Des mesures de reconfinement localisées (Royaume-Uni, Madrid, métropoles françaises), les craintes sur la poursuite de la reprise en Europe avec notamment la rechute de l’activité dans le secteur des services, l’absence d’accord sur un nouveau plan de relance aux Etats-Unis et les incertitudes entourant le Brexit et les élections présidentielles américaines ont pesé sur le moral des investisseurs.

Toutefois, toutes les nouvelles ne sont pas négatives puisque le marché du travail américain continue de se détendre et le climat des affaires s’améliore en France et en Allemagne. Sur le plan sanitaire, les recherches sur le vaccin apportent régulièrement de l’espoir et la deuxième vague de Covid-19 s’accompagne de taux d’hospitalisation et de mortalité nettement moins élevés qu’en début d’année. Les élections américaines resteront en toile de fond jusqu’à début novembre.

La Fed s’octroie plus de latitude

A la réunion des banquiers centraux de Jackson Hole, la Réserve fédérale américaine a apporté un changement marquant à son cadre de politique monétaire. Elle a adopté un «ciblage d’inflation moyenne» (plutôt que l’objectif d’inflation en vigueur depuis 2012 sous la direction de Bernanke) de manière à ce qu’elle puisse laisser courir l’inflation au-delà de 2% pour compenser les périodes passées en-dessous de l’objectif.

Dépenses de consommation personnelle (inflation PCE) comparées à l’objectif d’inflation de la Fed à 2%
Source : Bloomberg, Pâris Bertrand

Pourquoi ce changement et pourquoi maintenant?

Le changement d’objectif a été motivé par une longue période pendant laquelle l’inflation est restée inférieure au niveau de 2%. Cela s’est produit alors que les taux d’intérêt réels d’équilibre sont tombés proches de zéro, laissant très peu de marge de manoeuvre pour un assouplissement en cas futurs épisodes de contraction économique.

Les raisons sont structurelles

Nous observons que la faiblesse des chiffres d’inflation est un problème structurel commun dans les grandes économies. Les raisons sont plurielles : les pressions déflationnistes dues à l’accumulation de dettes sont très fortes (les intérêts doivent être payés, la dette remboursée et les notations de crédit peuvent se dégrader). Une deuxième raison est liée à l’évolution démographique car la baisse de la fécondité tend à contraindre la demande et l’inflation. Enfin, l’adoption beaucoup plus large de processus qui recourent à la technologie et la digitalisation (avec une compétitivité accrue et des coûts de production plus faibles) constitue un défi supplémentaire à l’atteinte de l’objectif d’inflation retenu par les banques centrales.

L’effet sur les marchés a été considérable

Cette faiblesse endémique de l’inflation a eu des conséquences importantes sur les marchés, puisqu’elle a conduit à un recul marqué des rendements obligataires et une augmentation des cours des actifs risqués. L’absence de pression sur les prix des biens et services et la faiblesse des taux d’intérêt ont par exemple permis aux actions dites de « croissance » de surpasser les actions «value». Enfin, les entreprises peuvent emprunter à bas prix pour financer leur développement mais aussi pour racheter leurs propres actions et/ou verser des dividendes à leurs actionnaires. Ainsi, la faible inflation et des politiques monétaires toujours plus accommodantes ont contribué à la longévité de l’expansion économique et à la hausse des marchés avant la pandémie de Covid-19.

La Fed n’est pas bien équipée

Jusqu’au début des années 2000, un faible taux de chômage s’accompagnait d’une forte inflation (c’est la relation empirique mise en évidence par la courbe de Phillips). Depuis lors, l’aplatissement de la courbe de Phillips a eu pour conséquence qu’il est particulièrement difficile pour la Fed (et les autres banques centrales) de créer de l’inflation, même en périodes de plein emploi, et malgré les baisses de taux directeurs ou les programmes de rachat d’actifs.

D’un phénomène monétaire, l’inflation est devenue «financière»

Malgré des politiques monétaires extrêmement généreuses au cours des dernières décennies (les bilans des grandes banques centrales ont été multiplié en moyenne par neuf depuis 2001), l’inflation est restée modérée. La croissance de la monnaie en circulation, celle qui est utilisées pour les transactions de biens et de services, n’a pas incité le consommateur final à dépenser plus, ni les entreprises à investir davantage dans leur appareil de production. En revanche, ces politiques ont gonflé le prix des actifs et en ce sens, elles ont contribué à l’effet de richesse qui a permis de restaurer, au moins partiellement, la confiance.

Le Covid-19 marque-t-il un tournant?

Après la Grande Crise Financière de 2008-2009, les seules interventions en matière de politiques économiques étaient monétaires. On se rappelle notamment que la rigueur budgétaire en zone euro, pour réduire les niveaux d’endettement des pays méditerranéens, avait exacerbé le choc déflationniste. Suite au Covid-19, les réponses des gouvernements et des banques centrales ont été sans précédent en termes de vitesse de réaction, d’ampleur des programmes de soutien et de coordination. De fait, un changement majeur a été engagé par le biais de politiques budgétaires beaucoup plus généreuses (aux Etats-Unis, en Europe et en Asie).

La politique budgétaire prend le relai

La Réserve fédérale a modifié son objectif d’inflation alors que les politiques budgétaires se sont brusquement relâchées. Ainsi, les dépenses publiques redeviennent un outil essentiel de politique économique (même en Allemagne qui est à l’initiative du plan de relance européen de 750 milliards d’euros). De leurs côtés, les banques centrales sont forcées d’accompagner ces nouvelles politiques expansionnistes en achetant de la dette publique afin de garder les taux d’intérêt sous contrôle à des niveaux très bas.

Plus de dettes, plus de déficits, pour plus longtemps

Les plans d’aides aux ménages, aux entreprises et aux collectivités ont été financés par des emprunts d’états. Considérés aujourd’hui comme nécessaires pour combattre la crise, ils sont tolérés car les taux d’intérêts sont à des plus bas historiques. Les Etats-Unis sont en première ligne, eux qui ont déjà dépensé près de 3 000 milliards de dollars (avec un déficit budgétaire fédéral qui atteint 15% du PIB) et qui pourraient ajouter entre 1 000 et 3 500 milliards aux plans de sauvetage existants si les négociations aboutissent au Congrès. L’Europe n’est pas en reste avec son «Pacte vert» et son plan de relance « Next Generation » à hauteur de 1 750 milliards d’euros sur 10 ans pour reconstruire après la pandémie et pour soutenir les investissements dans les transitions vertes et numériques.

Qui va payer?

Etant donné l’impact négatif et certainement durable de la crise, les gouvernements n’ont pas d’autres alternatives que de s’endetter pour subvenir aux besoins actuels et futurs des acteurs économiques. La préoccupation principale est de savoir s’ils peuvent se permettre ces dépenses. Traditionnellement, les économistes soutiennent que l’augmentation des dépenses aujourd’hui signifie que les impôts devront augmenter demain. Comme l’augmentation des impôts nuit aux dépenses des consommateurs et des entreprises, et que l’augmentation des emprunts peut entraîner une hausse des taux d’intérêt, certains affirment que les pays ne peuvent pas se permettre plus de dépenses, même pour lutter contre la récession due au coronavirus.

Un test grandeur nature pour MMT

La «théorie monétaire moderne» (ou MMT) part de l’idée que les états sont peu (ou pas) contraints par leur niveau d’endettement. Concrètement (et de manière simplifiée), le département du Trésor emprunte pour financer les dépenses publiques, comme il le fait habituellement, et la Réserve fédérale achète ensuite une part importante de cette dette (plus de 2 000 milliards de dollars depuis février 2020). L’argent ainsi créé peut ruisseler dans l’économie réelle par les mécanismes de transmission habituels et créer de la demande. Pas besoin d’augmenter les impôts et pas d’inquiétude sur les taux d’intérêt puisque la Fed achète les obligations émises par le Trésor.

Quels sont les risques de dérapage?

La crainte principale concernant MMT est que la dette émise finance des plans de relance qui vont soutenir la demande et que, dans le même temps, les banques centrales augmentent la quantité de monnaie en circulation en rachetant cette dette. Cette combinaison d’une hausse de la demande et d’une monnaie plus abondante est de nature à générer un niveau d’inflation durablement beaucoup plus élevé, érodant ainsi le pouvoir d’achat de la monnaie. Dans le contexte actuel, cette crainte est excessive car le choc d’activité de la pandémie n’est pas résorbé et a conduit l’inflation vers de nouveaux plus bas historiques. A plus long terme, la question reste ouverte de savoir si ces nouvelles orientations de politique budgétaire seront susceptibles d’encourager l’inflation après l’avoir combattue. L’histoire récente au Japon conforte aujourd’hui l’idée qu’il est possible d’augmenter la masse monétaire sans provoquer d’inflation (elle est restée très faible, avec une moyenne inférieure à un demi pour cent par an au cours de la dernière décennie). Ceci dit, il convient aussi de se rappeler que les régimes de forte inflation trouvent leur source dans des politiques trop expansionnistes. Nous ne sommes donc pas en mesure de totalement exclure ce scénario qui pourrait être déclenché par la continuation de programmes de relance, une forte baisse du dollar ou encore l’incapacité des gouvernements à réduire leurs dépenses ou à augmenter les impôts.

Message envoyé aux marchés

Le message envoyé aux marchés est que la politique monétaire américaine restera souple et flexible plus longtemps (« lower for longer ») puisque la Fed est prête à compenser une inflation plus faible que l’objectif en acceptant une inflation temporairement plus élevée. En outre, nous nous attendons à ce que d’autres banques centrales suivent cet exemple en adaptant leur objectif d’inflation (la Banque centrale européenne conduit actuellement la revue stratégique de sa politique monétaire dont les conclusions devraient annoncées au 1er semestre 2021). La question centrale est de savoir si les anticipations d’inflation à long terme seront mieux ancrées autour de 2%? En théorie oui. En pratique nous réservons pour l’heure notre jugement tant l’inflation est restée faible ces dix dernières années, malgré la bonne tenue du marché de l’emploi.


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