventé ça pour faire caler les économies occidentales pendant qu’ils relancent la leur. Mais je m’emballe dans la théorie du complot et dans trois minutes je vais vous dire qu’on n’est pas allé sur la lune. Toujours est-il que ce matin l’Asie ne fait rien et qu’elle récupère se de son injection de la veille.

Par contre l’or brille à nouveau et il repasse les 2000$ là tout de suite. Du coup on sent le retour de la confiance. Soudainement – alors que l’on était un peu crispé ces derniers jours – on revient avec la certitude que le métal jaune va aller au plus haut de tous les temps encore et que même le plus haut de tous les temps, ne sera rien à côté de là où il sera dans trois semaines, dans trois mois et dans trois ans. Il faut dire que la polémique liée au fait que Warren Buffet achète de l’or et des minières, aide pas mal. Hier encore Barrick Gold a pris 11% sur l’histoire de Warren Buffet et tout le monde se jette sur les valeurs minières et c’est le nouveau Graal. C’est pas encore Tesla, mais ça ne saurait tarder. L’or est donc à 2’000$ et Barrick est à 30$ alors qu’elle se traitait à 12$ en mars.

Graphique de Barrick Gold – Source : Tradingview.com

Le pétrole est 42.72$ et même s’il ne montre pas une forme olympique, il refuse de baisser pour de vrai et quand quelque chose refuse de baisser, c’est qu’il va monter. C’est plus fort que moi, mais je n’arrête pas de le voir en direction des 50$ et j’en rêve la nuit.

Les nouvelles du jour

En ce qui concerne les nouvelles du jour, c’est très mince. On parle de la convention Démocrate qui se base surtout sur le fait que Trump est un « mauvais Président », un « méchant Président », un « incompétent Président » et qu’il est « mauvais pour les Etats-Unis ». Par contre, on entend peu parler des compétences et des formidables capacités de leadership de Joe Biden, de sa capacité à fédérer derrière lui et de son immense charisme. En gros, Biden est le Président idéal « par défaut ». Il est nul et tout le monde le sait, mais si on doit choisir entre l’homme aux cheveux oranges qui murmurait à l’oreille des oiseaux bleus et Joe Biden, on se rabat sur le moins pire. Ou pas. Pauvre Amérique. Nous au moins on a Madame Sommaruga, Monsieur Berset qui fait vendre des T-Shirts avec « Il faut agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire » marqué dessus. Et puis il y a Guy Parmelin – qui est un peu le pendant de Biden, sauf que Biden, lui, il parle anglais.

Pour le reste, il y a Oracle qui est en discussion pour acquérir Tik-Tok. Je sens que le sujet va faire couler de l’encre ces prochains jours. Un ancien officier de la CIA vient d’être arrêté pour avoir espionné en faveur de la Chine, le Yuan n’a visiblement pas d’odeur. Et Michelle Obama vient de déclarer que Trump n’est pas fait pour être Président et dès demain elle va également sortir son livre qui s’intitule : « Comment j’ai découvert que l’eau ça mouillait et autres vérités que l’on nous cache ». Au chapitre du COVID dont tout le monde se fout, sauf les gouvernements, on apprend que tous les jours 50’000 personnes sont contaminées aux USA. On ne nous parle pas du nombre qui sont hospitalisés, ni du nombre de morts, parce que ça ferait moins peur et ça serait pas drôle. Il y a aussi Singapour qui annonce un nouveau stimulus, pendant que Genève prolonge courageusement la fermeture des boîtes de nuit jusqu’au 10 septembre. Et puis, l’analyste de Deutsche Bank pense que Nikola – qui, en théorie fabriquera un jour des voitures électriques, est un « achat », sans visiblement préciser un objectif de prix, il ajoute que GM est également une bonne idée d’achat. Au chapitre Fintech, l’application de trading Robinhood est valorisée dorénavant à 11.2 milliards après un dernier round de financement.

Pour ce qui est des chiffres économiques, il y aura les nouveaux permis de construire aux USA et les nouveaux chantiers. Pour le reste, rien. Du vent. Par contre en début d’après-midi, il faudra surveiller les chiffres de Wal-Mart et de Home Depot. Actuellement les futures sont quasi-inchangés et il n’y a pas grand-chose à dire, ni à retenir de plus, si ce n’est le retour en grâce de la caste supérieure du monde de la finance que l’on nomme communément : les analystes.

Passez une très belle journée et à demain pour de nouvelles aventures avec des objectifs de folie, de l’or et des minières qui explosent.

Thomas Veillet

Investir.ch

“OCTOBER: This is one of the peculiarly dangerous months to speculate in stocks. The others are July, January, September, April, November, May, March, June, December, August, and February.”

 

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