La semaine dernière aura été une semaine typique du mois d’août – mais comme nous sommes en 2020, autant dire que même une semaine « typique du mois d’août » n’est pas une semaine comme les autres. On a donc eu des chiffres qui étaient meilleurs que les attentes à tous les niveaux : dans les publications trimestrielles, dans les publications économiques, mais aussi dans le nombre de contamination du COVID – parce que même si tout le monde s’en fout, il faut tout de même le noter. Quoi qu’il en soit, on a tout juste l’impression que tout va très bien, qu’aux USA tout le monde bosse chez Goldman Sachs et qu’avec leurs salaires de Ministres, ils continuent à vivre, à dépenser et à faire des vacances de rêve à la plage. Les choses vont tellement bien que les marchés continuent de prendre de l’avance sur ce « fameux » recovery économique annoncé par tout le monde depuis le mois de mars – on ne cherche même pas à savoir ce que l’on va faire si le recovery ne vient pas, puisque c’est une évidence. Il n’y a qu’à voir les multiples records du Nasdaq et le chart du S&P500 qui ne laisse aucun doute sur le fait que cette semaine qui vient devrait également marquer le plus haut de tous les temps pour l’indice des 500 plus grosses boîtes américaines. Pourtant Trump continue de se fâcher avec la Chine et Démocrates et Républicains ne parviennent tellement pas à se mettre d’accord que le Président a dû utiliser la manière forte et faire passer le tout via « executives orders » en ce qui concerne son dernier stimulus en date.

L’Audio du 10 août 2020

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Mais on crée de l’emploi à la pelle

Et puis vendredi dernier on a publié les chiffres de l’emploi, les fameux « non-farm payrolls » – les NFP pour les experts. Oh, sans surprise ils étaient au-dessus des attentes – bien qu’il ne soit pas simple de déterminer des « attentes », tellement il y avait de tout et n’importe quoi. Mais toujours est-il que l’on va dire que le « consensus » officiel était de 1.6 millions de jobs créés et que ça a été largement battu avec 1.8 millions d’emplois créés. C’est Byzance, ça rigole et tout va bien aux USA. Bon, c’était nettement moins bien que les 4.8 millions du mois dernier – 4.8 millions qui ont d’ailleurs été révisé à la baisse de 9’000 emplois – mais c’est dérisoire, bien évidemment. Tout le monde se congratule de voir des chiffres pareils, le chômage chute à 10.2%, mais le « bureau des statistiques de l’emploi » se gargarise et confirme : « L’amélioration du marché du travail a reflété la reprise continue de l’activité qui avait été réduite en raison de la pandémie de coronavirus (COVID-19) et des efforts qui avaient été fait pour le contenir. » – si on avait un doute sur le fait que tout allait bien, le bureau des statistiques a clairement fait place nette sur le sujet.

Les marchés ont donc terminé au plus haut de la semaine – sauf le Nasdaq qui a terminé en baisse, souffrant de quelques prises de profits sur les stars du monde de la finance. D’ailleurs on n’a pas perdu de temps pour annoncer que quelque chose était en train de se passer et que les « rotations » de secteur avaient commencé. Oui, parce que si on veut que le S&P500 aille au plus haut de tous les temps, il faudrait aussi que le reste monte un peu. On n’en est plus très loin, donc du coup ça serait pas mal de faire monter les 76% autres pourcents de l’indice. On a donc eu droit à des théories sur le sujet et il faut s’attendre à une nouvelle semaine de hausse, une semaine de hausse sans volume et sans personne, puisqu’on n’a jamais eu autant l’impression que tout le monde était parti en vacances en même temps. Pour une fois que tout le monde reste dans son pays, on a l’impression que ceux qui sont partis ont totalement déconnecté. Enfin, sauf des réseaux sociaux, parce qu’il faut quand même pas déconner.

Des certitudes un peu partout

Quoi qu’il en soit, nous sommes dans un monde de certitudes. C’est étrange, parce que le 23 mars lorsque l’on se faisait défoncer à coup de ventes massives et d’objectifs à zéro, il n’y avait que peu de conviction sur le fait que l’on puisse remonter un jour et sur le fait que l’on puisse imaginer que les choses reviennent à la normale et que l’on survive à cette récession massive. Mais pourtant aujourd’hui, je n’ai jamais vu autant de monde convaincu du fait que le marché va aller plus haut, que la techno va aller plus haut, que l’or va aller plus haut – c’est surtout l’or qui va aller plus haut, lui on commence à entendre qu’il va aller plus haut pratiquement partout où l’on va – tout le monde a une opinion, tout le monde est convaincu et tout le monde sait. Même le type qui n’a jamais traité d’or de sa vie, qui n’a jamais suivi l’or de sa vie et qui ne sait rien sur l’or, ce type-là, il ne sait qu’une chose, que l’or va aller à 3’000$.

Mais ce n’est pas que là qu’il y a des certitudes. On a l’impression que l’on n’a plus peur de rien, que l’on sait que l’on est dans une grosse bulle euphorique mais que l’on s’en fout totalement. La seule chose que l’on veut ; c’est devenir très riche et très vite et comme on est tellement fort parce que l’on sait tout, on verra tout de suite quand le marché va se retourner et qu’il va commencer à baisser. On sortira à ce moment très précis, tout auréolé de notre gloire et satisfaits de notre capacité à anticiper, mais surtout : notre capacité à savoir.

Trump a pris la main

Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir en ce lundi matin, c’est que Trump a donc forcé la main à ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui et il a mis en place un plan de stimulus supplémentaire pour permettre aux Américains qui ne font pas partie des 4.8 millions d’emplois créés en juin, ni des 1.8 millions de jobs crées en juillet et qui ne sont pas du tout certain de trouver un job en août. Les experts juridiques pensent qu’il n’a pas trop le droit de faire ça, mais en même temps, sachant combien de temps il faut à des experts juridiques pour se mettre d’accord et sachant que personne n’osera retirer le pain de la bouche à des Américains au chômage, on se demande bien ce qui pourrait empêcher Trump de faire ce qu’il veut.

En temps normal on aurait pu dire. Joe Biden, le type qui voudrait devenir Président à la place du Président, mais Joe Biden est bien trop occupé à essayer de récupérer ses conneries de la semaine dernière et il ne peut pas trop s’occuper de Trump pour le moment. En effet, Biden n’a rien trouvé de mieux que de dire que les Afro-Américains manquaient de diversité. On ne sait pas trop ce que ça veut dire, mais disons qu’en pleine mode « Black lives matter », il y avait mieux à faire et à dire. Mais cela montre surtout que Biden était complètement idiot et spécialistes des gaffes en tous genres sous Obama et qu’il n’a pas perdu la main quand il est tout seul. Quoi qu’il en soit, Trump se fait plaisir, d’un côté il soutient le peuple, de l’autre il humilie Biden sur Twitter et pour terminer il continue à boycotter tout ce qui vient de Chine, même la cuisine de la Maison Blanche n’a plus le droit de servir des nems ou du riz cantonais.

En Asie

Ce matin en Asie, il ne se passe pas grand-chose. Les « executives orders » de Trump n’ont pas grand effet et les traders se demandent quoi faire ce matin. Le Japon est fermé pour cause de « jour de la montagne » – si on avait ça en Suisse, on serait toute l’année en vacances – et pendant ce temps, la Chine a arrêté, Jimmy Lai, le magnat de la presse à Hong Kong, sous prétexte qu’il a violé la nouvelle loi martiale qui autorise le peuple à fermer sa gueule et à ne rien dire de mal sur la Chine. Du coup, Jimmy Lai peut être détenu n’importe où et surtout dans une prison chinoise tout au Nord du pays. Globalement vous me direz que ça nous fait une belle jambe en tant qu’investisseur, mais disons que vu l’ambiance, il ne faut pas négliger le fait que les Américains vont sûrement beugler aux violations des droits de la presse, ce qui devrait resserrer encore un peu plus les liens entre Pékin et Washington.

Pour ce qui est du reste des trucs que l’on regarde et qui sont indispensables même si on sait que ça va à 3’000$, il y a l’or. Le métal jaune est en phase de « reversal », puisqu’il nous a fait un « plus haut de l’histoire du monde » à 2075$ vendredi dernier et que depuis, il est revenu à 2028$. Bon, c’est pas grave, si l’on en croit la littérature financière aujourd’hui, il est plus qu’évident que c’est tout simplement l’opportunité d’achat d’une vie entière, puisque tout le monde sait OÙ va l’or. Oui, d’accord, le Dollar semble aussi vouloir partir dans l’autre direction mais c’est un détail. L’or est un coup sûr et tout le monde le sait, alors faut arrêter de pinailler. Retenons tout de même au passage que les coups sûrs j’en ai vu plein dans ma vie et certains, j’ai même pas encore cicatrisé. Mais bon, le coup de l’or, c’est sûrement pas pareil, parce c’est différent.

Au passage, on notera que le pétrole est à 41.92$. Techniquement, l’or noir semble à la croisée des chemins. Il a l’air d’avoir de la peine à casser la zone des 42$, ce qui correspond aussi à la moyenne mobile des 200 jours, mais s’il passe au travers, il n’est pas exclu que l’on assiste à un rallye en direction des 45$ et à ce moment très précis, tout le monde viendra nous dire que le pétrole a fait une « golden cross » – formation technique qui consiste à voir la moyenne mobile des 50 jours passer au-dessus de celle des 200 jours, ce qui est extrêmement bullish pour les chasseurs de tendances. Ça serait une bonne nouvelle pour Aramco, parce que quand on voit la tronche de leurs résultats publiés ce week-end, on a presque envie de lancer une collecte pour soutenir le gouvernement Saoudien. J’ai dit « presque ».

Les nouvelles fraîches du lundi matin

En ce qui concerne les nouvelles du jour, j’en ai déjà un peu parlé plus tôt dans cette chronique, mais en addition on notera que les Démocrates Américains estiment que la décision de Trump est anticonstitutionnelle. Le contraire m’aurait étonné. Reste plus qu’à voir ce que l’on va en faire. On parle aussi beaucoup de l’arrestation de Jimmy Lai et aussi de Macron qui est soudainement devenu un expert au sujet du Liban, puisque depuis qu’il est allé là-bas, il a décidé d’expliquer aux Libanais comment on gouverne – en fait, tout ce qu’il n’arrive pas à faire chez lui, il va expliquer aux autres comment faire. Et puis si au passage, il arrive à vendre du matos français, il aura au moins fait son boulot de VRP de luxe.

Il y a aussi eu des chiffres économiques en Chine, le CPI était à 2.7%, un peu plus fort qu’attendu, mais selon les experts, on ne peut pas dire que l’inflation revient au galop. Et puis le Barron’s commence à se préparer pour les élections et propose des solutions pour « protéger » vos portefeuilles pendant et après les élections. À ce sujet, je rappelle pour mémoire qu’il y a 4 ans les visionnaires politico-économiques nous prédisaient un krach boursier en cas d’élection de Trump. 4 ans plus tard et une pandémie après, le S&P500 est en hausse de 60% et cette semaine, le même S&P500 devrait toucher son plus haut historique. Je suis presque prêt à prendre les paris, il reste 40 points à faire sur le S&P500 pour battre le record et ça ferait quand même pas mal sur le CV d’y arriver du premier coup, en pleine pandémie alors que le nombre de cas de contamination ne baissent pas aux States.

Chart du S&P500 – Source : Tradingview.com

Pour le moment les futures sont légèrement en hausse, on attend encore une semaine de résultats trimestriels, même si la popularité des noms a tendance à baisser, on s’y intéresse un peu quand même. Si vous voulez vous y intéresser, cette semaine on attend Marriott, Lyft et Cisco et l’autre Sysco aussi, mais avec un S et un Y. Pour ce qui sont des chiffres économiques, il y aura les chiffres du chômage en Suisse et les JOLTS aux USA.

Voilà, nous sommes le lundi 10 août et comme disait le type qui tombe du 30ème étage en passant devant les étages successifs : jusque-là, ça va ! Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se retrouve demain à la même heure et au même endroit.

À demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

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