Certains d’entre vous le savent déjà, ça fait pas mal d’années que je me lève très tôt le matin et que je parle des marchés financiers, par écrit, par oral et maintenant, en vidéo. Durant ces presque 15 années de chroniques boursières, on m’a souvent posé la question ; « comment tu fais pour trouver des trucs à dire tous les matins ». Ce à quoi je réponds régulièrement que l’on brasse tellement d’air à Wall Street et ailleurs qu’il y a toujours de quoi faire. Que les journalistes financiers mettent tellement un point d’honneur à expliquer le pourquoi du comment de la baisse ou de la hausse, que c’est toujours hyper-simple de broder là-dessus en se moquant du fait que ce que le type raconte ; c’est exactement l’inverse de ce qu’il a déjà dit hier. Dans un monde normal, si vous passez votre temps à changer d’avis toutes les 24 heures – ça va se voir – ne serait-ce qu’à la maison, si vous dites chaque jours l’inverse de ce que vous avez dit la veille, je peux vous recommander un avocat. Mais l’avantage, c’est que dans le monde fabuleusement merveilleux et professionnel de la fiance, si vous changez d’avis comme de chemise toutes les 20 minutes, on vous qualifiera de « trader », si vous changez d’avis toutes les 24 heures, vous êtes « chroniqueur boursier » ou « journaliste financier » (chose qui se fait de plus en plus rare), mais en revanche ; si vous changez d’avis seulement toutes les semaines, alors là vous entrerez dans le « Hall of Fame » de la finance et vous serez convoqué à Wall Street pour aller déposer l’empreinte de vos mains dans le béton fraîchement coulé aux pieds du bull de Wall Street, car à ce moment très précis vous serez devenu «ANALYSTE » et vous ferez partie des gens qui « savent » et que même s’ils ont tort, ça n’est pas de leur faute, c’est juste de la faute des autres. En fait, l’analyste c’est l’adolescent de la finance, il sait tout mieux que tout le monde et si par hasard il a tort, ça n’est pas de sa faute, c’est de la vôtre, ou pire ; de celle de la société. Tout ça pour vous dire que lorsque que l’on voit ce qui s’est passé entre hier et aujourd’hui, on a envie de chanter la chanson populaire de Claude François. Et si vous ne connaissez pas, c’est que vous êtes trop jeune pour avoir conne le krach de 1987.

L’Audio du 20 octobre 2020

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Ce qui était motivant hier ne l’est soudainement plus

La longue litanie que je viens de vous servir avait pour but de vous préparer au fait que j’allais simplement vous raconter qu’hier matin nous avions commencé la semaine avec un vent de positivisme qui se répandait sur l’Europe et l’Asie – vent de positivisme principalement justifié de par le fait que « l’on sentait que nous étions tout prêts d’une solution miracle qui aurait permis l’arrivée d’un stimulus magique qui résoudrait tous les problèmes économiques et qui donnerait l’absolution aux investisseurs pour être montés un peu trop haut, un peu trop vite » – sauf que durant la journée, on s’est posé autour d’une table et on a fait le bilan et c’est là que ça c’est gâté ou que tout est parti en vrille.

Tout est parti en vrille, parce que l’on s’est soudainement rendu compte que le délai de 48 heures offert par Nancy Pelosi, avait commencé à courir depuis dimanche soir et qu’au milieu de l’après-midi, il ne restait déjà plus que 24 heures et surtout, que ce matin il ne reste pratiquement plus rien. La bonne nouvelle étant que « financièrement parlant » ils ne sont plus très loin de trouver un accord. Oui, parce que 400 milliards d’écart, pour vous ça peut paraître beaucoup, mais pour eux, c’est « piece of cake ». 400 milliards c’est à peine le prix de 80 sous-marins militaires de classe SSN, autant dire une bricole. Non, le problème vient d’ailleurs, il vient du fait qu’à l’intérieur de ces 2’000 milliards, il y a plein de petits montants à attribuer à droite et à gauche. Et c’est sur ces points de détails que ça bloque. Et que ça risque de bloquer encore un moment. Du coup, hier on a commencé à s’emballer un peu moins et on a même commencé à se dire que ça serait peut-être plus simple d’attendre que Biden soit Président, qu’il ait balancé la vague bleue sur les USA et qu’à partir de là, il pourra faire ce qu’il veut (ou presque) au niveau stimulus. Pour autant qu’il s’en souvienne.

Et paf, le marché

Du coup, entre hier matin et le vent d’optimisme et hier après-midi et le vent de pessimisme, le marché a tourné violemment à l’orage, tellement fort et vite que l’on se serait cru un soir d’été à la montagne quand le vent tourne et que l’orage gronde. La suite vous la connaissez ; nous sommes passés en mode police américaine, à savoir pas de prisonnier, on tire d’abord et on pose les questions ensuite. Le marché s’est donc fait déglinguer – un peu à l’opposé de ce que l’on aurait pu attendre hier matin. Mais encore une fois, c’est le risque que nous prenons dans un marché qui a oublié le tissu profond duquel il est fabriqué et qui se concentre uniquement sur les délires quasi-personnel d’un politicien américain. Il faut tout de même bien comprendre qu’aujourd’hui, il y a trois ou quatre personne dans le monde qui détiennent la destinée des marchés à court terme dans leurs mains. Et les deux-tiers sont complètement cons.

Si l’on veut gratter la couche de ce qui s’est passé hier, on notera qu’IBM a sorti des chiffres en ligne et même si tout le monde attendait de voir ce que le nouveau CEO allait nous sortir, on est franchement resté sur notre faim et je me demande si la résurrection tant espérée de Big Blue n’est pas juste un vieil espoir maintenu en vie par un groupe de vieux traders qui voudraient juste retrouver leur splendeur d’antan. Pour le reste, tout le monde semble vouloir sortir de la tech, parce que soudainement, c’est trop haut, trop cher, trop pas terrible pour continuer là-dedans – surtout depuis que Goldman Sachs l’a dit. Autrement, je ne vais pas vous faire un dessin sur ce qui se passe en Asie, sachant que le vent d’optimisme qui se transforme en temps pourri est toujours plus fort et plus violent et plus humide en Asie. Globalement, la plupart des indices sont dans le rouge, mais de manière plutôt homéopathique. Du côté de l’or on est à 1903$ et pour être honnête, je ne sais plus trop quoi raconter sur le sujet, tellement il ne se passe rien. Les experts qui nous chauffaient il y a trois mois pour nous dire qu’on allait à 4’000$ me manquent presque. Pareil pour le pétrole qui se traîne à 40.57$, tout en donnant l’impression qu’il veut démarrer, mais qu’il ne démarre pas. On dirait un Suisse qui roule à 120 à gauche sur l’autoroute alors qu’il n’y a personne à droite, mais qui ne bougera pas, parce que la LOI, C’EST LA LOI !!! Et je dis «Suisse » parce que si je dis vaudois, vais me faire engueuler.

News du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, on va faire abstraction du stimulus pour le moment, parce que ça devient un poil fatiguant. Par contre, il faut noter qu’Intel vient de vendre son business de flash memory au Coréen SK Hynix. Le géant américain cherchait depuis un moment à sortir de ce business qui était devenu trop « challenging » et, en pleine restructuration, 9 milliards qui rentrent sur le compte en banque, c’est mieux que rien. Pendant ce temps, le patron de Moderna estime qu’il ne faudra pas trop compter sur un vaccin anti-covid avant la fin de l’année. Ça parait tellement loin et en même temps, c’est juste à côté. Là tout de suite. Reste à espérer que les gens auront envie de se vacciner.

Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

Autrement, on peut revenir aussi sur le sujet de l’élection américaine. Entre Trump qui laisse supposer qu’il a demandé du pognon en rab pour sa campagne à Exxon et les emails de Biden qui refont surface et qui laissent supposer qu’il aurait touché des pots de vins lorsqu’il était Vice-Président et ce, avec l’aide de son mono-cellulaire de fils, on est en train de se rendre compte, à 15 jours de l’élection, que les deux candidats sont complètement pourris ET COMPLETEMENT débiles aussi. Bon, en fait c’est pas une surprise mais on est en train de se dire que finalement Kanye West, ça aurait été pas mal. Même Franck Ribéry aurait été une bonne idée. Malheureusement il est pas Américain.

Et puis LA NOUVELLE du jour, c’est que lors du débat présidentiel du 22 octobre, les organisateurs vont installer un bouton « silence » qui permettra au modérateur de couper le micro du candidat qui ne doit pas parler. Visiblement on est au niveau « kindergarten ».

Chiffres économiques

En dehors du fait que Powell et Lagarde ont parlé hier et que tout le monde s’en fout, il n’y aura pas de chiffres économique relevant aujourd’hui, si ce n’est les permis de construire aux USA et les nouvelles mises en chantier, sans compter qu’il y aura le passionnant PPI en Allemagne. Par contre, du côté «Q3 », il y aura les chiffres de Procter & Gamble, Lockheed Martin et Philip Morris AVANT l’ouverture et surtout ; Netflix, Snap et Texas Instruments APRES la clôture.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.3% – pour ce que ça veut dire – d’ici là, je vous souhaite une très bonne journée et je vous retrouve sur YouTube et sur Morningbull Live dans 2 heures.

Morningbull Live du 20 octobre 2020

Thomas Veillet

Investir.ch

“Don’t worry about the world coming to an end today. It is already tomorrow in Australia.”

– Charles M. Schulz