La journée d’hier peut être qualifiée de torpeur aoûtienne, il fallait au moins placer le terme une fois dans le mois. Voilà, c’est fait. La journée ne restera donc pas dans les annales en terme d’activité, c’était plutôt une prise de conscience de toutes les bonnes nouvelles qui nous tombent dessus en série et de cette envie de ne voir que le verre à moitié plein, puisque l’ensemble du monde financier a donc décidé officiellement de ne plus tenir compte de ce qui se passe au niveau du COVID. Que ce soit au sujet de la contamination, du nombre de décès, des mesures prise dans tous les sens par les gouvernements – sachant que pas un n’a la même stratégie et que chacun confine le pays d’à côté en cas d’apparition de plus de trois cas dans la journée, peu importe, tout le monde s’en fout - en tous les cas dans le monde de la finance, mais certains politiques en ont fait leur cheval de bataille – un peu comme ces politiciens suisses qui ont interdit les ventilateurs et les climatiseurs dans les EMS en pleine canicule – parce tu comprends, ça fait trop de projections COVID et c’est trop dangereux. Des éclairs de génie pareils sont monnaie courante dans la pandémie qui nous occupe, mais du côté de la finance, nous on ne regarde que deux choses : Trump qui sauve le monde et le S&P500 qui va battre son record historique cette semaine. Ah oui, et j’oubliais ; il y a aussi l’or qui va à 4’000$.

L’Audio du 11 août 2020

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Trump tire la couverture à lui et ça tire devant la Maison Blanche

Quoi qu’il en soit, il faut admettre que l’on a connu des journées plus passionnantes. À moins que vous soyez un investisseur sur Kodak, les heures se sont écoulées un peu plus lentement que d’habitude. Néanmoins, on retiendra que l’ensemble des marchés terminaient en hausse un peu partout dans le monde – sauf le Nasdaq – ça nous change un peu, puisque le secteur technologique semble subir quelques prises de profits depuis vendredi. D’aucuns diront que c’est la « rotation de secteurs de toutes les rotations de secteurs » qui commence, et quand on voit le rebond dans le secteur pétrolier hier, on peut se dire que ce n’est « peut-être » pas complètement débile. Et d’autres diront que c’est les tensions avec la Chine qui font craindre des représailles sur le secteur technologique. En effet, Trump étant en train de tirer à boulets rouges sur la tech chinoise, on s’attend à des répliques et certains experts ont peur que les Chinois décident de bannir Apple des rayons. Ce qui pourrait avoir 2-3 conséquences sur les revenus de Tim Cook.

Mais mis à part ça, tout le reste montait parce que Trump a signé ses « executives orders » pour venir en aide aux Américains qui n’ont toujours pas retrouvé de job et qui n’ont pas de revenus depuis début juillet. On ne sait toujours pas si c’est vraiment légal d’un point de vue constitutionnel, mais disons que pour le moment, personne n’ose faire trop de bruit au risque de passer pour quelqu’un qui ne veut pas sauver l’Amérique. En tous les cas, cette nouvelle faisait monter le marché et permettait à Trump de s’auto-passer la pommade, puisque dans son point presse d’hier – juste avant qu’on le sorte de la salle de presse pour une fusillade à l’extérieur de la Maison Blanche, le Président a juste eu le temps de dire que c’est grâce à lui que le Dow Jones prenait 350 points hier matin. Juste histoire de dire que sans lui, les 401K des Américains seraient au bord du gouffre. (Votez pour moi).

Pour le reste, le marché a bien aimé les chiffres économiques chinois – comme quoi il faut VRAIMENT avoir besoin de trouver un truc à dire. Non, parce que quand on se résout à dire qu’on achète le marché à cause du CPI Chinois, c’est que l’on est au bord du désespoir niveau arguments. En conclusion les indices européens terminaient en hausse et le S&P500 n’est plus qu’à 30 points de ses plus hauts historiques. On y croit et on y va cette semaine. À moins que la Chine envahisse Taïwan entre deux, bien sûr.

Clic-Clac, Kodak

Heureusement qu’il se passe des choses ailleurs pour occuper un peu nos esprits. Ça nous évite de passer trop de temps à écouter Trump expliquer combien il est beau et combien il est fort. D’ailleurs parfois c’est assez difficile d’imaginer qu’il puisse encore être là 4 ans. Bon, la bonne nouvelle c’est que s’il se fait virer en novembre et que c’est Biden ou Kanye West qui prennent le pouvoir, on n’a pas fini de rire. Parce qu’entre un qui est bipolaire et l’autre qui se lève le matin en se demandant quelle connerie il pourrait bien dire, on n’a pas fini de rigoler. Pour ceux qui étaient là durant l’ère George W Bush, des sites internet lui avaient été dédiés pour compiler le nombre de stupidités qu’il déblatérait durant l’année, mais pour Biden, il va falloir trouver mieux car il n’est pas certain que les serveurs d’Amazon puissent stocker toute la matière que l’ex-vice-Président a à nous donner. En tous les cas, avec Trump on avait peur qu’il déclenche une guerre, avec Biden ; aucun risque, les autres pays seront bien trop occupés à se rouler par terre de rire.

Mais ça n’est pas de ça que je voulais parler. Non, je voulais dire que mis à part tout ça, il se passe quand même des trucs ailleurs. Hier si l’on était frustré de ne pas pouvoir aller faire du grand-huit à cause des mesures anti-COVID, la finance américaine a trouvé une solution de remplacement : il vous suffisait d’investir dans Kodak.

Chart de Kodak – Source : Tradingview.com – annotations et commentaires : Thomas Veillet

Souvenez-vous, il y a 10 jours le gouvernement accordait un prêt de plus de 700 millions pour que Kodak entame sa 32ème mutation et son 14ème business plan depuis qu’ils ont compris que l’argentique ne reviendrait pas à la mode dans le mass-market. Le titre était virtuellement en faillite. Sur la nouvelle, en trois jours on passe de 2$ à 60$ avant de se rendre compte que l’on a peut-être été un peu vite en besogne et que pour détrôner Apple comme plus grosse capitalisation mondiale, il allait tout de même falloir commencer à vendre quelque chose et avant de le vendre, le produite serait pas mal aussi.

Pour imager cette soudaine méfiance, le titre a entamé une « saine correction » (comme on dit en finance quand ça se pète méchamment la gueule mais qu’on ne veut pas faire paniquer le client) – une saine correction qui a fait plonger le titre de 75% depuis les plus hauts. Et hier, on a annoncé que le prêt était momentanément suspendu suite à une enquête de la SEC qui soupçonne certaines personnes d’avoir frauduleusement bénéficié de l’annonce à l’intérieur de la société. Comme quoi, les années passent, les réglementations se resserrent, les gens veulent être plus blanc que blanc et avoir les cheveux plus court que Monsieur Propre, mais à la fin, à Wall Street, c’est toujours le fameux « Greed is Good » qui gagne à la fin. Pour les actionnaires de Kodak qui n’avaient pas encore vomi leurs tripes durant la descente, hier l’action a « encore » perdu 40%. Si le business des médicaments génériques ne prend pas chez Kodak, ils pourront toujours se concentrer sur les carrousels, je pense qu’il y a un truc à jouer.

Mais en Asie faut leur expliquer longtemps

Hier l’Asie n’avait pas foutu grand-chose. Pourtant l’intervention de Trump était déjà connue, mais on avait le sentiment que ça ne voulait pas. En plus le Japon était en week-end prolongé et les Chinois étaient un peu « busy » avec l’arrestation de Jimmy Lai et leurs avions de chasse qui violaient l’espace aérien de Taïwan. Taïwan a évidemment protesté et déclarant qu’ils ne savaient pas ce qui les retenaient de déclarer la guerre à la Chine et d’aller leur péter la gueule. La réponse venait quelques minutes plus tard de la part de l’ONU sous la forme d’une : « la trouille sans doute ?». Bref, la Chine était occupée hier.

Mais ce matin on peut se reconcentrer sur les nouvelles du week-end et en Asie on trouve super que Trump ait décidé d’aider son peuple et que le S&P500 s’approche du plus haut de tous les temps. Peut-être même qu’on préfère surtout que le S&P500 s’approche du plus haut de tous les temps. Du coup, le Nikkei s’envole de 1.7%, le Hang Seng bondit de 2.4% – et la Chine avance de 0.3% -règle numéro 1 en Chine : « on n’exprime pas trop de joie quand il y a des bonnes nouvelles aux USA ».

Et puis pour le reste, il y a l’or : Alors lui c’est un grand standard qui attire tous les bullishs de la planète, surtout depuis que tout le monde sait que l’or va à 4’000$. Oui, il y a un type qui a déclaré il y a deux jours que le métal jaune pouvait « facilement » aller à 4’000$ avec un argumentaire à peu près aussi épais qu’un marathonien après 8 semaines d’entraînement en altitude au Kenya. Mais pour être franc, au sujet de l’or, on se fout pas mal de l’argumentaire, c’est l’objectif qui compte. Tenez, moi demain je vais annoncer ici-même que l’or va aller à 10’000 à cause de la résurgence de la saison des mariages en Inde et du fait qu’il a de plus en plus d’or dans les iPhones et que donc la demande va augmenter. On s’en fout du pourquoi et du comment, si j’ai raison un jour, je serai un Demi-Dieu..et ça me suffira largement pour flatter mon égo et devenir ami avec tous les chauffeurs de taxi et les coiffeurs experts en investissement. Ah, au fait, depuis deux jours l’or baisse – ce matin il est à 2027$ et il y a même un analyste qui a fait une étude fondamentale très poussée sur l’or (je ne sais pas trop ce que ça veut dire : une étude fondamentale très poussée sur l’or, mais ça à l’air sérieux) et à la fin, il pense que l’or vaut plutôt 1500$ et que tous les targets à 3000 ou 4000 sont une aberration – mon target à 10’000 aussi, mais je le revendique.

Les nouvelles du jour

Dans les news du jour, on a le baril qui monte discrètement en direction des 43$ et de son niveau de break-out – le gouvernement libanais démissionne suite aux protestations du peuple et au fait qu’il semblerait qu’il avait été mis en garde contre les dangers d’une éventuelle explosion. Emmanuel Macron n’a plus qu’à se présenter à la présidence sur place, vu qu’il est déjà en campagne. Autrement, El-Erian est très inquiet et pense que ce qui pourrait faire dérailler la bourse serait une vague de faillites. Oui, c’est vrai que si des grosses boîtes cotées en bourse venaient à faire faillite, ça ne serait pas bon pour la bourse. Et mis à part ça, l’eau ça mouille et on aime enfoncer les portes ouvertes à Wall Street.

Autre citation qui fout la trouille ce matin : un stratégiste de chez JP Morgan a déclaré qu’il n’avait jamais été aussi facile de faire de l’argent en bourse, tout spécialement sur les moyennes et petites capitalisations. Je sens que l’on n’est pas loin de nous sortir un produit d’investissement qui gagne à tous les coups. Enfin dans le doute, j’ai acheté le nom de domaine : www.systematicalwinner.com et www.makingpognonfacilement.ch et c’est pas complètement débile, EasyJet a bien créé www.EasyMoney.com. Et pour terminer cette chronique avec une note légère et pour montrer qu’il y a tout de même des boîtes qui ont des soucis bien plus grave que le COVID, on notera que McDonald’s poursuit en justice son ex-CEO afin de récupérer son bonus de 42 millions de dollars parce que ce dernier avait été viré il y a un an pour avoir envoyé des « sextos » a une de ses collaboratrices. À cette époque, il avait juré que ce n’était que du virtuel, mais suite à une enquête interne, il semblerait que le méchant CEO ait également consommé et pas qu’avec une seule collaboratrice mais TROIS ! Pour sa défense ; pas en même temps, mais les USA sont choqués et il va devoir payer !!! La prude Amérique a encore frappé. Si jamais, quand ils auront fini leur procès, je prendrais bien un Big Mac menu avec un Coca, histoire de relancer l’économie américaine.

Pour ce qui de la journée qui nous attend, nous aurons le PPI au States, le ZEW en Allemagne et en Europe et pour le moment, les futures sont en hausse de 0.2% aux USA, le record du S&P s’approche encore un peu plus, la voie semble toute tracée. Comme celle de l’or à 10’000$.

Nous sommes mardi, Trump est notre ami et je vous souhaite une très belle journée et on se voit demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

« If you want a friend, get a dog »

Gordon Gekko