Et paf ! Les stars de ces 6 derniers mois en ont pris plein la figure hier soir. Sans exception. Aucun prisonnier n’aura été fait et les marchés ont mis en place les méthodes de la police américaines, à savoir : on tire d’abord et on pose les questions après. Sauf que là c’était on vend d’abord et on analysera ce qui s’est passé après. Sauf que ce matin ce n’est pas simple d’analyser, parce qu’il ne s’est strictement rien passé de relevant qui justifierait ce plongeon spectaculaire que la tech américaine nous a fait. Alors oui, on va sûrement vous dire et vous écrire que c’était EVIDENT que ça devait finir par baisser et que les arbres ne montent pas au ciel et que ça ne pouvait pas durer. Par contre c’est les même qui ont fait monter Zoom de 48% sur un chiffre trimestriel, ou propulsé Salesforce en hausse de 30% parce que les chiffres étaient telllllleeeent bons. Je dois dire qu’il est passionnant de lire les rapports de la nuit sur les sites financiers. Les « experts » sont tellement décontractés du slip pour expliquer ce qui s’est passé que j’en ai les larmes aux yeux de rire. C’est d’ailleurs pour ça que mon titre du jour c’est : le Krach du « on ne sait pas pourquoi, mais on vous l’avait dit ». Encore une fois, pas de surprise, tout est sous contrôle. On affiche une telle maîtrise de ce qui se passe, que par moment j’ai un peu l’impression que l’on est des pilotes de ligne qui sortent du cockpit pour rassurer les passagers en disant que tout va bien alors que le quatrième réacteur vient d’exploser en flammes et que l’aile gauche s’est arrachée… Non, soyons francs : ce marché est totalement débile depuis des mois, peut-être qu’hier il a simplement assumé le fait qu’il est totalement bipolaire et a fini par disjoncter.

L’Audio du 4 septembre 2020

 

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Aucune PUTAIN d’idée

Non, parce qu’entre vous et moi, c’est tout à fait hallucinant de voir Ô combien il n’y aucune raison pour que ça baisse. Ça fait une heure que je dévore la presse et les articles des experts en provenance d’Outre-Atlantique et faites-moi confiance sur une chose ils n’ont aucune idée sur la raison de la claque magistrale d’hier soir. Alors oui, « on était beaucoup monté avant », je le concède, mais comme strictement rien n’a changé dans le tissu macro-économico-politico-sanitairo-technologique, on peut raisonnablement se demander s’il n’y a pas un trader stagiaire qui n’a pas compris les instructions quand on lui a dit : « vends-moi un future Nasdaq » et qu’en l’occurrence il a compris « vends-moi TOUT le Nasdaq ». La violence du retournement est en tous les cas ; spectaculaire et on a presque l’impression que c’est la réaction d’une seule personne et pas un groupe qui a pris une décision. Un peu comme si la hausse était le fait d’un seul homme ou d’une seule pensée unique, entité unique qui a décidé de prendre les profits avant le week-end prolongé du Labor Day et surtout avant les chiffres des Non Farm Payrolls de cette après-midi.

Graphique du Nasdaq100 – Source : Tradingview.com

Quoi qu’il en soit, il est impressionnant de voir le nombre d’interviews qui fleurissent ce matin avec pour seule et unique question : « alors ? c’est la fin ? ». Question qui est irrémédiablement suivie de la réponse : « Euhhhhh… ça dépend. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ». Oui, en effet en lisant la presse ce matin vous serez vachement plus avancés qu’avant. Et puis surtout, nous en Europe on n’a pas eu le temps de baisser. Comme d’habitude. Non parce que ces imbéciles à New York, ils ont commencé à baisser, l’Europe était déjà fermée, je n’ose même pas penser à l’ouverture de ce matin, quand on va voir qu’il faut rattraper le retard et qu’on ne sait même pas pourquoi on a baissé hier, mais que l’on vendra quand même tout parce que comme dans tout bon naufrage boursier, c’est « mon portefeuille d’abord et les femmes et les enfants après ».

Elémentaire, mon cher Watson

Quoi qu’il en soit, tout ce qui se passera à partir de maintenant ne sera que du « ou vous l’avait dit » et du « c’était pourtant évident » ou encore : « élémentaire, mon cher Watson ». Pourtant, si l’on a deux balles de logique, on peut quand même se poser des questions sur la rationalité de la baisse d’hier. Alors oui, bien sûr on est beaucoup monté depuis mars, les valorisations étaient trop chères, ça ne pouvait pas durer, il fallait revenir à un marché plus sain et à une réalité plus « évidente » et plus fondamentale… BLA-BLA-BLA… Je sais que je m’accroche à des chimères, mais quelqu’un, quelque part, va-t-il prendre le temps d’observer quand même les fondamentaux ? Les chiffres qui nous été donnés hier ? Ou est-ce que nous allons simplement rester la tête dans un sac et suivre comme des bœufs la réaction du marché sans se poser la moindre question ?

Oui, bon, je sais qu’à la fin on va finir par faire comme des bœufs, sachant que c’est quand même plus ou moins la même chose qu’un Bull en moins viril. Mais je pense qu’il serait tout de même bon de noter que les chiffres des Jobless Claims qui sont sortis hier étaient nettement moins mauvais que ce que l’on attendait. Les Jobless Claims qui ont été publiés hier montraient 881’000 nouvelles demandes d’indemnités chômage alors que les « experts à Wall Street » s’attendaient à 950’000. Un chiffre comme ça il y a deux semaines – on prenait 2% à l’ouverture parce que on aurait dit, je cite : « Ouais, on voit clairement que l’économie est de retour ». Il y en a même qui se serait retournés vers Powell pour lui dire : « Hé Jerome, fais quand même gaffe à pas te faire coincer par une inflation qui serait soudainement galopante ». Mais hier pas. Hier nous étions dans un autre monde, du côté obscur de la force et il y a un mec qui a appuyé sur le bouton : SELL et le reste a suivi comme un seul homme.

Le bilan

Le bilan est spectaculaire et sanglant. Autant il l’était à la hausse, autant il l’est à la baisse, il n’y a pas besoin d’aller dans le détail : absolument tout s’est fait défoncer. Je vous l’ai dit : pas de prisonnier. Il y a même des journalistes qui étaient aux chiens écrasés encore la semaine dernière, qui font les gros titres parce qu’Apple n’a jamais autant effacé de capitalisation boursière en une journée, 180 milliards de capitalisation sont partis en fumée… HOOUOUOUOOOU…. Le titre vient d’en gagner 500 en deux semaines bordel ! Et plus ça monte, plus 1% représente d’argent ! J’ai toujours été une pive en mathématique, mais visiblement il y en a encore – dans ce monde – qui n’ont pas compris que 1% de la fortune de Jeff Bezos c’est pas la même chose que 1% de sa propre fortune personnelle ! Oui, quand le Dow Jones perd 1’000 points, c’est moche, mais quand le Dow Jones vaut 29’000 et qu’il en perd 1’000, c’est une « forte baisse ». Quand le Dow Jones vaut 2’000 points et qu’il en perd 1’000, c’est une catastrophe. C’est aussi un krach, d’ailleurs.

Enfin, il n’est nul besoin de tergiverser, mais disons que la baisse d’hier n’avait aucune justification, il n’y avait rien de nouveau et rien d’exceptionnel. D’aucuns diront que c’est une conjonction du fait que l’on est inquiet que le vaccin ne vienne pas aussi vite que prévu, que l’on est monté trop vite, que les tensions politiques électorales vont bousculer le marché ces prochaines semaines, que les arbres ne montent pas au ciel et que Tesla avait des valorisations complètement débiles et que BREF, on vous l’avait dit que ça baisserait. OK ; on l’avait pas dit fort, mais on l’avait dit.

L’Asie

Autant vous dire que compte tenu de la débandade d’hier, l’Asie ne fait pas mieux. Pas pire non plus, parce que le Nikkei ne baisse que d’un pourcent et que les deux autres reculent d’un peu moins de 2%, mais la pression est là et comme LA QUESTION de savoir si c’est la FIN et si l’on va tous mourir dans d’atroces souffrances, cette fois, est omniprésente, l’ambiance est moins festive qu’il y a 48 heures quand Zoom prenait 5o% et que les Dieux de la finance nous disaient que Tesla allait aller à 3’500$

D’ailleurs, dans cet environnement pourri, est-ce que l’or est une bonne valeur refuge ? Même pas. Hier soir l’once était à 1920$ et ce matin ça remonte un poil, vu l’environnement actuel, on aurait pu imaginer que le besoin de réconfort aurait pris le dessus et permis à l’or de repasser au moins au-dessus des 2’000$, mais même pas. Et puis vu le ralentissement économique qui nous attend et le fait que les Irakiens pourraient NE PAS respecter les coupes de production pétrolière, le baril s’est repris 3% dans les gencives et se traite à 40.92$ à l’heure où je vous parle. Je ne savais même pas que les Irakiens avaient réussi à se mettre d’accord sur quelque chose à l’intérieur du pays, mais visiblement dès qu’il s’agit de pognon et de pétrole, on arrive mieux à négocier que lorsqu’il s’agit de religion et de savoir lequel de nos amis imaginaires est le meilleur.

Nouvelles du jour

Dans les news du jour, autant vous dire que les analyses sur ce qui s’est passé hier soir sont légions. TOUS LES EXPERTS du monde de la finance ont un avis. Après enquête, les Sherlock Holmes de la finance pointent un doigt sur les produits dérivés et la folle spéculation sur la tech. Sans blague ? Et autrement, l’eau ça mouille et le feu ça brûle ? Il semblerait que certains desks de trading se soient retrouvés dans des situations critiques et quand tu dois défaire ton book options et que c’est le bordel comme c’était le bordel hier, autant dire que ça devient proche de faire du rodéo sur ours brun qui n’a pas bouffé depuis le début de son hibernation et qu’en plus on vient de le réveiller en lui tapant dans les testicules. Plus ça bouge, plus c’est violent et plus c’est violent, plus ça bouge. Et puis du coup l’indice de la volatilité – plus communément appelé VIX – s’envole – comme il s’est envolé de 25% hier soir et les choses deviennent pires. En gros, c’est encore une fois de la faute des dérivés. Pourtant, en théorie, cette fois on croyait qu’on avait tout compris. Un peu comme on avait compris en 1998 quand le fonds LTCM nous a pété à la figure alors qu’il devait gagner à tous les coups.

Un peu comme on avait tout compris en lançant des fonds Absolute Return dans une grande banque suisse et qu’on s’était fait défoncer, mais que la grande banque suisse expliquait que c’est juste parce que le marché « avait tort » et que lorsqu’il comprendrait qu’il avait tort, tout se passerait bien ensuite. Un peu comme en 2008 lors de la crise des subprimes où une banque qui s’appellait Lehman et ses frères avait tout compris sur les dérivés et qu’en fait c’était surtout les dérivés qui avaient tout compris sur Lehman. Vous l’aurez compris, ce qui s’est passé hier, c’est la faute des dérivés. En tous cas selon le FT. On espère qu’ils ont colmaté les brèches, parce que si les mecs qui gèrent le risque sont le mêmes qui ont fait les portes étanches du Titanic, on n’a pas fini de rire et le mois de septembre pourrait bien finir par être un mois pourri, finalement.

Autrement et rapidement ; la France lance un plan de recovery anti-COVID de 100 milliards financé avec les impôts des gilets jaunes. Le patron de Pfizer met en garde contre le fait de vouloir « trop vite » autoriser des vaccins anti-covid, parce que cela pourrait donner des résultats secondaires fâcheux. Fâcheux comment, on ne sait pas si on va avoir un troisième bras qui nous pousse dans le dos ou si on va commencer à dormir en s’accrochant au plafond comme une chauve-souris et ne vivre plus que la nuit. Et puis El-Erian estime que l’on peut encore perdre 10% de plus depuis là. La bonne nouvelle c’est qu’à la vitesse où ça va, ça devrait être réglé mercredi prochain. Et encore, c’est bien parce que le marché est fermé lundi à New York pour la fête du travail. Il y aura du monde à la fête du travail, surtout qu’il y 40 millions d’Américains qui ont encore congé mardi et le reste du mois et probablement le reste de l’année aussi.

Les chiffres du jour

Pour ce qui du chiffre du jour, c’est les Non Farm Payrolls. On attend 1.4 millions de nouveaux emplois créés en août et à voir la gueule des chiffres ADP de mercredi, on peut se poser des questions. Le taux de chômage devrait être de 9.8%. Et puis, comme ils disent dans les journaux ce matin : la baisse devrait continuer à Wall Street ..houhouhouhou.. parce que les futures CHUTENT actuellement. Ils chutent de 0.3% alors qu’à quatre heure du mat, ils étaient flat. Je doute que les traders américains se soient levés à minuit pour shorter le marché, mais je peux me gourer. Avant de dire n’importe quoi, je vais m’arrêter là.

Je vous souhaite une très belle journée et bien venu dans le Krach du « on ne sait pas pourquoi mais on vous l’avait dit ». Pour ceux qui veulent, je vous retrouve en vidéo vers 10h sur la chaîne YouTube de Swissquote Suisse pour faire le point…

Thomas Veillet

Investir.ch

« The only limit to our realization of tomorrow will be our doubts of today. » -Franklin D. Roosevelt