Les transitions présidentielles sont rarement simples aux États-Unis lorsqu'elles concernent un président sortant vaincu. On se souvient notamment de l’interrègne chaotique, à partir de fin 1932, entre le président sortant H. Hoover et F.D. Roosevelt. Comme Trump, le Républicain avait une forte aversion pour son successeur Démocrate, partiellement paralysé, qu’il surnommait "le caméléon sur une couverture" et accusait de mettre les États-Unis "en marche vers Moscou".

D’autres similitudes entre les deux personnalités et situations politiques interpellent… Hoover abhorrait le grand projet de New Deal de Roosevelt qu’il a activement torpillé. En fin de mandat, il a notamment laissé une grave crise bancaire s’enraciner au point que de nombreux États – dont le Nevada, l’Iowa, la Californie – avaient dû suspendre leurs opérations bancaires normales, pour empêcher les déposants de retirer leurs espèces. Sur la Covid-19, Trump imite Hoover. Trump a longtemps interdit à son groupe de travail sur le coronavirus d’informer l’équipe de transition et a retenu des informations sur l’OWP (Operation Warp Speed), l’effort de l’administration pour produire un vaccin.

Il a fallu presque une décennie à FDR pour installer son New deal

Les nominations judiciaires de haut niveau de Trump empêcheront Biden de gouverner par le biais de décrets et de directives réglementaires. Avec un Sénat républicain, l’avancement de la législation et la confirmation des candidats aux postes administratifs vont probablement être compliqués par Mitch McConnell (chef de la majorité au Sénat).

Récemment, le Trésor américain s’est réapproprié certains outils de lutte contre la crise de la Fed (facilités de prêt d’urgence). La Fed devra restituer les fonds inutilisés de cinq programmes expirant fin décembre. La réorientation des fonds est un mauvais signal. Au premier abord, cette non-extension semble inappropriée, compte tenu de la fragilité des perspectives économiques et de la résurgence de la crise sanitaire.

On retiendra que, malgré l’obstruction active de Hoover, FDR a finalement mit en œuvre son New Deal, qui structura la politique et l’économie américaine pendant des décennies. Dans la même veine, une version des plans démocrates d’Infrastructure et de « Green » New Deal verront très probablement le jour. Fondamentalement, ils reflètent une orientation idéologique que la majorité des électeurs ont choisie. Les députés Républicains qui lorgnent – déjà – sur les élections de mid-term savent bien quels risques ils prendraient à s’y opposer trop frontalement. En ce qui concerne la politique monétaire, la Fed a encore beaucoup de munitions. Les 450 milliards de dollars retirés par Mnuchin pourraient retourner au Congrès. Trump prépare peut-être un mini-accord juste avant Noël, dont il revendiquerait certainement le mérite… Ce scénario de sortie serait plus gracieux que ses pathétiques péripéties judiciaires. D’ailleurs, vendredi dernier, M. Mnuchin a lancé un ballon d’essai en suggérant très directement au Congrès de s’approprier ces milliards pour dénouer les négociations bloquées sur un mini-deal. Affaire à suivre…

La démocratie et les institutions américaines vivent un moment critique, mais elles devraient continuer à faire preuve de résilience.

Dans un mauvais scénario (peu probable), une nouvelle confrontation entre le Trésor et la Fed serait une mauvaise nouvelle pour les marchés à court terme. Dans un scénario plus favorable (et plus probable), on s’achemine vers un mini-accord, synchronisé avec une sortie gracieuse de Trump en décembre. Il ne reconnaitra probablement pas pour autant sa défaite. Cela fait longtemps que les investisseurs ne s’en soucient plus!

 

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