Est-ce que vous avez déjà rencontré quelqu’un ces dernières semaines et est-ce que vous avez parlé d’autre chose que de l’élection américaine et du COVID ? Oui, moi non plus. Il semble que les deux sujets principaux du moment tournent à la complète obsession et que l’on n’arrive plus à parler d’autre chose. Bon, en même temps vous me direz : « on n’a plus le droit de sortir, plus le droit d’aller au restaurant, plus le droit d’aller au cinéma et plus le droit de rencontrer des gens et nos seules distractions de la semaine, c’est de regarder nos politiciens faire des conférences de presse, vu que c’est à peu près le seul truc qui se rapproche d’une séance de cinéma – et encore, pas très bonne séance parce qu’à Genève ils ont un micro pour 5 et ils l’on connecté à un transistor à bande des années 40 et on n’entend rien ». Et vous aurez raison. Nous voici donc obligés de nous intéresser à l’élection d’un Président qui n’est pas le nôtre, dans un pays qui n’est pas le nôtre, tout en sachant que ça pourrait durer encore des mois et des mois pour autant que ça finisse devant les tribunaux – c’est un peu regarder l’élection du Président du monde, sachant que t’as pas le droit de voter. C’est fou comme on ne va pas voter chez soi, mais combien on devient expert chez les autres. Je commence à croire finalement que cette pandémie a des effets désastreux sur notre psyché qui nous pousse à tout savoir, à avoir un avis sur tout et surtout un avis. À moins que ce soit les réseaux sociaux. Toujours est-il que si notre psyché est en train de partir en vrille à force de ne rien faire et de boire le café le matin devant le miroir de la salle de bain afin de ne pas se sentir trop seul, il y a un autre psyché qui est en train de disjoncter, c’est celui de Wall Street. Wall Street et ses amis qui ont gagné près de 9% depuis la fin de la semaine dernière alors que le COVID est toujours là, que le hôpitaux sont saturés tant et plus et qu’on ne sait toujours pas qui sera Président à la place du Président et surtout : QUAND est-ce que l’on saura qui est Président à la place du Président – mais c’est pas grave, parce que Wall Street a trouvé une nouvelle excuse – ou une nouvelle justification à la hausse des marchés ; c’est la DIVISION DU GOUVERNEMENT AMERICAIN qui donne des ailes aux BULLS et qui réduit les BEARS à l’état de manteau de fourrure.

L’Audio du 6 novembre 2020

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La division ou la multiplication ?

S’il y a un truc de formidable. Non, que dis-je, de FABULEUX dans le monde moderne de la finance, c’est sa capacité à trouver des justifications à ses actes. Souvent après les évènements, mais quand même, il faut reconnaître ce talent incommensurable à se renouveler et trouver de nouvelles raisons pour la hausse permanente et indéfectible du marché. Oui, car si aujourd’hui le marché monte comme un bouchon de liège que l’on aurait retenu au fond d’une baignoire ou comme un cycliste du Tour de France qui aurait échappé à tout contrôle anti-dopage depuis 12 ans, c’est que a l’on découvert que le merdier électoral dans lequel nous sommes créerait une division jamais vue dans le gouvernement US, ce qui laisserait l’occasion de n’espérer que du bon dans les années à venir et d’éviter le mauvais. Je suis désolé d’utiliser le terme « merdier électoral », mais j’ai passé trois heures à chercher un terme plus « politiquement correct », cependant les Américains ont mis la barre tellement haute que même nos Conseiller d’Etat genevois qui règlent leurs comptes en famille ont l’air de gentils Bisounours.

Mais je m’explique. Si vous avez suivi un tant soit peu les élections US en amont des votes de mardi, il ne vous aura pas échappé que l’on nous a gavé avec la probabilité de l’arrivée d’une VAGUE BLEUE menée par Joe Biden. Vague bleue qui signifiait que le Grand-Père serait Président et que les Démocrates ramasseraient la majorité au Sénat, ce qui fait que si Biden se souvient de son prénom lors de l’investiture, il aurait pu faire plus ou moins ce qu’il voulait puisqu’il avait le Sénat derrière lui. Sauf que, et vous l’aurez bien compris, la vague bleue c’est un peu comme celle de Brice de Nice, elle ne viendra jamais. Pire, le Sénat devrait passer en mains Républicaines, ce qui fait que, si Biden est Président – et c’est le chemin que l’on prend – la seule chose qu’il aura le droit de faire, c’est de choisir ses crayons de couleur pour dessiner dans le bureau ovale et le goût de sa compote de fruits qu’il mangera comme dessert à midi – pour autant qu’il se souvienne encore que le jambon n’est pas un fruit et que le burger ne se mange pas sous forme de purée.

Diviser pour mieux régner (à Wall Street)

Depuis trois jours, les stratèges de Wall Street ont donc estimé que d’avoir un Sénat qui met les bâtons dans les roues du Président serait une excellente chose. Oui, parce que si Biden arrive au pouvoir, il aura envie de faire deux choses :

  • Lancer un méga-stimulus, plus gros que celui de Trump, parce quoi que l’on veuille bien en penser, il faut toujours montrer à l’autre que l’on est bien plus fort et que l’on fait bien mieux.
  • Et en second lieu, il voudra défaire ce que Trump a fait, c’est-à-dire supprimer les cadeaux fiscaux aux entreprises.

Sauf que – et c’est là que le bât blesse – le Sénat sera sûrement d’accord d’aller avec lui dans le thème du STIMULUS – d’ailleurs le chef de file des Républicains qui ressemble à Casimir – Mitch McConnell, a déjà déclaré qu’IL (lui-même personnellement tout seul – dans un élan de modestie que seul les Sénateurs peuvent avoir) comptait faire passer ce stimulus avant 2021. PAR CONTRE, il est peu probable, voire carrément impossible que le Sénat suive l’autre grabataire s’il veut supprimer les avantages fiscaux aux entreprises. Ce qui revient à dire qu’avec un gouvernement bien divisé une vague bleue qui se rapproche plus du violet foncé, on devrait avoir le meilleur des deux mondes capitalistes. À savoir des impôts qui restent bas et qui continuent à favoriser les entreprises et qui encouragent les CEOs des dites entreprises à ouvrir des sociétés écrans dans le Delaware pour planquer leurs bonus et en plus, un STIMULUS maousse-costaud qui relancerait l’économie américaine et qui ferait tellement de mal au virus qu’il serait obligé d’aller se plaindre auprès des associations qui luttent pour les droits de minorités.

Alors forcément, si l’on se base sur cette théorie, le marché ne peut plus faire que monter, ils devraient aussi interdire les « shorts », obliger les acheteurs à conserver leurs positions sur trois générations avant de pouvoir revendre et interdire les ventes à perte ou la publication de mauvaises nouvelles. Finalement, les USA, c’est peut-être la Chine de demain, avec un glaçage soviétique dessus.

En attendant, tout monte

Vous l’aurez donc compris, depuis que l’on a « découvert » cette nouvelle formule magique, tout monte. Et plus rien ne semble vouloir stopper le marché – sauf peut-être la résistance qui nous a freiner hier à 3520 sur le S&P500, d’ailleurs depuis, les futures sont en baisse. Et puis depuis que l’on sait que l’on ne peut plus baisser, il est intéressant de voir que les titres de Biden montent et les titres de Trump montent. Ben oui, forcément, si vous avez les deux forces politiques au pouvoir, tout le monde va pouvoir manger au râtelier. Hier soir on a noté que le secteur du Cannabis s’envolait progressivement puisque l’on parie sur une dépénalisation fédérale sous Biden, et puis il va falloir en fumer – du cannabis – pour supporter le nombre de gaffes et d’idioties qu’il va déblatérer durant son mandat.

Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

L’or monte aussi – parce qu’on ne sait jamais – ces dernières heures, le métal jaune a montré une force que l’on ne lui connaissait plus depuis un moment. Nos amis fans de « l’or va à 4’000 AU MOINS » ne devraient pas tarder à être à nouveau invités sur CNBC. Reste encore le pétrole qui hésite. Comme on ne sait pas si Biden va mettre Air Force One au jus de carottes ou au solaire et la voiture présidentielle sera une Tesla ou un modèle à essence, on se pose des questions. Actuellement le baril est à 37.70$ et l’or est à 1937$. Et puis ce matin, en Asie, on est partagé. Les futures en baisse, font peur à Hong Kong et Shanghai qui sont tous les deux en baisse et le Japon s’enthousiasme sur les théories de la division et ne fait que monter également.

Nouvelles du jour

Pendant que l’on se congratule d’avoir enfin trouvé la solution pour faire monter le marché tout le temps et pour toujours, il faut encore noter que la FED a parlé hier soir. Enfin, Powell a parlé au nom de la FED hier soir. Le Président de la Réserve Fédérale a donc laissé les taux inchangés – sans surprise – mais il a annoncé que, contrairement à ce que beaucoup pensent – moi entre autres – la FED a toujours des munitions et est toujours prête à les utiliser pour aider l’économie (ou faire monter la bourse, mais ça on peut pas dire). On ne sait pas trop quelles sont ces munitions, mais on espère juste que ce ne sont pas les mêmes que les armes de destruction massive qui sont toujours planquées en Irak et que George W Bush cherche toujours.

Pour le reste, on continue de voir des chiffres trimestriels qui se publient, Peloton le fabricant de vélos et de salles de fitness virtuelles a publié de très bons chiffres, mais le titre baissait after close parce qu’ils ont des problèmes de livraisons. Square a fait un carton et ses chiffres sont encore une fois fantastiques, Citigroup est super-bullish sur les voitures électriques chinoises et NIO s’envole encore. Et puis Biden vient de déclarer qu’il n’y a AUCUN DOUTE qu’il sera le prochain Président, Trump hurle au viol et il sait de quoi il parle, le Président estime qu’on lui vole SON élection et pendant ce temps-là, le COVID continue son œuvre et hier les USA ont encore annoncé 100’000 nouvelles contaminations, c’est la seconde journée consécutive à plus de 100’000 cas COVID. À ce propos, Astra Zeneca s’attend à avoir les résultats de son vaccin avant la fin de l’année, mais il faut dire que tout le monde se fout du COVID ; vu que Biden sera Président et que le gouvernement sera divisé – tout comme le pays – et que ça va être supercool.

Pendant ce temps le Roi de France continue dans sa mégalomanie toute puissante et annonce qu’il va doubler les contrôles aux douanes. Je crois qu’il se prend pour de Gaulle quand il était en exil à Londres, sauf que de Gaulle était un grand homme. Par contre, pour avoir passé plusieurs fois la frontière depuis le confinement français, je n’ai pas vu une seule fois un douanier ou un gendarme. Je me pose donc la question ; « si tu as ZERO CONTRÔLE et que tu DOUBLES les contrôles, deux fois zéro, ça fait combien ? ».

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura la Production Industrielle en Allemagne, les NON Farm Payrolls en France, mais surtout, surtout, les NON- Farm Payrolls aux USA. On attend 600’000 créations d’emplois et un taux de chômage à 7.7%. Je sais pas si ça va intéresser la communauté financière, vu que là tout de suite on a l’air d’avoir d’autres chats à fouetter que des chiffres à deux balles, qui sont magouillés et qui donnent une idée du passé alors que nous on se concentre sur l’avenir.

Les futures sont en baisse de 0.7% et le combat de boue continue aux USA. On est content de voir que le pays le plus puissant du monde en est réduit à observer le combat de deux vieillards pathétiques qui devraient être en train de pêcher à la ligne dans une rivière de l’Oregon plutôt que de nous les briser menues avec leurs vociférations permanentes.

Passez une très belle journée, un très bon week-end, essayez de parler à des vrais gens et de ne pas vous concentrer uniquement sur les élections américaines, il y a sérieusement d’autres choses bien plus intéressantes dans la vie, comme aller au restaurant.

Morningbull Live

Mis à part ça, on se retrouve lundi, bon week-end à tous !

Thomas Veillet

Investir.ch

“Age is an issue of mind over matter. If you don’t mind, it doesn’t matter.”

– Mark Twain