Jusqu'à mi-2018, les crypto-monnaies, comme le Bitcoin, avaient un comportement boursier comparable aux actifs de couverture (hedge), c’est à-dire qu’elles étaient décorellées des principales classes d’actifs comme les actions et les obligations.

En général, les crypto-monnaies suivaient la tendance des métaux précieux, de l’or en particulier. L’indicateur-vedette de peur du marché des actions – l’indice VIX – était lui aussi, très logiquement, positivement corrélé au Bitcoin. Après avoir été confidentiel, le cours du BTC est devenu intriguant, attisant la spéculation, mais aussi les réactions des gouvernements. Ainsi, en quelques mois et dans une très grande volatilité, le BTC est passé de 2-3’000 à environ 20’000, pour redescendre précipitamment à la case départ.

Depuis fin 2018, les choses ont totalement changé. Le BTC a commencé à développer sa propre trajectoire et à se déconnecter des métaux précieux. À tel point que, ces derniers mois, de nombreux investisseurs ont même plutôt vendu leurs positions sur l’once d’or – la plupart du temps détenue au travers d’ETF – en faveur du BTC! La corrélation du BTC avec l’or est devenue négative tout comme elle est devenue positive avec les actifs risqués. La hausse appelant à la hausse, les flux spéculatifs ont à nouveau poussé le BTC au niveau record de 20’000 ces derniers jours. Sachant que son offre est limitée et son marché relativement étroit, il suffit d’une concentration soudaine de flux acheteurs pour provoquer une hausse spectaculaire du BTC…

Bitcoin et Vix
source: Bloomberg

Deux grandes tendances lourdes, favorables aux crypto-monnaies « privées », se sont installées.

La baisse des transactions en espèces

Un nombre grandissant de pays compliquent les transactions en argent numéraire, notamment avec des billets de grosse coupure. L’idée, c’est la lutte contre l’argent noir et la corruption. Dans de nombreux pays européens, les paiements en espèces ne sont autorisés que jusqu’à hauteur de 2 999,99 euros depuis 2016. La Suède a quasiment adopté le paiement tout-numérique. En 2016, l’Inde a retiré de la circulation les billets à plus forte valeur nominale (500 et 1000 roupies). Dernièrement, la pandémie n’a fait qu’accélérer le rythme d’adoption des paiements sans contact pour des raisons de sécurité sanitaire.

Les banques centrales engagent une course à la numérisation de l’argent

En Chine, le PBoC va lancer son crypto-Yuan. Le mois dernier, la BCE a annoncé l’émission possible d’un euro numérique. La semaine dernière, la BNS confirmait l’étude d’un crypto-CHF, dont les résultats finaux sont attendus pour fin 2021. La Réserve fédérale américaine est prête à classer la monnaie numérique comme monnaie légitime.

Les futures crypto-monnaies de banques centrales permettront la traçabilité des transactions. Le cash est de plus en plus malvenu pour les grosses transactions. Sans parler de l’échange d’informations que les banques helvétiques connaissent (un peu top) bien! En bref, l’étau se resserre pour ceux qui veulent thésauriser leurs capitaux hors de la vue des autorités fiscales ou qui recherchent une confidentialité absolue de leurs transactions. Les cryptomonnaies – privées – malgré leur opacité, font clairement partie des « solutions ».

Tout n’est pourtant pas si rose à moyen terme

D’abord, le BTC n’a aucune valeur intrinsèque, car il n’est gagé que par son réseau informatique et la confiance des acheteurs qui lui octroient une valeur de transaction. De plus, les crypto-monnaies privées se heurtent à des obstacles majeurs. Les gouvernements, les banques centrales et les banques – privées – ont tous de très bonnes raisons de le combattre. Encore plus depuis que certains géants de la FinTech (Ant par exemple), menacent de populariser leur crypto-monnaie à large échelle. Il y a quelques années, des pays asiatiques avaient imposé des réglementations interdisant aux banques les transactions en BTC et également fortement dissuadé les détaillants de l’accepter. Cette opposition pourrait reprendre à tout moment, si la frénésie pour le BTC devait continuer.

Bien malin celui qui prétend savoir si le BTC franchira prochainement la « barre psychologique » des 20’000. C’est possible. Ce qui nous parait plus sûr, c’est que les crypto-monnaies « privées » ont avant tout un caractère spéculatif. Dans un portefeuille largement diversifié, elles ne rivalisent pas avec l’or, comme outil de couverture et de protection.

 

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